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Critique du film et du DVD Zone 2
THE ULTIMATE VERSUS 2000

 

En 2001, le Festival de Gerardmer offrait à quelques spectateurs chanceux la possibilité de découvrir la première œuvre d'un jeune cinéaste japonais, Ryuhei Kitamura. À l'origine de plusieurs courts-métrages dont HEAT AFTER DARK (1996) et DOWN TO HELL (1997), le réalisateur débute une carrière que l'on estime prometteuse avec VERSUS, L'ULTIME GUERRIER (2000). Un an plus tard, le métrage de ce quasi autodidacte enchante une partie du public français, celle naturellement encline à s'égarer dans les contrées subversives d'un Septième Art tout à la fois ultra violent et drôle. De fait, elle ne s'étonnera guère de retrouver au sein de cette histoire de zombies les principaux motifs d'un genre pourtant très en retrait derrière les influences prépondérantes du “pur” film d'action. Cinéphage revendiqué, Kitamura assujettit explicitement sa conception de l'exercice de réalisation à la maîtrise puis l'interprétation d'un patrimoine artistique essentiellement représenté par les auteurs d'un cinéma... dissipé. Ce parti pris implique une perspective d'approche décomplexée dont le casting et la nature de l'équipe technique illustrent le bien-fondé. N'hésitant guère à faire se rencontrer acteurs débutants (Tak Sakaguchi) et comédiens chevronnés (Minoru Matsumoto), techniciens “du dimanche” (conception de certains maquillages par Yudai Yamaguchi) et véritables professionnels (le monteur, Shuichi Kakesu; le spécialiste du son, Kenji Shibazaki), le cinéaste inscrit d'emblée son œuvre sous le signe d'une profusion, certes parfois désordonnée, mais également extrêmement énergique et réjouissante. L'amateur français ne s'y est pas trompé et applaudit en 2002 l'apparition d'un DVD au sein du territoire. Cinq années plus tard, WE Productions entreprennent de nous émerveiller une fois de plus en proposant une version du film agrémentée des scènes supplémentaires (dix minutes) tournées en 2003.

Deux évadés rejoignent leurs comparses à l'orée d'une forêt. L'un d'eux (Tak Sakaguchi) décide de libérer une demoiselle (Chieko Misaka) prise en otage par les terribles yakusa (Kenji Matsuda, Yuichiro Arai, Minoru Matsumoto, Kazuhito Ohba) et s'attire naturellement les foudres des kidnappeurs. Au terme d'une confrontation sanglante, l'une des victimes revient à la vie, phénomène a priori courant au sein du lieu qui maintenant s'érige en un espace de courses-poursuite et de duels bien détonnants...

En premier lieu, l'oeuvre de Kitamura souhaite clairement remettre au goût du jour l'Action et l'Épouvante anglo-saxonnes qui firent les beaux jours des années 80 jusqu'au début 90. Gangsters cruels et maniérés à la Tarantino (RESERVOIR DOGS, 1992), véhicules, accoutrements, faces partiellement énucléés à la MAD MAX 2 (George Miller, 1981), flics égocentriques, zombies apparentés à leurs cousins américains (LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, 1969; DAWN OF THE DEAD, 1978, de George A. Romero), établissent l'assise référentielle du métrage. À cela s'ajoutent maintes séquences directement liées à cette mémoire collective telle une apparition de morts-vivants à rapprocher de FOG (John Carpenter, 1980). Sous l'oeil dubitatif des protagonistes humains, d'étranges silhouettes surgissent du brouillard environnant. De même, certaines déambulations “champêtres” évoquent celles du pauvre Ash imaginé par Sam Raimi (EVIL DEAD, EVIL DEAD II et EVIL DEAD III). Si le combat final suggère que notre cinéaste a apprécié HIGHLANDER (Russel Mulcahy, 1986), d'autres duels octroient au film une tonalité plus asiatique. Hommage au chambara traditionnel, l'incipit présente des samouraïs dont l'attitude ainsi que la mise à mort (filmée au ralenti) s'inspirent de celles auparavant filmées par Kurosawa ou Kenji Misumi (la série BABY CART ou ZATOICHI). Enfin, quelques combats à l'arme à feu révèlent l'influence de John Woo et d'irréelles envolées celle de Tsui Hark. L'action revêt ainsi une importance primordiale, entre autres consacrée par une mise en scène ultra dynamique. Zooms et travellings conjugués, surdécoupage et exploitation d'une steadycam nourrissent la représentation stylisée des confrontations multiples et variées offertes par une fiction laquelle enchaîne frénétiquement combats à mains nues, au couteau, au sabre et mexican stand-off.

