Un soir, une jeune femme frappe à la porte d'une chambre d'hôtel pour demander à un tueur à gages d'épargner son mari…
D'après la jaquette de THE CIRCLE, ce film est «une prouesse artistique et technique unique» le tout appuyé par un «Une prouesse technique, du jamais vu» sorti tout droit de Fangoria. Voilà qui est plutôt intrigant et donne, au moins par curiosité, l'envie de découvrir «Le 1er thriller surnaturel en temps réel». La jaquette n'y va pas de main morte et c'est très gênant car la plupart des arguments sont erronés ! Nous, on a rien contre faire la promotion d'un film à coups de «Le meilleur film» qui reste un avis purement subjectif mais certainement pas en annonçant un très objectif «une prouesse artistique et technique unique». Donc, non, cette prouesse n'est pas unique. Le plan séquence fascine depuis longtemps beaucoup de cinéastes mais le tournage sur pellicule posait jusqu'ici des contraintes de temps. Alfred Hitchcock essaiera le film en temps réel avec LA CORDE mais il est contraint de ruser avec des points de montage pour pallier l'impossibilité de filmer en continu au-delà d'une dizaine de minutes.
Avec l'arrivée de la vidéo, le plan séquence devient une possibilité technique. On trouve déjà des documentaires ou des films d'arts et d'essai qui se déroule en continu, parfois en plan carrément fixe, mais nous sommes bien loin d'une œuvre de fiction accompagné d'une véritable narration. Mike Figgis tente le coup avec TIMECODE mais il utilise plusieurs caméras pour capter ce qui est effectivement tourné en temps réel. En 2002, c'est au Mexique qu'un premier thriller est tourné en plan séquence, sans montage, et donc en une seule prise avec TEMPS REEL de Fabrizio Prada. La même année, Alexandre Sokurov réalise un film très différent mais toujours en un seul plan séquence où il revisite quelques siècles de la Russie avec des milliers de figurants dans L'ARCHE RUSSE ! Pour la prouesse artistique et technique unique, THE CIRCLE repassera et il y a fort à parier que son réalisateur et scénariste, Yuri Zeltser, n'a jamais essayé de revendiquer un statut de précurseur ! Cela ne retire en rien la difficulté d'un tournage tel que celui de THE CIRCLE. La prouesse existe bel et bien, elle n'est juste pas unique !
Dernier gros problème, si l'on nous annonce que THE CIRCLE est un «thriller surnaturel», il s'avère que l'affirmation est un peu exagérée. Car en l'annonçant ainsi, le spectateur se voit dans l'attente du surnaturel tout au long du film. Embarrassant puisqu'il s'agit plus d'un drame mâtiné de thriller baignant dans une ambiance à la David Lynch que d'un film purement surnaturel. Même si l'on se doute, grâce aux indices lâchés dans les dialogues, de ce qui se passe réellement, l'élément fantastique ne surgit qu'une dizaine de minutes avant la fin du film. Et encore, on se demande si l'intrusion du surnaturel ne sert pas simplement à justifier la boucle finale de manière à rendre encore plus étonnante cette expérience de plan séquence.
Réaliser un tel film nécessite de préparer minutieusement le tournage et surtout écrire un scénario dans lequel on aura déjà pris soin d'éliminer ce qu'il serait impossible à faire dans de telles conditions. Yuri Zeltser a bien négocié l'écriture et a aussi réussi à résoudre quelques soucis. Par exemple, il réussi à placer son histoire dans différents lieux ce qui amène inévitablement des trajets entre ces emplacements. L'un de ceux-ci se fait en voiture ce qui est d'un côté étonnant et de l'autre déroutant. Car on peut voir les limites du plan séquence lors de ce passage. Si le réalisateur réussi à résoudre le problème du placement de la caméra sur un véhicule tiers, camouflé de manière astucieuse par un tour de passe-passe, la vitesse de déplacement du véhicule est si lente que cela devient quelque peu surréaliste (à ce moment, le spectateur cherche déjà depuis une bonne demi-heure le côté surnaturel de l'histoire, pourquoi pas !). Autre inconvénient lorsque l'on veut réaliser des enchaînements complexes en plan séquence, il faut détourner l'attention de la caméra pour préparer ceci ou cela. Avant de monter en voiture, nos personnages vont donc organiser une petite fuite dans un lieu annexe le temps que l'équipe prépare le dispositif qui va porter le caméraman sur la route. Ou bien, avant de se lancer dans un flash-back, il est nécessaire de préparer les acteurs (les lieux ne changent que très vaguement) et la caméra doit donc s'orienter sur autre chose ce qui amène encore un tour de passe-passe où l'on resserre l'attention sur le seul personnage qui n'apparaîtra pas ensuite. Même lors de passages plus anodins, le cinéaste utilise des trucs scénaristiques un peu gratuit. Le personnage principal a besoin d'argent a deux reprises, cela allonge la durée pour une seule raison évidente, celle de montrer le point de vue des personnages qu'elle laisse derrière elle pendant quelques secondes. Son retour pour quelques billets est ainsi une manière de récupérer la caméra laissée seule. Dans un film traditionnel, avec un montage, le placement de la caméra ne pose plus de problème puisqu'elle peut se téléporter là où elle le désire.
