Amy Harding a besoin de s'isoler, de prendre un peu de recul, un bon bol d'air frais en compagnie de son chat caractériel et de ses poissons rouges glandeurs. Dans ce but, elle fuit la civilisation (ainsi que son coiffeur blagueur qui l'a teinte en rose vif) et s'en va retrouver la maison de son enfance, situé au beau milieu d'une luxuriante forêt. Le cadre est paradisiaque et malgré les quelques inquiétants avertissements des autochtones, tout semble paisible, idéal pour une petite retraite…
Sauf que bien vite, Amy est dérangée par des bruits. Un animal semble avoir investit la maison idyllique durant son absence… La traque peut alors commencer. Amy découvre que son locataire indésirable est en fait un gros lézard au regard vide. Plus que sa taille, c'est plutôt son agressivité qui semble déroutante. D'autant qu'il n'est pas seul : Le bougre s'est installé ici avec sa famille hétérotherme au grand complet. Le conflit entre propriétaire et squatteurs semble dès lors inévitable mais l'issue est plus qu'incertaine tant la coterie de reptiles s'accroche à son pied-à-terre douillet. Dotés de gènes mutants, ils s'adaptent bien vite à toutes situations et sont décidés à faire valoir leurs droits avec une rare violence. Bientôt totalement coupée du monde par la neige, c'est avec joie que Amy va se voir épaulée dans cette terrible épreuve par le cultivé mais un peu benêt Marshall…
Allez savoir pourquoi, Tim Boxell se voit confier, en 1997, la réalisation d'un petit direct-to-video nommé ABERRATION. L'homme n'a pourtant pas fait grand-chose pour mériter cette faveur puisque son seul véritable fait de gloire semble être la création du design de la créature de C.H.U.D.... Quoiqu'il en soit ça y est, il peut faire son propre film avec cependant des limitations budgétaires assez importantes. Dès lors, il va falloir faire des choix mais le bonhomme sait ce qu'il veut : Du gore bien sale, des lézards extraordinairement méchants et une histoire qui tienne à peu prêt la route. Pour cela, on va devoir trancher dans le vif des autres éléments comme, par exemple, le casting.
Très minimaliste, celui-ci ne compte au total que cinq individus dont seulement deux sont réellement importants. Tout d'abord Pamela Gidley, interprète plutôt mignonne de Amy que l'on a pu voir dans FREEFALL de John Irvin (LE CONTRAT, HAMBURGER HILL, etc...), CHERRY 2000 (rôle titre) ou plus récemment dans les séries LE CAMELEON et LES EXPERTS. Dans ABERRATION, elle décroche donc le premier rôle (pas celui d'un lézard, celui de l'héroïne) et nous offre une performance de femme paniquée puis combative assez convaincante. A ces côtés et pour la soutenir dans cette terrible épreuve, l'acteur Simon Bossel, à la carrière essentiellement télévisuelle (vu cependant dans BETTER THAN SEX), interprète un étudiant scientifique et écologiste un peu brouillon dans sa tête mais finalement plutôt sympathique.
Outre le casting, il va bien sûr falloir rogner du budget sur les décors, eux aussi très peu nombreux puisqu'on se contentera d'une station service et de deux cabanes en rondins. Ces restrictions financières ont cependant du bon car elles vont grandement participer à l'ambiance du film. L'unité de lieu par exemple nous rappellera bien évidement EVIL DEAD de Sam Raimi et sa cabane isolée dont il semble impossible de s'enfuir…
Mais c'est aussi du côté des effets spéciaux que le manque de moyens va faire des siennes, obligeant ainsi à avoir recours au fameux système D, celui qui sent bon le latex, le sang gluant et les marionnettes ressemblant à des chaussettes. Un véritable festival d'effets poisseux à l'ancienne mode qui fait souvent plaisir à voir et ce même si certains lézards manquent clairement de crédibilité. Ainsi, posés sur le sol, les monstres au sang froid sont souvent inertes, semblant regarder la caméra d'un oeil amusé mais profondément crétin. Lorsqu'ils attaquent en revanche, on ne voit plus que l'avant du corps, dévoilant ainsi clairement la supercherie à base de marionnette enfilée sur le bras d'un excité. Outre les lézards, les blessures infligées, les nombreuses mutilations et les grosses giclées d'hémoglobine feront, elles aussi, le bonheur des amateurs de gore typé années 70-80. Du tout bon.
Concernant le film en lui-même, force est de reconnaître qu'il s'en sort plutôt bien. Acteurs convaincants donc (au jeu parfois excessif toutefois), décors minimalistes mais bien foutus, attaques plutôt violentes et surprises à base de lézards montés sur ressorts. Le métrage n'est d'ailleurs pas sans rappeler, dans une moindre mesure bien sûr, le génial GREMLINS de Joe Dante. On y retrouve la même profusion de créatures hargneuses, les explosions de bestioles juteuses (ici sous l'impact des balles), l'impression croissante que les protagonistes sont complètements dépassés par les événements et même une petite touche d'humour noir entre deux méchantes morsures. Pas de doute, Tim Boxell connaît ses classiques et parvient à s'acquitter très honorablement de la tâche qui lui a été confiée. L'idée de faire muter ses lézards en cours de film, et de manière incroyablement rapide, est bien entendu stupide au plus haut point. Cependant, elle fonctionne bien et nous offre quelques bons moments comme la scène de l'aquarium ou celle de l'opération à cuisse ouverte…
Concernant l'édition DVD, elle nous arrive en France via l'éditeur Sidonis Productions. Il faudra malheureusement se contenter du strict minimum avec une image 4/3 et en plein cadre (format respecté cependant) accompagnée d'une piste française se sentant bien seule… S'il est déplorable de ne pas retrouver la version originale sur le disque, avouons toutefois que le doublage français ne s'en sort pas si mal. Concernant les bonus, la jaquette du DVD nous annonce fièrement les bandes annonces françaises et américaines ainsi que des notes de production. En réalité, ces bonus sont si bien cachés qu'il vous faudra aller sonner à la porte de monsieur Sidonis pour les lui réclamer en personne… Nous nous retrouvons donc avec un menu animé ultra minimaliste qui aura au moins l'avantage de ne pas égarer le spectateur distrait.
ABERRATION est donc un film qui saura sans mal combler les fans d'ovipares hostiles et bondissants, les amoureux de marionnettes mordantes et les amateurs de chevelures roses. Un petit direct-to-video distrayant présenté dans une édition DVD trop simpliste mais pour lequel vous n'aurez qu'une maigre poignée d'euros à débourser. Alors faites-vous plaisir, laissez-vous charmer par ces lézards au regard de braise…