Header Critique : CHOSE D'UN AUTRE MONDE, LA : EDITION COLLECTOR (THE THING FROM ANOTHER WORLD)

Critique du film et du DVD Zone 2
LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE 1951

THE THING FROM ANOTHER WORLD 

Au pôle Nord, un pilote emmène des scientifiques à la recherche d'un engin qui se serait écrasé dans les parages. Après avoir découvert la soucoupe qui n'a rien de terrestre, ils vont ramener à leurs baraquements un bloc de glace contenant l'un des occupants provenant d'un autre monde…

Généralement, le nom d'Howard Hawks amène en premier lieu le souvenir du Western, du film de guerre ou de gangsters. On citera, parmi tant d'autres, RIO BRAVO, SERGENT YORK ou SCARFACE. Mais Howard Hawks s'est illustré dans la plupart des genres dont l'aventure, la comédie mais aussi la science-fiction avec CHERIE, JE ME SENS RAJEUNIR ou LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE qui se rattache tout autant au cinéma d'épouvante. Mais avant de devenir un film, l'histoire provient d'une nouvelle de John W. Campbell Jr. titrée «Who Goes There ?». Auteur passionné de science-fiction et rédacteur en chef de l'influent magazine Astounding Science Fiction, il oeuvra pour le genre en publiant les premières histoires d'écrivains alors inconnus comme Robert Heinlein, Isaac Asimov ou encore Theodore Sturgeon. C'est d'ailleurs dans ces pages que Howard Hawks lit la nouvelle de Don A. Stuart, pseudonyme de John Campbell pour certains de ses écrits, et en fait l'acquisition en vue de l'adapter. L'histoire sera réduite finalement à l'essentiel et revu par Howard Hawks mais aussi par Charles Lederer et Ben Hecht, des scénaristes déjà associés au cinéaste par le passé. A l'arrivée, la créature n'a plus sa spécificité qui lui permettait de changer de forme mais conserve une approche relativement sérieuse et rigoureuse de son sujet.

Avant d'être l'affrontement entre l'humanité et une créature extraterrestre, LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE s'attache à ses personnages. Et si l'acteur Kenneth Tobey revêt le blouson d'aviateur d'un attachant héros, le récit met surtout en avant les efforts d'un groupe de personnages coincé dans une station polaire et isolé par une tempête. Cet effort de groupe aurait sûrement pâti de l'aura paranoïaque d'une créature qui aurait pu s'infiltrer parmi ses membres, c'est sans doute l'une des raisons qui amènera Howard Hawks à se débarrasser de la particularité de la créature originale. Si la narration est souvent décontractée, le film ménage assez bien les séquences de tension où la chose entre en scène. Sa première apparition, à l'ouverture d'une porte, fonctionne toujours aussi bien cinquante ans après sa réalisation et il en va de même pour l'impressionnant passage où la créature s'enflamme littéralement ! Plutôt que de garder continuellement sa chose à l'écran, le film ménage ses quelques entrées fort réussies jusqu'à l'affrontement final.

C'est lors de cette dernière rencontre que l'on assistera à la splendide naïveté d'un personnage qui pensait sûrement être dans LE JOUR OU LA TERRE S'ARRETA ou THE MAN FROM PLANET X, sortis tous les deux la même année. La chose qui vient d'ailleurs n'a manifestement pas l'envie de tergiverser à l'instar des martiens qui vont atomiser un ecclésiastique dans LA GUERRE DES MONDES de Byron Haskin. C'est sûr, les extraterrestres ne sont pas forcément nos amis cela ne va pas s'arranger dans les années qui vont suivre où les êtres venus d'une autre planète seront souvent le centre de métrages xénophobes stigmatisant un anticommunisme primaire. On peut déjà le détecter dans LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE. A commencer par un scientifique qui fait passer l'importance d'une découverte scientifique au-dessus de la survie du groupe, autant traduire que l'individu doit se sacrifier à l'intérêt commun(iste). Bien évidemment, cet homme de science n'apparaît pas sous son meilleur jour surtout face à des militaires qui travaillent, pourtant en commun, à la survie de chacun. Les intérêts des deux partis ne sont pas les mêmes et ces dissensions apportent un surplus dramatique non négligeable au récit. De la même façon, l'intrigue respire grâce au personnage de Margaret Sheridan et à sa relation avec Kenneth Tobey. Mais pour en revenir sur l'aspect « anticommuniste », il est surtout appuyé et évident dans le speech alarmiste prétant quelque peu à sourire de nos jours.

