HELLBORN, connu aussi sous le titre ASYLUM OF THE DAMNED, est un film qui ne respecte pas les règles. D'habitude, les films qui transgressent les règles établies sont des plus attractifs ou tout moins surprenants. Sauf qu'ici, le réalisateur, co-scénariste et producteur Philip J. Jones, qui nous a hélas quitté en 2003, ne transgresse pas les bonnes règles...
Une des règles des films d'horreur est de commencer le film par une putain de bonne scène. Comme dans SCREAM, par exemple. Ici, un acteur qui tente de jouer un docteur semble courir péniblement dans un hôpital tout en répétant à la caméra qui fait des plans de travers «Je ne suis pas fou». On a longtemps hésité avant de savoir quel comportement adopter. Et ce fut finalement «Aïe, ça va être mauvais.». Bingo.
Règle n° 2 (qui s'applique à tous les autres genres) : la nécessité d'adopter un scénario cohérent ce qui, à défaut d'être original, permet de tenter de rassembler des éléments de bons métrages et d'en faire un sympa soit même... Raté. Monceau d'incohérences scénaristiques, HELLBORN ne fait pas illusion deux nanosecondes. Entre la copine du héros athée qui lui donne une médaille de Saint Christophe pour le protéger, et le héros à qui on conseille une bible en cas de besoin... Le titre du film est HELLBORN. Hop, c'est plié. Le diable existe bien, il est chez les fous et on a à nouveau droit à un machin catho-rifique de dernière zone. Il doit exister une meilleure manière de perdre son temps. Mais à ce moment de la soirée, il fut décidé quand même de persévérer dans notre masochisme cinéphile : Pourquoi la créature des enfers vient-elle seulement lorsque demandée par un rituel ancien (effectué à grands coups de je secoue ma manche de ma toge blanche genre Klu Klux Klan) ? Sais pas. Pourquoi les trois humains appellent la bête ? Pas de réponse. Qui sont les deux autres adorateurs du monstre ? Impossible de dire. Pourquoi dans un asile de fous (ailleurs, ce serait plus simple) ? Nada. Pourquoi la copine débarque au bout d'une heure alors que vue seulement au début ? Parce qu'elle le veut bien – c'est ce qu'elle dit -. Pourquoi tant de haine ? Parce que. Qui a éteint dans les toilettes ? En fait, le scénario avance tellement peu qu'une succession de Deus Ex Machina vient à son secours. D'où un passage secret qui mène à l'extérieur de l'asile pour sauver nos valeureux héros. Ou encore cette savoureuse scène entre le bellâtre et sa rombière :
«J'ai oublié le sac avec les preuves !
mais tu ne vas pas y retourner !!
Si, je dois. (Regard énamouré de l'héroïne)
Ah, OK. Soit très prudent».
Il va simplement chercher un monceau de papiers alors qu'une créature satanique va déferler sur le monde ! Pour la suite, quelques sous règles à bien retenir :
1/ dans ce cas précis, ne pas oublier son sac.
2/ Mieux : toujours garder les preuves sur soi.
3/ Ne jamais retourner nulle part si on tient à sa peau !!!
Règle n° 3 : faire peur. HELLBORN ignore totalement cette règle, et faillit donc à remplir son contrat. Le trouillomètre reste définitivement plat. Aucune ambition de faire trembler quoique ce soit, si ce n'est la caméra qui tremblote par moments lors de travellings. Un montage en dépit du bon sens vient couper brutalement certaines scènes et, au lieu de rythmer le film, finit de l'achever et de nous enlever tout espoir de frisson.
Règle n° 4 (pour un film d'horreur) : de l'horreur. Portée disparue, cella là. Alors le spectateur a droit à une créature, le «Harvester», que l'on voit brièvement au début du film pour revenir collecter les âmes des sacrifiés. Je fais des gros yeux rouges, ma grosse main vient se poser sur le torse des victimes, je fais des éclairs orangés pour montrer que l'âme s'en va. Et… c'est tout. On imagine que le budget microscopique n'a pas permis de miracle, tout a du être mis dans la créature, mais c'est maigre. Donc non seulement même pas peur mais en plus, il n'y a même pas d'effets sanguinolents.
