Les tendances suicidaires manifestes de Brigitte et sa dépendance à l'aconit font d'elle une jeune femme à problèmes qu'il convient de surveiller médicalement. Elle se voit donc internée dans un hôpital en compagnie d'autres demoiselles souffrant de problèmes psychologiques aussi divers que variés. Mais Brigitte a bien d'autres soucis. Son corps poursuit son incroyable mutation et, en l'absence d'aconit, celle-ci se fait plus rapide encore. Ses sens s'aiguisent, ses pulsions deviennent difficilement contrôlables et il lui faut par dessus tout fuir le loup-garou qui la traque…
En 2000, John Fawcett surprend son monde avec un second long métrage nommé GINGER SNAPS. Bien que sorti dans un relatif anonymat, le film se crée rapidement une réputation flatteuse auprès des bissophiles adeptes des vidéo clubs. Le métrage, particulièrement soigné, nous invite à entrer dans l'univers de Ginger et Brigitte, deux soeurs dont le passage à l'adolescence ne se fera pas sans mal. En effet, leur chemin croise celui d'un loup-garou qui, d'un coup de dents, modifiera à jamais leurs destinées. Le réalisateur opte alors pour un parallèle audacieux (et payant) entre le passage de l'enfance à l'âge adulte et la mutation de l'humain à la bête. Le ton est sombre, le propos pertinent et les actrices incroyablement justes. Le succès d'estime qui suit ne pouvait que donner lieu à un second chapitre, dont la raison d'être va cependant bien au-delà de l'aspect mercantile…
Cette première séquelle arrive dans les bacs en 2004, tout comme le troisième volet, tourné dans la foulée, avec cette fois-ci le réalisateur Brett Sullivan aux commandes. L'homme reprend donc le flambeau pour offrir une continuité intelligente à l'histoire des sœurs Fitzgerald. La métaphore entre le passage à l'état de femme et la lycanthropie poursuit ici son chemin de manière convaincante. C'est donc fort logiquement qu'après l'arrivée d'un cycle menstruel perturbant, ce sont maintenant les pulsions sexuelles qui font leur apparition. L'attraction et l'envie du corps de l'autre seront dès lors les points d'orgue d'un métrage oscillant avec tact entre le suggéré et l'explicite. Le suggéré tout d'abord, avec l'ombre du loup qui rôde sans relâche autour de sa proie, pour une confrontation qui s'annonce bien entendu comme charnelle. L'image de la jeune femme traquée par le monstre velu n'est du reste pas sans rappeler le conte du Chaperon Rouge et certaines des interprétations qui en sont faites… Brigitte est ici fort naturellement effrayée mais aussi intriguée et, de manière plus déroutante à ses yeux, irrémédiablement attirée par la bête qui la désire.
Comme dit précédemment, le métrage sait aussi se montrer bien plus explicite, notamment via le personnage de Ginger qui apparaît maintenant dans les pensées de sa sœur. Ses propos, crus et provocateurs, incitent Brigitte à céder à la tentation, la pousse à succomber pour laisser place à la bestialité/sexualité qui vit en elle. Dès lors, la frustration s'installe et les pulsions s'avèrent de plus en plus délicates à refouler. Une hallucinante séquence de masturbation collective vient du reste enfoncer le clou et repousser encore les limites du désir. D'autant qu'au-delà du danger insaisissable, effrayant et inconnu que symbolise le loup-garou, un jeune infirmier torture lui aussi cette chère Brigitte. Seul détenteur de l'aconit (dont l'une des espèces se nomme d'ailleurs «aconit tue-loup») susceptible d'apaiser les instincts bestiaux naissants, l'homme se livre à un chantage odieux avec les pensionnaires (exclusivement féminins) de l'hôpital : une dose de l'objet de leur dépendance en échange de faveurs sexuelles. Par la force des choses, cet infirmier (tantôt fragile, tantôt pervers) sera donc finalement celui par qui le soulagement arrivera, celui qui injectera la substance (métaphore de la semence) directement dans l'intimité de la jeune femme…
GINGER SNAPS : RESURRECTION n'est cependant pas qu'un film intelligent sur l'éveil à la sexualité et l'acceptation de son corps (que Brigitte mutile, refusant les changements qui s'opèrent) : c'est avant tout un film de loups-garous. Très hors normes certes, mais loup-garou quand même ! Et là encore, il prend une forme particulièrement inattendue, celui d'un double huis clos plutôt bien vu. La première partie du film, située exclusivement au sein de l'hôpital, se focalise donc sur la psychologie de Brigitte mais aussi des autres «pensionnaires» de l'établissement. Parmi eux, le personnage de Ghost. Jeune fille effacée et mal aimée, elle aura les faveurs d'un scénario qui prendra grand soin de développer, lentement mais sûrement, ses troubles mentaux jusqu'à un final bien évidement sombre et désespéré… Dans cette partie, qui occupe environ deux tiers du métrage, le loup est suggéré, il est une menace palpable mais invisible dont la présence deviendra si troublante qu'elle imposera à Brigitte une fuite en avant. Dérobade qui la mènera dans un lieu encore plus étroit. Dès lors, l'étau se ressert et le métrage prend des allures de «film de siège» (tout comme GINGER SNAPS : AUX ORIGINES DU MAL) pour une phase bien plus démonstrative et saignante. Le rythme s'accélère et les mouvements de caméra deviennent plus chaotiques. La tension monte pour finalement laisser souffler un spectateur qui, pour peu qu'il ait adhéré au concept, ne peut qu'en redemander. Ce sera chose faite avec un troisième volet, encore plus soigné visuellement mais malheureusement moins abouti sur le plan psychologique…