Si la renommée de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE n'est plus à faire, c'est en raison de son aspect bougrement sympathique mais aussi parce que le film imposait un schéma qui sera repris à de nombreuses reprises dans le cinéma de science-fiction. A savoir la lutte entre une poignée d'êtres humains face à une créature dans un lieu relativement restreint limitant toute échappatoire. Ici, c'est donc une base polaire dont l'extérieur empêche la survie et l'action pourrait donc très facilement se déplacer sur une autre planète. Par la suite, on trouvera donc inévitablement des équipages de vaisseaux spatiaux aux prises avec des passagers clandestins ou des bestioles belliqueuses, par exemple dans le IT ! THE TERROR FROM BEYOND SPACE de Edward Cahn, qui sont les dignes héritiers du film de Howard Hawks et Christian Nyby.

Déjà sorti auparavant aux Editions Montparnasse dans un DVD assez basique, LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE revient avec un traitement beaucoup plus prestigieux. Cette nouvelle édition qualifiée de «Collector» se présente sous la forme d'un digipack soigné où l'on trouve un livret de 16 pages. Celui-ci est un extrait d'une biographie d'Howard Hawks (Hawks de Tod MacCarthy). L'approche est avant tout historique et retrace avec détail la production du film, ce qui n'est pas pour déplaire puisqu'elle permet de replacer le film dans son contexte réel.

Mais cette nouvelle édition de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE donne aussi un autre point de vue, celui plus casse gueule de l'analyse cinématographique. Cette démarche, on la trouve dans le commentaire de Jean-Baptiste Thoret. Il va donc disserter parfois de façon pertinente, mais le plus souvent sur des faits, pour nous dévoiler aussi un décryptage assez fumeux. Bienvenu à la théorie du «champ» et du «hors champ» dans le cinéma des années 50 que l'on pourrait presque gober tant la démonstration est convaincante. En gros, ce qui est «hors champ» serait forcément la menace inconnue, celle venant d'ailleurs, alors que ce que l'on voit dans le cadre (donc dans le "champ") est rattaché au pays et donc n'est composé que de personnages indiscutables. Difficile de retranscrire cette idée en une ligne mais il y a un «hic» car LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE est avant tout le fruit d'un cinéaste pragmatique. Il va à l'essentiel et Howard Hawks n'a rien d'un théoricien de la pelloche ! La raison pour laquelle n'apparaît pas la créature s'explique de manière moins intellectuelle et par deux simples critères. La première, Howard Hawks n'aimait manifestement pas le maquillage de sa créature ce qui est d'ailleurs évoqué par Jean-Baptiste Thoret qui connaît très bien son sujet d'un point de vue factuel. On pourrait citer d'autres films où la créature se retrouvait largement dans le fameux «hors champ» par dépit en raison de souci technique. Mais, le pire est qu'en abordant le cinéma d'épouvante, la première évidence, c'est que pour être le plus efficace possible, il est préférable de dévoiler sommairement sa créature pour imposer un plus grand choc lorsque celle-ci apparaît. La peur au cinéma ne naît pas d'un effet spécial ou d'un maquillage, elle est surtout le fruit d'une mise en scène où, parfois, il est préférable de laisser en coulisse les bestioles quelle que soit la décennie de réalisation ! La majorité des films qui font vraiment peur en jouent astucieusement jusqu'à parfois ne rien montrer du tout au spectateur. LA MAISON DU DIABLE de Robert Wise en est un parfait exemple ou, pour être plus proche de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE, le ALIEN de Ridley Scott ne dévoilait pas non plus de but en blanc sa créature alors que nous sommes déjà à la fin des années 70. La théorie, rappelons le, s'applique donc seulement aux années 50. Mais même dans sa démonstration, Jean-Baptiste Thoret lâche des titres qui sont de la même décennie et qui contredise un peu la partie «champ» de sa théorie qui devrait indiquer clairement à l'image l'appartenance de chacun. Pas de chance car, et il le dit lui-même, L'INVASION DES PROFANATEURS DES SEPULTURES jouent sur la paranoïa suscitée par l'impossibilité de discerner un être humain d'un extraterrestre. Et on pourrait même citer l'exemple de INVADERS FROM MARS, réalisé dans les mêmes eaux que LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE, où l'une des menaces est tout aussi difficile à cerner puisque prenant les traits d'êtres humains tout à fait normaux ou encore, un peu plus tard, I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE ! Heureusement, sur les trois quarts d'heure de commentaire, Jean-Baptiste Thoret apporte tout de même nombre d'informations bien plus pertinentes comme l'évocation du transfert de la menace au sein du cinéma américain qui va changer d'origine durant les années 70. Mais il faudra tout de même savoir-faire preuve de discernement face à ce qu'il expose comme une évocation franchement maladroite du Ku Klux Klan ou encore la remarque concernant le fait que le personnage du journaliste se retrouve armé en fin de film.

