2005, les deux Corées réunifiées ont mis au point la première arme nucléaire totalement furtive. Conscients des risques que représente une telle puissance, les deux gouvernements décident de la faire démanteler sans attendre. C'est alors qu'une équipe de militaires rebelles s'empare de l'ogive et se carapate dans les marais… Hasard de la vie, leur fuite coïncide avec le passage d'une comète qui matérialise l'impossible : Une faille temporelle dans laquelle sont emportés fuyards et poursuivants. Catapultée 433 ans plus tôt, la poignée de soldats est maintenant confrontée à une Corée victime d'envahisseurs de toutes origines. Pour survivre et tenter de revenir à leur époque, les militaires vont devoir unir leurs forces et passer outre les haines nord/sud qui subsistent…
C'est avec l'étiquette peu flatteuse de «remake de SAMURAI COMMANDO MISSION 1549» que HEAVEN'S SOLDIERS arrive en France et s'invite au Festival du Film Asiatique de Deauville édition 2006. Cette taxation quelque peu hâtive s'avère d'autant plus malheureuse qu'elle est à l'évidence erronée. Si le voyage de soldats dans le temps est effectivement le dénominateur commun des deux métrages, les aspirations de Min Joon-Ki et Masaaki Tezuka sont en revanche réellement antagoniques. En effet, alors que le réalisateur japonais ne cherche que le spectaculaire, négligeant par là même son scénario, son homologue coréen réduit au strict minimum les altercations pour s'attaquer de front à l'histoire de son pays…
Inutile d'attendre donc de HEAVEN'S SOLDIERS qu'il vous en mette plein les yeux. Pour son premier film, Min Joon-Ki décide de ne pas céder à la facilité et s'oriente vers une trame générale lorgnant du côté de NIMITZ, RETOUR VERS L'ENFER. L'homme prend donc soin de situer les faits alors que la Corée est victime d'attaques répétées de barbares chinois et, plus précisément, en 1572, alors qu'un certain Lee Soon-Shin vient d'échouer à ses examens militaires pour la première fois. L'amiral Lee Soon-Shin, véritable héros national coréen, acquiert son immense notoriété en repoussant de multiples invasions maritimes japonaises. Ses talents de stratège, son ingéniosité et son inventivité furent salués par sa patrie comme par ses ennemis. Le récit de sa vie, ses pensées, sa philosophie, rédigés de sa propre main, furent traduits dans bon nombre de langues... Mais dans ces écrits demeure une période d'ombre d'environ 10 années, laps de temps durant lequel Lee Soon-Shin, recalé à ses concours, subsista notamment en faisant du trafic de gin-seng. Min Joon-Ki profite donc de ce flou historique pour confronter Yin Sun-Sin, héros à l'état embryonnaire, à une poignée de militaires expérimentés venus du futur. Faisant cela, le réalisateur bouleverse quelques peu les habituels "clichés" que l'on retrouve généralement dans les aventures par delà le temps. L'objectif des voyageurs n'est en effet plus de préserver le passé (SAMURAI COMMANDO MISSION 1549) ou de se poser la question du bien fondé de telle ou telle intervention (NIMITZ) car les faits sont là : Si le futur de la Corée est ce qu'il est, c'est peut être bien parce que ces soldats expédiés 433 ans plus tôt ont permis à Lee Soon-Shin de devenir le héros tant adulé... Le postulat scénaristique de HEAVEN'S SOLDIERS s'avère donc plutôt bien pensé, original et intéressant.