Reste à comprendre l'intérêt d'un film tourné en un seul plan séquence. Ou plutôt que peut bien apporter à un film tel que THE CIRCLE de nous raconter l'histoire de cette façon. En fait, rien ! Raconter une histoire en temps réel ne nécessite pas forcément de tourner en plan séquence. Pour être tout à fait exact, ce type de tournage amène plus de contrainte qu'autres choses. Ce serait donc seulement l'envie de le faire pour valoriser le cinéaste, l'équipe et surtout les acteurs. Ces derniers doivent réussir à être crédible de bout en bout durant toute la durée du métrage. La moindre anicroche durant une prise et tout est à refaire. Tout du moins en théorie car il y a un passage très étrange dans THE CIRCLE qui semble donné l'impression que tout le monde part en vrille. Cela commence par Angela Bettis qui semble se planter avant que les deux acteurs en présence partent dans une sorte de fou rire avant de se ressaisir. Est-ce fait exprès et est ce que l'on retrouvait cela dans le script original ou bien le réalisateur avait il donné la directive aux acteurs de continuer coûte que coûte même lorsqu'il se trompe ? On ne le saura pas et on prendra ce curieux relâchement des personnages pour un ajout à l'ambiance très étrange que prend l'histoire à ce moment là. Officiellement, l'équipe a fait des répétitions durant cinq jours avant de passer au tournage proprement dit. Il s'est, lui aussi, déroulé sur cinq jours où une prise était enregistrée chaque nuit. On suppose que la cinquième nuit fut la bonne !
Difficile de donner un avis sur THE CIRCLE. Il y a bel et bien un travail assez étonnant sur la gestion de l'espace de manière à faire entrer son récit dans l'expérience d'un plan séquence. D'un autre côté, il faut aussi reconnaître qu'il s'agit d'une histoire assez creuse qui ne raconte rien d'exceptionnel mais l'habille avec pas mal de dialogues sans intérêt. On pourra ainsi se poser des questions sur l'envie de disserter sur Kirk Douglas et Gary Cooper. Cette discussion reviendra un peu plus tard entre deux autres personnages, à croire qu'il s'agit d'un monde de cinéphiles, puisque l'on y évoque, sans le citer, un peu plus tard CHARADE de Stanley Donen. Cette façon de meubler artificiellement les conversations, on l'attribuera à l'envie de faire dans un registre à la Tarantino. Pas de quoi s'enthousiasmer car si ce petit monde est donc féru de cinéma, il faut bien dire que passé les trente premières minutes fort intrigantes et bien menées, la suite a du mal à faire illusion. La faute a une histoire qui tourne court en n'offrant plus aucune logique dans la motivation des personnages et en perdant de vue ses propres enjeux. On pourra mettre ça sur le dos de l'élément surnaturel mais cela marque surtout une plongée dans un univers abscons auquel le spectateur n'aura d'autre choix que d'adhérer ou s'ennuyer. En tout cas, THE CIRCLE se pare d'un joli casting d'acteurs chevronnés qui nous offrent ici de belles "prestations" : Angela Bettis, Scott Cohen, Henry Czerny ou David Proval.
Tourné en vidéo numérique et de nuit, l'image offre un rendu très satisfaisant mais elle s'avère aussi affligée d'une compression parfois un peu visible. Mais il faut aussi prendre en compte que le résultat ressemble visuellement à de la vidéo télévisuelle ce qui n'a rien d'une image cinéma. Certaines personnes sont assez allergiques à ce type d'images, vous êtes prévenus ! Le format d'origine est en 16/9 et c'est donc ainsi que l'on découvre le film sur ce DVD.
WE Productions fait encore une belle erreur sur la jaquette puisqu'il y est indiqué du 5.1. Et ce n'est pas du tout le cas. La version originale anglaise est, en fait, en stéréo surround. Quelques effets sont bien enveloppants et c'est surtout la musique, lorsqu'elle apparaît, qui en tire parti. Le résultat offre des dialogues très clairs ce qui est finalement l'essentiel dans ce type d'exercice. Le doublage français est, lui aussi, en stéréo surround mais ce serait bête de l'utiliser. Car, après tout, ici, c'est la prestation des acteurs qui comptent et si vous leur supprimez leurs cordes vocales, autant ne pas regarder un film en plan séquence ! Le sous-titrage pose quelques problèmes en s'emmêlant les pinceaux dans sa traduction et cela s'avère assez gênant quand une phrase prend un sens totalement différent avec ce qui est dit (un «Je» remplace un «Il») ou quand un personnage interdit qu'on lui pose des questions ce qui arrive pourtant dans le sous-titrage !
La prouesse technique de THE CIRCLE devra se suffire à elle-même puisque l'éditeur ne propose absolument aucun supplément. Ou, pour être exact, il faudra se contenter des bandes-annonces d'autres titres de l'éditeur sortis en DVD ainsi que celle de THE CIRCLE. La bande-annonce du film a d'ailleurs une étrange particularité puisque si vous la lancez, elle recommencera sans cesse. Au début, on se dit qu'il s'agit peut être d'une bande annonce différente mais pas du tout. Faites bien attention, cela peut devenir rapidement hypnotique !