L'Ultimate version confirme cette tendance. Les séquences tournées en 2003 se composent pour l'essentiel de plans de coupe visant à surdynamiser, s'il en était encore besoin (?), la mise en scène des dits combats, notamment l'“Ultime”. Inserts sur les visages, actions supplémentaires, nouvelles images intercalées ou blagues inédites (sabre doté d'une gâchette) renforcent souvent inutilement la frénésie de l'épisode. Dans un même ordre d'idées, le générique de fin dorénavant pourvu de flammes et de moirages rougeâtres, crépite, étincelle, pétarade outrageusement. L'exubérance est également de mise quand il s'agit de peindre les conséquences fâcheuses d'une rencontre avec Dame Faucheuse. Des fontaines de sang éclaboussent les chairs tuméfiées des zombies et humains qui, perdant progressivement leurs membres et leurs entrailles, finissent par se confondre. Démonstratif et drôle, THE ULTIMATE VERSUS accuse toutefois les incontournables lacunes du premier film. En quête d'une légitimité toute naturelle, Kitamura désire impressionner et en fait trop... trop d'intrigues, de personnages, d'effets de style, de scènes ajoutées! D'où l'anarchie parfois lassante d'un métrage dont on ne sait alors comment l'interpréter. La réédition compense ce manque en permettant de revoir l'oeuvre à la lumière de celles réalisées depuis par notre artiste.

Nous l'avons dit, l'action demeure le maître-mot du cinéaste. Pourquoi? D'abord, en raison d'une évidente propension au “fun” - terme utilisé à maintes reprises au cours du commentaire audio - mais pareillement via une approche philosophique singulière qui, sans amoindrir le caractère ludique du métrage, en constitue un élément fondamental. Héritier d'une culture nippone traditionnelle, Kitamura apprécie la mise en scène du Combat dans une optique originale. Acmé de la terrible destiné humaine, la Confrontation implique une purification de l'âme. Pour ce, explique l'Aragami (Masaya Kato) du film au titre homonyme (ARAGAMI, 2003), l'être doit faire surgir sa véritable nature, celle de ses plus noires pulsions. Ainsi les scientifiques d'ALIVE (2002) attendent-ils du cobaye (Hideo Sakaki) qu'il se libère de sa (faible) civilité pour révéler le “coté sombre” nécessité par l'affrontement final. Le déchaînement du Mal ainsi qu'une mort prématurée (les héros d'ARAGAMI et ALIVE meurent et ressuscitent) activent l'accomplissement du Destin. De fait, le réalisateur prend soin de signaler la cruauté, d'ailleurs exponentielle, des protagonistes de VERSUS. Le héros (Tak Sakaguchi) n'hésite pas à malmener une jeune femme (Chieko Misaka), vole les chaussures d'un mort et tue sans hésiter. La ligne de partage entre yakusa, prisonniers et zombies s'effrite progressivement pour stimuler la “machine infernale” et par élargissement la dynamique de l'ensemble. Point de temps mort pour Demoiselle Fortune poussant littéralement notre personnage vers l'Inéluctable. Motifs du zombie, de la résurrection, du vampirisme soumettent alors le cadre référentiel au temps mythologique de l'Éternel Recommencement. À ce titre, la déréalisation occasionnée par l'éclairage quasi gothique d'une forêt magique, les nappes de brouillard et l'étalonnage coloré de certaines scènes (version longue) soutient la dimension allégorique d'un film dont les illustres successeurs démontreront rétrospectivement l'immense richesse. Parallèlement, l'accès permis par la version remaniée aux fameux étalonnages bleus, rouges et verts assoie bienheureusement la signification spirituelle de VERSUS. Bleue lorsque le Mal prend le pouvoir et rouge quand le Bien inverse la donne, l'image développe une codification originale fort éloquente. De surcroît, l'ajout d'une scène introductive qui plonge le spectateur au sein de l'infini “galactique” vient à soutenir la dimension universelle de l'histoire.