Le spectateur sera par conséquent convié à assister à la "naissance" d'un héros pendant une bonne part du film. Yin Sun-Sin nous est d'abord dépeint de manière quelque peu caricaturale, avec une petite pointe humour, pour progressivement devenir un homme qui voit la guerre, la comprend et parvient à l'appréhender avec intelligence. Mais au-delà de cette ascension, HEAVEN'S SOLDIERS est aussi l'occasion pour son réalisateur d'aborder plusieurs thèmes pour le moins risqués. Le premier concerne bien entendu la possession par la Corée de l'arme nucléaire et l'usage qui pourrait en être fait. La question est abordée de front via deux points de vue opposés, selon que l'on y voit un danger ou une potentielle source de pouvoir. Bien que le débat ne fasse pas long feu puisqu'il n'est pas le sujet central du film, le réalisateur n'hésite pas à afficher son opinion pacifiste, sans pour autant porter un jugement quant aux pro-nucléaires…
Le second thème traite quant à lui de la séparation nord/sud de la Corée, effective depuis 1948. Contrairement à ce que nous aurions pu penser, Min Joon-Ki aborde avec tact ce sujet et se garde bien de tirer à gros boulets sur le nord. Le film part donc de l'hypothèse que le début du 21ème siècle a vu la réconciliation des deux Etats ennemis. Sur le plan militaire, le premier réflexe fût de créer l'arme ultime pour imposer sa supériorité face au Japon et aux Etats-Unis (tous deux en partie responsables de la séparation nord/sud). Le démantèlement semble plus complexe puisqu'il ne reçoit pas l'approbation d'un petit groupe de militaires nord-Coréens. Ces derniers sont cependant représentés comme des hommes braves, prêts à donner leur vie pour leur pays et ce en quoi ils croient. Le portrait des militaires sud-Coréens est tout aussi flatteur et à plusieurs reprises, Min Joon-Ki nous expose via quelques symboles (Lee Soon-Shin détruisant une barrière de bois séparant les militaires nord/sud ou la chute au ralenti d'un casque nord-coréen) son point de vue : La qualité des hommes n'est pas en cause, c'est bien les douleurs de l'histoire qui sont responsables du traumatisme dont souffre la Corée.
Mais au-delà des différents messages qu'il véhicule, HEAVEN'S SOLDIERS est avant tout un film d'aventure des plus sympathiques. Solide en terme de scénario, relativement bien dosé en ce qui concerne l'humour, assez généreux en hémoglobine lorsque l'occasion se présente, le film de Min Joon-Ki n'ennuie pas et sent le travail bien fait, bien pensé. Le souci du détail, notamment historique, est par ailleurs omniprésent. Les coiffures, tenues (la chemise du voleur qui se déchire quand on tente de l'attraper) et habitations sont l'œuvre de recherches minutieuses qui servent l'ensemble avec succès. Ces efforts louables ne seraient cependant pas récompensés si, dans ce contexte historique mouvementé et guerrier, nous n'assistions pas à une bataille à la hauteur des héros en présence… HEAVEN'S SOLDIERS se clôt donc fort naturellement sur l'opposition Coréen/envahisseur chinois tant attendue. A la vue de la timidité du métrage en terme d'action et de violence graphique, nous étions en droit de douter des capacités du réalisateur à mener sa barque correctement sur un champ de bataille en proie au chaos. Là encore, Min Joon-Ki surprend et, malgré son inexpérience, nous livre un spectacle digne de nos attentes. Aidé en cela par le responsable des chorégraphies et cascades, il nous offre une série d'images fortes, sèches et, par moment même, particulièrement crues. Le film ayant été conçu avec pour objectif une interdiction aux moins de 15 ans en Corée, il ne faut bien entendu pas s'attendre à une profusion de débordements gores (pourtant tournés puis coupés au montage). Le résultat n'en demeure pas moins barbare et convaincant. Certains héros confirment leur statut, cédant la place à celui qui se révèle et fera l'objet d'un dernier plan magnifique, à la hauteur de celui vu dans FIGHTER IN THE WIND qui nous contait lui aussi l'ascension d'un héros Coréen : Choi Bae-Dal.
Concernant justement la légende Lee Soon-Shin, elle se voit ici interprétée par l'acteur Joong-Hoon Park. L'acteur ne démérite pas même s'il ne nous offre pas une performance réellement digne d'ovations. Sans doute le rôle aurait-il gagné à être interprété par un acteur au visage plus dur et plus sobre dans son jeu. L'actrice Hyo-Jin Kong, déjà vue dans MEMENTO MORI ou VOLCANO HIGH, apporte en revanche une touche féminine assez rafraîchissante même s'il subsiste tout de même quelques doutes quant à sa capacité à mettre au point une arme atomique totalement furtive… Le reste du casting s'avère globalement satisfaisant sans qu'aucun personnage ne brille toutefois réellement.
