Frank Warren est un électronicien de haut vol, un homme si exceptionnel qu'il se laisse convaincre par sa future femme et son meilleur ami d'utiliser son don pour cambrioler une banque. Le larcin ne se passe cependant pas tout à fait comme prévu, le sang coule et surtout, Frank est trahi par ses complices. C'est donc avec deux balles dans la peau qu'il se retrouve en prison, dans un établissement de haute sécurité duquel personne ne s'est jamais échappé. Muni d'un collier explosif, chacun des pensionnaires du Camp Holliday est lié à un autre dont l'identité demeure secrète. Un éloignement de plus de 100 yards entre les deux partenaires provoque leur mort instantanée par ablation de la tête. Un argument de poids donc, justifiant pleinement le fait que l'on réfléchisse à deux fois avant de prendre la poudre d'escampette… Mais Frank a encore dans sa manche un atout à jouer : Lui seul sait où se trouve les diamants du hold-up et, tant qu'il est en prison, ni lui ni ses ennemis n'y auront accès…
Bien que sa carrière soit exclusivement télévisuelle depuis près de quinze ans, Lewis Teague est de ces réalisateurs qui nous a, durant les années 80, ébloui par son travail d'honnête artisan. L'excellent CUJO, le sympathique ALLIGATOR et le nerveux FIGHTING BACK sont autant d'agréables souvenirs dans l'esprit de l'amateur de cinéma bis rondement menés… En 1991, Teague réalise donc WEDLOCK, un métrage flirtant avec le fantastique, mêlant à la fois le film de prison, le buddy-movie et la thématique de la trahison entre criminels. Outre son titre d'exploitation qui implique, rappelons-le, la notion de «mariage», le film est aussi connu sous le titre de DEADLOCK qui lui renvoie au terme d'«impasse». Sans doute une autre vision du mariage, d'autant que celui dont il est question ici se fait sans le consentement des conjoints…
Situé dans un futur proche, non daté, WEDLOCK débute donc sur un braquage des plus conventionnel. Plus qu'une introduction à l'histoire, il s'agit là de présenter les différents protagonistes. Tout d'abord Frank Warren, interprété par le très charismatique Rutger Hauer. L'homme à la carrière bien remplie, dont les prestations dans BLADE RUNNER, THE HITCHER ou encore LA CHAIR ET LA SANG demeurent inoubliables, incarne ici un génie trompé, (mal)mené par l'amour qu'il avait pour sa future femme, la séduisante Noelle. Cette dernière sera jouée par Joan Chen, actrice Chinoise qui perça dans le monde du 7eme art grâce à son rôle dans LE DERNIER EMPEREUR et fût déjà partenaire de Hauer dans le très nerveux LE SANG DES HEROS. Elle prête donc son visage angélique à ce personnage pourtant froid, calculateur et bien entendu extrêmement vénal… A ses côtés, James Remar, l'un des sympathiques voyous du LES GUERRIERS DE LA NUIT de Walter Hill, interprète Sam, le vieil ami de Frank qui va bien évidement le trahir sans le moindre remord… Durant cette mise en bouche, très semblable à celle du magistral LE POINT DE NON RETOUR de John Boorman, nous aurons ainsi le loisir de nous familiariser avec la ténacité mais aussi la profonde naïveté du personnage de Frank. Nous serons aussi bien entendu confronté au machiavélisme de ses anciens partenaires qui va le conduire directement dans cette prison dont toute évasion semble impossible…
Cette portion carcérale du film s'avère des plus intéressante. Tout d'abord, elle nous dévoile une prison sans mur et pratiquement sans gardien. Chaque prisonnier est en fait le «maton» des autres puisqu'une évasion signifie automatiquement la mort du fugitif mais aussi celle de son binôme inconnu. Un concept intéressant qui, ajouté aux colliers explosifs tout droit tirés de RUNNING MAN, tient son public aux aguets pendant une petite demi-heure… Un tiers de film durant lequel Frank devra subir les tentatives d'intimidation de Basil Wallace, l'effrayant Screwface de DESIGNE POUR MOURIR. Le malheureux spécialiste des diodes et autres résistances sera par ailleurs confronté au directeur de la prison, lui aussi fortement intéressé par le butin égaré. Les tortures infligées ne sont malheureusement pas des plus impressionnantes et tout amateur de film carcéral sera quelque peu déçu de constater que Frank s'en sort certes mal rasé, mais pas forcement mal en point.