Abordons pour finir le cas des acteurs, tous très convaincants avec bien entendu une mention spéciale pour Emily Perkins, remarquable interprète de Brigitte. Son physique très particulier, ses traits osseux ainsi que son regard pénétrant sont autant d'atouts qui donnent une réelle consistance à son personnage de femme-animal. Sa carrière semble du reste s'orienter timidement vers le cinéma fantastique avec quelques apparitions dans des séries télévisées telles que AUX FRONTIERES DU REEL, LA 13EME DIMENSION, DEAD LIKE ME, etc. Souhaitons avoir l'occasion d'en reparler dans nos colonnes…
Ce second opus arrive donc en France sur le tard, plus de deux ans après la sortie des disques Zone 1 (Canada et Etats-Unis) qui disposait déjà de qualités techniques appréciables ainsi que d'un doublage québécois de bonne facture… Quoiqu'il en soit, le voici maintenant dans nos bacs suite à la louable initiative de Metropolitan. Comme souvent chez cet éditeur, le DVD est de qualité. L'image est donc proposée au format 1.77 d'origine via un encodage 16/9ème exempt de défaut. L'imagerie sombre du film n'est nullement un problème et les teintes noires sont fort bien restituées. La colorimétrie ainsi que les contrastes ne souffrent par ailleurs d'aucun problème notable. Concernant l'ambiance sonore, elle sera elle aussi exemplaire, que vous optiez pour la version originale anglaise (avec sous-titres français amovibles) ou le doublage français (d'honnête facture). Dans les deux cas, la spatialisation (Dolby Digital 5.1) est au rendez-vous, notamment lors des «flashs» sanglants de Brigitte ou, bien évidement, lors des apparitions du loup-garou.
Ce disque français reprend par ailleurs les différents bonus des éditions Zone 1 (américaine et canadienne), à l'exception toutefois du commentaire audio… Reste que nous avons là huit scènes coupées présentées en version originale sous-titrée pour un total de douze minutes. Ne présentant que peu d'intérêt, celles-ci sont pour une bonne part des versions «alternatives» de ce que l'on trouve dans le montage définitif. Trois d'entre elles permettent cependant d'approfondir encore le personnage de la jeune Ghost, faisant ressortir plus en amont sa folie morbide. Idem pour Alice (responsable du centre) dont le personnage se voit légèrement, mais inutilement, développé. Un Making-Of découpé en quatre parties vient s'ajouter à cela. Sur une durée totale plutôt limitée (moins de seize minutes), il parvient cependant à intéresser, allant droit à l'essentiel et nous dévoilant maquillages, trucages mais aussi la construction des décors. Les techniques sont régulièrement mises en parallèle avec le résultat final visible dans le métrage pour un ensemble pertinent et très digeste… Bien moins passionnant en revanche, les différents bouts d'essais des acteurs, au nombre de six pour une durée inférieure à douze minutes. Nous noterons toutefois que le monologue «test» de l'actrice Tatiana Maslany (Ghost) se fait sur une scène qui sera finalement coupée… S'ajoute à cela un aperçu d'une partie du story-board (une minute et vingt sept secondes dans la maison) et un comparatif entre le story-board et le film (sous-sol de l'hôpital) sur près de deux minutes. Nous terminerons le tour de cette édition avec les bandes annonces de l'éditeur, au nombre de trois, nous permettant de nous (re-)plonger brièvement dans les deuxième et troisième volets de la trilogie GINGER SNAPS ainsi que dans l'envoûtant L'ANTRE DE LA FOLIE de John Carpenter. Ces bandes annonces sont visibles aussi bien en version française qu'en version originale sous-titrée. Nous pointerons par ailleurs du doigt le re-titrage français du film, plutôt décalé, ainsi que le visuel de la jaquette, tout simplement mensonger (l'effet UNDERWORLD sans doute…).
GINGER SNAPS : RESURRECTION est donc la suite directe du premier opus. Aussi sombre, encore plus travaillé visuellement et toujours intelligent dans son propos, ce volet parvient sans mal à se hisser au niveau de l'original. Il se montre par ailleurs plus explicite graphiquement et bien souvent plus soigné en terme d'effets spéciaux. Des qualités qui font vite oublier les quelques maladresses que sont les apparitions de Ginger (pas toujours utiles) ou le manque d'intérêt de certains personnages secondaires… Quoiqu'il en soit, le film de Brett Sullivan s'avère plus que recommandable et s'inscrit sans honte au cœur de cette trilogie hors norme et, pour tout dire, assez exceptionnelle.