Steven Spielberg, James Cameron, George Lucas, Ridley Scott et Martin Scorsese ne vont pas théoriser sur la chose. Ils n'en auront pas le temps car les dix minutes de «Un film matrice» sont en fait issus d'un documentaire d'une heure et reprenant comme titre l'avertissement final du film de Howard Hawks et Christian Nyby : "Watch The Skies!". Ne cachons pas qu'il aurait été préférable de nous proposer l'intégralité de ce documentaire dédié à l'influence du cinéma de science-fiction des années 50 même si le reste évoque d'autres films comme PLANETE INTERDITE, LA GUERRE DES MONDES ou LE JOUR OU LA TERRE S'ARRETA.

Le meilleur supplément sur le DVD, donc sans parler du livret, c'est une interview de John Carpenter. Le réalisateur parle durant une vingtaine de minutes de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE mais aussi plus généralement d'Howard Hawks. John Carpenter n'a jamais caché son admiration pour Hawks et a même réalisé une nouvelle adaptation du livre d'origine avec THE THING au début des années 80. Si John Carpenter retournait à certaines idées du livre original, il n'oubliait pas pour autant de payer son hommage à Howard Hawks. En plus de tout cela, il est aussi possible de visionner la bande annonce originale dans un état qui reflète le passage douloureux des années !

Mais tout cela ne vous dit pas si cette nouvelle édition dispose d'une belle image. Et, bien oui, elle s'avère bien plus réussie que celle du DVD sorti à la fin de l'année 2000, il y a six ans ! Les passages flous que nous avions mentionnés à l'époque sont moins flagrants et le problème a donc été atténué pour que l'on obtiennes qu'une légère différence de définition. Néanmoins, si on compare avec le DVD américain paru chez Warner, le défaut est aussi présent tout comme quelques images qui ont dû disparaître ici ou là donnant à deux reprises des mouvements brusques aux personnages (voir par exemple à la 32ème minute). Le disque paru chez Warner et celui des Editions Montparnasse partagent la même source si l'on en juge par les défauts de pellicule localisés aux mêmes endroits. Toutefois, le disque français a pris le parti de nettoyer l'image et on voit apparaître bien moins de scories tout au long du film mais cela a fait un peu perdre le grain cinéma que l'on retrouve sur le disque américain. On pourrait presque qualifier le boulot d'excellent si on ne notait pas qu'un peu d'image a été rogné sur les côtés, on ne sait pas trop pourquoi. Le rendu général est, en tout cas, largement supérieur à ce qui avait été fait précédemment !

DVD Z1 Warner

DVD Z2 Collector

Au niveau du son, vous aurez le choix. Si les Editions Montparnasse ont choisi de réactualiser les pistes sonores en Dolby Digital 5.1, il vous sera de toutes façons possible d'opter pour le mono d'origine que ce soit en version originale sous-titrée ou pour le doublage français ! Cela devrait toujours être ainsi. Sans jouer les puristes, les pistes 5.1 sont très réussies car elles donnent surtout du coffre et de la profondeur à la bande sonore. Le mixage n'ajoute pas des informations fantaisistes dans l'espoir d'égayer vos enceintes arrières, le boulot a été vraiment fait de manière respectueuse !

Le plus souvent, les éditions américaines écrasent les DVD français sous des monceaux de suppléments ou autres bidules ! Ce n'est pas le cas de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE puisque les Editions Montparnasse peut s'enorgueillir d'avoir produit l'édition la plus fournie pour le film d'Howard Hawks et Christian Nyby !

Rédacteur : Antoine Rigaud
4 news
635 critiques Film & Vidéo
2 critiques Livres
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Toujours aussi efficace 50 ans après !
Une belle édition DVD
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L'édition vidéo
THE THING FROM ANOTHER WORLD DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h23
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
      • Scènes commentées par J.B. Thoret
      • Un conte d'horreur moderne (19mn35)
      • Le hors champ de l'Amérique (11mn44)
      • Trois films en un (9mn49)
      • Résolutions (7mn)§ Un film matrice (10mn)
      • Entretien avec John Carpenter (23mn56)
      • Bande-annonce originale
      • Booklet (16 pages)
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