Tout n'est cependant pas détestable au sein du Camp Holliday puisque c'est aussi lors de cet intermède pénitentiaire que notre héros fera connaissance avec la séduisante Tracy Riggs. Interprétée par une Mimi Rogers en pleine forme, c'est elle qui va permettre l'impossible évasion et devenir, pour le reste du métrage, l'inséparable moitié dont l'anneau d'union se trouve autour du cou.
A cet instant, le film lorgne ouvertement du côté de LA CHAINE ou de sa resucée féminine BLACK MAMMA, WHITE MAMMA pour une fuite à deux des plus sympathiques. Dans ces deux films, le lien froid et métallique imposait une proximité réellement pénalisante. L'absence de chaîne visible dans WEDLOCK ne change pour autant pas la donne et ouvre même de nouvelles possibilités que Lewis Teague ne se gardera bien entendu pas d'exploiter. La cavalcade est donc nerveuse, bien menée, parfois drôle et donne aux deux acteurs l'occasion de se montrer sous leur meilleur jour. Mimi Rogers est sculpturale, déterminée, battante alors que Rutger Hauer se montre habile mais par moments maladroit et dépassé. Le tandem fonctionne à merveille et la folle escapade vers la valise de diamants se poursuit au rythme des «bips» sonores que font régulièrement les colliers lorsque l'éloignement se fait trop important.
Lors de cette seconde portion du film, l'enjeu n'est bien entendu pas de savoir si les héros vont survivre aux différentes mésaventures mais de voir comment, malgré les obstacles, ils vont parvenir à se rapprocher suffisamment l'un de l'autre pour faire taire le menaçant avertissement électronique. Le spectateur ne sera pas floué et Teague oblige ses deux héros à repousser tour à tour leurs limites physiques, le tout non sans un brin d'ironie.
WEDLOCK avait déjà fait l'objet de multiples éditions de par le monde mais le DVD Elephant chroniqué aujourd'hui s'avère être la seule alternative francophone du marché. Plus d'excuse donc pour ne pas (re)découvrir le film, d'autant que l'éditeur se fend d'une édition respectant le format d'image d'origine (contrairement aux éditions américaines, espagnoles etc.). La copie est donc présentée en 16/9ème avec un ratio 1.85. L'image est propre et de bonne tenue, tout comme les deux pistes sonores proposées. Le DVDphile pourra donc choisir entre une version originale stéréo claire et un doublage français, lui aussi limpide mais malheureusement très approximatif. En effet, les dialogues français se montrent à plusieurs reprises décevants, douteux, à la limite du comique lorsque l'action ne s'y prête pourtant pas… Le métrage prend en version française un petit aspect téléfilm assez dommageable, raison de plus pour opter pour la piste originale bien entendu sous-titrée en français.
Du côté des bonus, le disque se montre particulièrement avare et se contente de proposer filmographies et bandes-annonces. Les filmographies sont mises en images sous la forme de pages fixes se succédant durant trois minutes. Bien que terriblement sobres, elles permettent de faire un tour (très) rapide sur les carrières de Rutger Hauer, Mimi Rogers et James Remar. Les bandes annonces sont bien entendu celles des sorties de l'éditeur, à savoir celles de CAPRICORNE ONE, SATURN 3, VOLTAN LE BARBARE et SLAM DANCE. A cela s'ajoute naturellement celle de WEDLOCK, proposée en version originale.
WEDLOCK est donc un petit thriller des plus sympathiques. S'il peut paraître quelque peu «daté» vis-à-vis des productions actuelles, il n'en reste pas moins un film attachant, interprété avec brio par une belle brochette d'acteurs et mis en images par un Lewis Teague en pleine forme. Bien que le contexte carcéral eût été repris et amélioré deux ans plus tard par Stuart Gordon pour les besoins du très divertissant FORTRESS, il serait bien dommage de passer à côté de ce WEDLOCK, disponible aujourd'hui dans une édition simple mais propre.