Mak et Nak sont amoureux et heureux de l'être. Donc, ils se marient mais Tick et Tock les cambriolent et subtilisent leurs cadeaux de mariage. La déconvenue est terrible mais bientôt, Mak va mettre par hasard la main sur les voleurs. Ceux-ci prennent la fuite à bord de leur fourgon et percutent par là même le pauvre Mak qui sombre alors dans un profond coma. Dès lors, le fantôme de Mae Nak, femme décédée deux siècles plus tôt en mettant son enfant au monde, va entreprendre de venger le jeune couple en éliminant les coupables. Elle prend pour cela possession du corps fragilisé et alité de Mak et, par ce biais, communique avec Nak. Si celle-ci veut retrouver son époux, elle devra aider le spectre de Mae Nak à trouver la paix…
La légende du fantôme de Mae Nak s'inscrit de plain pied dans l'univers des esprits et âmes qui hantent les croyances Animistes d'une bonne partie de la Thaïlande. Située le plus souvent au 19ème siècle, cette triste histoire nous conte les jours heureux de Mae Nak et Por Mak qui attendent alors leur premier enfant. Malheureusement, Por Mak est envoyé à la guerre et y est gravement blessé. Vient alors le temps pour sa femme de mettre au monde leur enfant. L'accouchement se passe très mal et se solde par deux décès… Por Mak rentre chez lui, quelques mois plus tard et retrouve sa femme ainsi que son fils, tous deux sains et saufs. Celui-ci ne se doute de rien pendant plusieurs semaines mais un jour, il fait tomber une tasse que sa femme rattrape en allongeant démesurément son bras. L'homme comprend alors que sa famille est morte et qu'il vit parmi les fantômes. Depuis, Mae Nak élimine les villageois qui tentent de se mettre entre elle et son amour perdu… Ce mythe fût adapté une bonne vingtaine de fois sur grand écran et près d'une centaine à la télévision. Chaque version y allant bien entendu de sa petite variation, tout comme la légende dont les détails divergent en fonction des régions où elle est contée… La première adaptation date de 1952 et prend sobrement comme titre le nom du fantômes (Mae Nak). Friands d'aventures horrifiques, les réalisateurs thaïs n'auront de cesse de réemployer la même trame jusqu'à une remarquable version, réalisée par Nonzee Nimibutr en 1999. Cette énième re-sucée du mythe remportera un vif succès critique ainsi que de nombreux prix lors de festivals de cinéma asiatiques. Un succès tel qu'il relancera alors l'intérêt pour Mae Nak et sa triste histoire…
La légende de Mae Nak est donc une croyance populaire ancrée dans l'esprit des Thaïlandais depuis près de deux siècles. Il est par conséquent étonnant de constater que, dans sa volonté de moderniser la légende, le réalisateur décide de situer non pas son histoire dans un environnement «populaire» justement mais au contraire au sein de la minorité aisé du pays. Un choix curieux puisque cette classe sociale, très occidentalisée, semble plus éloignée des coutumes et croyances du pays, comme en témoigne du reste la scène de mariage qui n'est que très peu traditionnelle… Reste que ce choix se justifie sans aucun doute par le souhait de créer un métrage destiné à l'export et donc plus proche d'un public cible voulu le plus large possible. De fait, et comme ce fût le cas pour THE EYE, nous perdons à l'écran une bonne partie de ce qui fait la richesse de la Thaïlande et de sa culture… L'action prend place quasi-exclusivement dans le «quartier des affaires» (comprenez huppé) qui représente pourtant moins de 10% de la superficie de Bangkok. Les images qui nous sont proposées n'offrent donc ni l'exotisme, ni le charme espéré et ce malgré la photo très soignée qui accompagnera le film sur toute sa durée… Qu'importe et jugeons donc le film pour ce qu'il est, à savoir un métrage d'horreur basé sur une légende locale persistante.