HEAVEN'S SOLDIER est donc aujourd'hui disponible via un double DVD zone 2 grâce à l'éditeur Elephant et sa collection Asian Premiums. Le film nous est présenté dans son ratio 2.35 d'origine encodé en 16/9eme. L'image est propre, de bonne tenue, relativement lumineuse et ce même si un léger grain s'immisce malheureusement lors de quelques scènes nocturnes… Il vous sera possible de regarder le film aussi bien en version originale coréenne (Dolby digital 5.1) qu'en français (Dolby digital 5.1 ou Stéréo). Notons que le doublage français, quoique bien équilibré en terme de son, se révèle assez désagréable à l'écoute. Certaines voix ont en effet une légère tendance à décrédibiliser les personnages ou à minimiser l'impact de quelques dialogues clés. Le spectateur privilégiera donc la version originale de très bonne facture, accompagnée naturellement de sous-titres français corrects.
Abordons donc maintenant les bonus qui souffrent pour leur part d'un sous-titrage par instants plutôt approximatif. Cela ne gênera cependant en rien la découverte de la véritable mine d'informations qui nous est proposée. Si le premier disque se contente d'offrir les bandes annonces de l'éditeur, le second s'avère en effet particulièrement bien nourri, reprenant à son compte la quasi-totalité des bonus présents sur le disque coréen. Ainsi, alors que la jaquette indique 1 heure et 45 minutes de suppléments, ce n'est en réalité pas moins de 2 heures et 38 minutes (sans compter les 13 bandes annonces) qui nous sont proposées ! Le bonus le plus passionnant est sans doute la longue (près d'une heure) visite de Hyeon Chung Sa, magnifique musée consacré à l'Amiral Lee Soon-Shin et à la marine coréenne en générale. Le réalisateur lui-même nous guide à travers ce vaste lieu verdoyant, nous en montrant toutes les facettes et s'entourant pour l'occasion de spécialistes historiens et militaires. Le Making-Of quant à lui se montre moins pertinent. Les propos recueillis pendant plus d'une demi-heure n'apportent pas de plus réel et se contentent de nous décrire les conditions climatiques atroces qui ont complexifiées le tournage. S'ajoutent alors quatre interviews. Le réalisateur, décidément très concerné, s'invite encore à l'une d'entre elles, sans doute la moins instructive. Les trois autres nous permettront d'en apprendre plus sur la composition de la bande son onirique du film, les cascades et surtout les costumes et décors. Une partie story-board bien trop légère (trois courtes scènes seulement) s'ajoute à cette liste de bonus qui se clôt par ailleurs avec deux scènes coupées. On nous explique qu'elles l'ont été pour ne pas "entacher" l'aura de Lee Soon-Shin. En effet, celui-ci y est montré en train de "dealer" du ginseng ! Malgré l'abondance de bonus et leur intérêt global certain, nous déplorerons l'absence des scènes qui furent coupées en raison de leur violence graphique trop appuyée. Il sera toutefois possible d'en découvrir une lors de l'interview du chorégraphe mais nous aurions tout de même aimé disposer de l'exhaustivité de ces séquences...
HEAVEN'S SOLDIER n'est donc en rien le remake du très bancal SAMURAI COMMANDO MISSION 1549. Il n'est pas non plus le choc brutal que suggérait pourtant sa superbe affiche mais il est un film d'aventure soigné, à la fois distrayant et intéressant, réalisé par un débutant qui marque là un premier essai tout à fait concluant. Sans doute pas un film de l'étoffe de NIMITZ ou LES GUERRIERS DE L'APOCALYPSE mais un métrage qui parvient à se créer une véritable identité malgré un sujet initial (le retour dans le temps de soldats armés) déjà fort bien traité par ailleurs.