La nouvelle édition de VERSUS, L'ULTIME GUERRIER offre donc aux fans deux versions, l'une initiale privée de certains étalonnages primaires (bleu, vert et rouge), l'autre enrichie des scènes tournées en 2003. Identique à celle mise sur le marché voilà plusieurs années, la première galette contient la version “courte” pourvue d'une image satisfaisante, conservant le “grain cinéma” et des contrastes correctes. Le son, version originale sous-titrée, Dolby surround n'a pas à rougir devant ses homologues multicanals proposés par sa variante longue. Le doublage français semble être un peu plus “pêchu”. Le deuxième disque comporte notre fiction remaniée. Un taux de compression par trop élevé dévalorise l'étalonnage ici réintégré, d'où l'impression momentanée mais tout de même assez frustrante, de “bouillie numérique”. Car si on retrouve bel et bien les filtres colorés de la version cinéma, l'image n'a rien d'Ultimate avec un contraste approximatif et un niveau de détail inférieur au transfert de la version courte (qui ressemble étrangement au celui réalisé, par Film Office, il y a... 5 ans). Le tout n'est pas aidé par la compression. Il suffit de prendre au hasard une scène avec un personnage qui se déplace même lentement et la regarder image par image. Puis changer de disque et adopter le même visionnage pour que l'évidence saute aux yeux ! En revanche, les deux pistes sonores en version originale, Dolby Digital 5.1 et DTS, restent appréciables. La version DTS est la plus "impressionnante" en terme de clarté mais dans les deux cas, cela sonne surtout comme l'ancienne piste en stéréo surround sur laquelle la musique et quelques effets adoptent vraiment la pleine mesure des cinq canaux. L'écoute des scènes de combat ou des dialogues est à ce titre éloquente. Alors que faire avec cette édition Ultimate ? Regarder le film avec une image de qualité satisfaisante en version courte et sans les filtres colorés voulus par le cinéaste ou bien opter pour la version allongée respectant la vision du réalisateur mais aussi la vision floue de l'éditeur ? A vous de voir...

Version cinéma
(sans filtres)
Version longue
(avec filtres)

Déjà présents dans l'édition précédente, les boni adjoints à la version “courte” demeurent ceux qui suscitent le plus notre intérêt. Accompagné du producteur Hideo Nishimura et de l'aimable Vanessa (?), Kitamura se plie à l'exercice du commentaire audio, profitant de l'occasion pour nous livrer quelques informations intéressantes. Jalonné de blagues plus ou moins efficaces, le discours du cinéaste pointe globalement du doigt trois aspects majeurs de l'oeuvre. D'abord, la multiplicité et l'étendue des sources d'inspiration cinématographiques restent clairement assumées, voire revendiquées. Kurosawa, Romero, Carpenter, Cameron ou Raimi constituent la pierre angulaire du temple imaginaire érigé et dédié par l'artiste au cinéma d'action. Ce dernier est en effet prépondérant dans un métrage qui, en dépit des apparences, n'accorde qu'une importance minime au “gore”. Les combats, duels, “bagarres” fournissent au film un squelette sur lequel viennent se greffer ultérieurement viscères, chairs arrachées et giclées de sang. Enfin, la mention récurrente du directeur photo Takumi Furuya et du réalisateur “seconde équipe” (entre autres!) Yudai Yamaguchi, souligne l'évidente richesse d'une équipe dotée de points de vue fort différents. À ce titre, Furuya prête sa sensibilité aux rares scènes romantiques tandis que Yamaguchi truffe le métrage d'immondes zombies.

Décidés à poursuivre cette agréable promenade par-delà l'Écran, nous nous précipitons ensuite sur le bonus incontournable du DVD; l'interview du monteur Shuichi Kakesu. Formidable d'intelligence et (donc) de sobriété, l'entretien est à l'image de l'artiste. Extrêmement pédagogue, le monteur de JIN-RÔ, GOJOE ou M/OTHER, relate sa rencontre avec Kitamura, son investissement au sein du cinéma indépendant et nous dévoile les secrets de son métier. Difficulté à monter une “matière” par trop dense, postulats de travail opposés s'agissant de métrages live(s) ou d'animation et importance des effets sonores redéfinissent l'appréciation traditionnelle du film. Passionnant! Le savoir-faire du réalisateur de l'entretien, Jean-Armand Bougrelle, justifie notre promptitude à enchaîner sur le bonus intitulé “Au fond des bois” dont l'équilibrage parfait entre divers interventions et les extraits du film consacre la compétence du journaliste français. Durant 25 minutes, nous revivons en compagnie des comédiens Sakaguchi et Matsumoto, du producteur Nishimura, du chorégraphe Yuji Shinomura et de Kitamura, l'aventure VERSUS, sa genèse, ses déboires, ses implications philosophiques et artistiques. Adjuvant fictionnel de cette plongée dans les méandres obscures de l'oeuvre, le court-métrage NERVOUS - THE SIDE STORY OF VERSUS s'érige en corollaire plutôt ludique du métrage initial en remettant en scène certains personnages. Kitamura appuie ici sa parodie du flic égocentrique typique des productions américaines avec drôlerie... sans plus. Le possesseur du DVD achèvera son parcours par “Team Versus” qui nous présente très brièvement Tak Sakaguchi à l'entraînement.