De par le nom des deux personnages vedettes, Mark Duffield crée un lien direct (et simpliste) avec le mythe du fantôme de Mae Nak. Reste que dans ce contexte, les intentions dudit spectre sont plutôt obscures puisqu'il semble courir deux lièvres à la fois. Nous aurons donc deux trames générales, totalement indépendantes l'une de l'autre et ce sur toute la durée du métrage. Tout d'abord, Mae Nak prend en «otage» (une simili possession) le corps comateux de Mak, réclamant en échange que lui soit rendue la quiétude qu'elle cherche depuis bien longtemps. Cette phase aurait plutôt tendance à manquer de cohérence avec bon nombre d'évènements qui surviennent à l'instant propice, sans véritable logique. Nous mettrons ça sur le compte du surnaturel, du destin ou de la chance… Quoiqu'il en soit, Mae Nak s'impose une quête secondaire dans laquelle elle entreprend de châtier gravement les responsables du coma de Mak. Intension louable de la part d'un fantôme qui se concrétisera à l'écran via différentes morts mises en scène de manière plutôt inégales, à la manière par exemple d'un sous-DESTINATION FINALE. L'influence de la trilogie initiée par James Wong semble du reste assez évidente lors de certaines scènes. Le film nous offre à ce titre l'une des morts les plus graphiques (une vitre tombant du ciel : merci DESTINATION FINALE 2) vue depuis bien longtemps ! Un vrai moment de bonheur qui restera malheureusement assez unique dans le métrage. N'allez cependant pas imaginer que Mark Duffield n'y met pas du sien car en réalité, son film nous proposera deux ou trois autres scènes plutôt bien vues. La séance d'«écriture automatique» est par exemple particulièrement réussie et ce à tous points de vue (ambiance, image, mise en scène, jeu d'acteurs etc.). Reste qu'outre ces quelques séquences, trop rares, le film ne marquera pas les esprits et se perdra bien vite dans la masse des productions horrifiques asiatiques. La faute sans doute à son scénario trop confus et à l'incapacité évidente de Mark Duffield à créer une quelconque tension… Un film d'horreur qui ne suscite pas la peur, voilà un bien triste constat ! L'atmosphère proprette dans laquelle évoluent les acteurs n'aide pas et, là encore, il est dommage de voir à quel point la ville de Bangkok est sous-exploitée…
Reste que les acteurs sont plutôt bons, font preuve d'un jeu, sobre et modéré, appréciable et qu'ils mènent le spectateur sans mal 102 minutes durant. Mention spéciale à la superbe interprète de Mae Nak, réellement éblouissante lors des flash-backs (lesquels sont assez réussis) et visuellement repoussante lors de ses apparitions spectrales. Nous noterons par ailleurs la présence appréciable de Jaran Ngamdee (Por Mak) qui ré-enfile slip et sandalettes (scènes de flash-back encore) de manière convaincante après avoir tenu en 2000 le rôle principal du barbare BANGRAJAN et, en 2004, un petit rôle dans le ALEXANDRE de Oliver Stone… Nous noterons enfin le choix audacieux des deux interprètes principaux. En effet, malgré leur performance très correcte à l'écran, l'actrice Pataratida Pacharawirapong (Nak) et l'acteur Siwat Chotchaicharin (Mak) n'en étaient là qu'à leur tout premier rôle ! Rôle resté du reste et à notre connaissance encore unique à ce jour…
GHOST OF MAE NAK arrive en DVD Zone 2 via le jeune éditeur Kubik. Spécialisé dans la parution de films asiatiques, Kubik nous avait déjà proposé quelques productions thaïlandaises avec GOODMAN TOWN et SIAMESE OUTLAWS. Contrairement à ces titres, le disque de GHOST OF MAE NAK ne dispose pas d'un doublage français. Ce qui, commercialement parlant, peut s'avérer risqué n'est en réalité pas très important pour l'amateur tant les doublages en langue de Molière apparaissent comme ridicules sur les métrages en provenance d'Asie… L'éditeur commet cependant une erreur en ne proposant pas la piste DTS thaïlandaise pourtant disponible sur les éditions Zone 1 et Zone 2 britannique... Nous devrons donc nous contenter d'une piste au format Dolby Digital 5.1 qui remplit son contrat honorablement mais sans excès. Comprenez par là qu'elle est de bonne facture mais ne contribuera pas vraiment à créer une ambiance via une véritable immersion sonore. Les enceintes surrounds ne seront que très rarement sollicitées (lors des apparitions spectrales essentiellement) et ce de manière très sobre. L'image quant à elle nous est proposée dans un format 1.77 encodé en 16/9ème. Celle-ci retranscrit bien la photographie plutôt léchée du métrage et seuls quelques petits points blancs, plutôt rares, viendront entacher notre plaisir. Nous pourrons aussi reprocher aux noirs de n'être pas suffisamment profonds…
Du côté des bonus, la jaquette nous promet un certain nombre de choses, dont l'interview de l'actrice principale. Ce dernier bonus n'est malheureusement pas présent sur le disque. En réalité, les acteurs et réalisateur n'auront l'occasion de s'exprimer brièvement qu'au travers d'un Making-Of plutôt bref (environ six minutes) et creux… Se joignent à cet aperçu du tournage deux «Spots télé» dont la durée totale frôle les sept minutes. Filmés à la manière des «reportages» de l'émission «Mystères», ces deux mini documentaires permettent aux Thaïlandais de s'exprimer quant au mythe de Mae Nak. Tout cela respire le factice à plein nez mais se regarde cependant sans déplaisir. L'écoute est en revanche rendue désagréable par une saturation assez regrettable du son… Dernier bonus enfin avec huit des bandes annonces de l'éditeur. La jaquette nous informe par ailleurs de la présence d'un bonus relatant l'histoire de Mae Nak. Celui-ci est en présent sous la forme d'un livret fort bien présenté et particulièrement instructif. Ces quelques pages forment donc le bonus le plus attractif de l'édition, apportant moultes informations quant à la légende, son adaptation au cinéma et les spectres/démons thaïlandais en général. Un vrai plus qui suffit à lui seul à faire la différence (sur le plan éditorial) avec les autres éditions DVD.
GHOST OF MAE NAK est donc un film d'horreur qui, malheureusement, échoue dans ce domaine et peine à instaurer une atmosphère véritablement oppressante. Malgré la mise en image soignée, un flash-back historique réussi et des acteurs convaincants, le film ne décolle pas vraiment et se prend quelque peu les pieds dans un scénario plutôt maladroit. Par ailleurs, si le choix du réalisateur en terme de lieu d'action nous semble commercialement justifiable, il nous prive à l'évidence d'un dépaysement et d'un exotisme qui auraient sans aucun doute été grandement bénéfique au métrage…