Les qualités de la première galette laissaient présager une disposition équivalente pour ce qui est du second disque. Peine perdue! Si le court-métrage NERVOUS 2 reste conforme au parti pris de son prédécesseur en révélant non sans humour l'“après Versus” de personnages ici bloqués dans un hôpital psychiatrique, le Making Of d'une durée d'une minute seize s'apparente à un casting clippé de l'équipe, pratique présomptueuse réitérée dans “L'évolution de Versus”. Cette dernière nous est tracée à travers une succession hystérique et éreintante de portraits ou vagues saynètes ponctuée de phrases en japonais parfois non sous-titrées. Optimistes cependant, nous osons cliquer sur “L'Avant Versus” pour retrouver une approche “critique” équivalente. D'emblée exacerbée par la stérilité du chapitage, la fatuité du bonus agace d'autant plus au regard de l'inutilité de séquences d'action mal agencées, d'un casting aux couleurs “pop” ridicules et des extraits du film sélectionnés à la “va-vite”. À bout de force, tentons tout de même “Ultimate, le tournage”, celui des scènes supplémentaires tournées en 2003. Agrémentées des commentaires parfois insignifiants des acteurs, les images de ces derniers jouant des “combats” ennuieraient par leur redondance si elles n'étaient ponctuées par les propos du comédien Tak Sakaguchi lequel a manifestement pris (trop?) de l'assurance depuis trois ans. “Une journée avec Tak” confirme cette impression. L'interprète du prisonnier KSC2-303 se propose de nous faire partager sa découverte de l'Allemagne. Ainsi, le possesseur du DVD s'endormira moins bête sachant que Tak a eu peur de rater son avion, que son siège n'était pas équipé d'écran, qu'il fait quotidiennement des pompes, que les saucisses germaniques sont bonnes ou que les bus allemands ne comportent pas toujours de composteurs. Au bout de quatorze minutes, nous sommes tout de même rassurés sur notre perspicacité, un petit texte nous précisant qu'il s'agissait de “bêtises”... Quoique? s'interroge le pauvre acheteur devant son porte-monnaie un peu moins plein.

Rédacteur : Cécile Migeon
47 ans
33 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
On aime
Un film rafraîchissant
L’interview du monteur Shuichi Kakesu
Une version “longue” pourvue des étalonnages originaux
On n'aime pas
L’image du The Ultimate Versus
Les boni prétentieux de la seconde galette
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L'édition vidéo
VERSUS DVD Zone 2 (France)
Editeur
WE Prod.
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
2h10
Image
1.78 (16/9)
Audio
Japanese DTS 5.1
Japanese Dolby Digital 5.1
Japanese Dolby Digital Stéréo Surround
Francais Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Commentaire audio du réalisateur (Ryuhei Kitamura) et du producteur (Hideo Nishimura)
    • Au fond des bois (24mn50)
    • Interview du monteur Shuichi Kakesu (12mn30)
    • Team Versus (1mn)
      • Bandes-annonces
      • Versus
      • Alive
      • Calamari Wrestler
      • New Mad Mission
      • Le Festin Chinois
      • Aragami
      • 2LDK
    • Nervous (Court-métrage - 6mn27)
    • Nervous 2 (Court-métrage - 15mn52)
    • Making Of Nervous 2 (1mn)
      • L'Avant Versus
      • Down To Hell (3mn26)
      • Down To Hell 2 (1mn37)
      • Versus Preview (4mn24)
    • L'evolution de Versus (9mn14)
    • Une journée avec Tak (13mn16)
    • Ultimate : le tournage (17mn53)
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