Règle n° 5 : des acteurs un minimum crédible. Il ne veut pas, Phil, respecter la n° 5, qui n'est pourtant pas du luxe comme du Chanel. Pauvre Bruce Payne, dont la carrière prend un sérieux goût de caniveau. Son front haut et sa diction impeccable tentent de sauver les meubles, en jouant le rôle du chef de l'asile St Andrews. Il semble y croire, à son rôle de psychiatre qui, pour une raison inconnue, réussit à faire venir des enfers le "Harvester" (le «récolteur»), créature suçant les âmes. Pourquoi ? On vous l'a déjà dit "Parce que". Ah bon. Et il y a le reste du casting. Le Bellâtre élève psychiatre qui vient faire son stage à St Andrews et qui va découvrir le pot aux roses (Matt Stasi). Il possède une expressivité remarquable, visible sur trois modes : amoureux, interrogatif et pas content. On regrette qu'un potentiel comme Tracy Scoggins (TIMEBOMB, DEMONIC TOYS) soit aussi sous-exploité. Elle fait un démarquage savoureux de Ratched (Louise Fletcher dans VOL AU DESSUS D'UN NID DE COUCOU), genre infirmière sadique mais qui ne se dévoile qu'au détour de regards perçants. Le reste des personnages est trop insignifiant pour s'y intéresser vraiment..
Règle n° 6 : des effets spéciaux qui le sont... spéciaux. La jaquette annonce fièrement «par le génie des effets spéciaux qui a créé JEEPERS CREEPERS». Généralement, il faut se méfier de ce genre de phrase toute faite. Et encore un fois, Philip J. Jones ne veut pas jouer dans les règles. Alors il nous montre la créature dans son entier, ce qui fait pitié. Un joli masque, de jolis bras et des ailes crochues qui ressemblent à deux draps rouges tendus sur du plexiglas noir. C'est très probablement la raison pour laquelle on ne voit pas trop bouger le monstre. Donc il grogne et on sent qu'il a le pas lourd. Même pas peur. Il existe une scène présente dans la bande annonce où l'on voit un plan sur les jambes de la créature s'abattant lourdement sur le sol. Ce plan demeure (hélas) absent du métrage présenté ici. Et ce n'est pas l'aspect pauvre des rayons lasers qui s'agitent (mais pas comme des seins de bakélite) qui changera la face du film. Ni les quelques maquillages des torses enfoncés par la main rouge et puissante de notre "Harvester". Avec PLAN 9 FROM OUTER SPACE, Ed Wood avait créé l'intérieur de son vaisseau spatial avec des rideaux. Jones pensait-il à cela lorsqu'il a fait la chambre sacrificielle dans HELLBORN ? En tous cas, il y a de beaux rideaux rouges (pas de trace pour tant à l'écran d'un liseré doré) qui sont là pour masquer la misère. Car la misère est partout dans HELLBORN. L'ingéniosité dans les effets, qu'ils soient spéciaux ou de simples décors, ne donnent pas le change. Ca respire la pauvreté : de moyens comme d'imagination.
Comme les règles de base du film d'horreur n'ont pas été respectées, on en vient à l'interrogation légitime qui dit : celles du DVD en 2006 le seront-elles ?
Pas de chance. Une édition plein cadre (alors qu'une édition américaine est disponible en 1.78 avec transfert 16/9), avec une version anglaise en simple stéréo. Visuellement, le télécinéma est agréable. Contrasté dans les scènes nocturnes, efficace dans celles avec effets spéciaux, la copie ne présente aucune griffure ou aspérité. La piste sonore concentre tous ses efforts sur la voix centrale (dialogues et musique), se permettant quelques effets à gauche ou à droite pour les bruitages ou autres grognements et pas chassés de la bête. Les sous-titres grecs sont amovibles.
Pour les bonus, il faudra se contenter du film annonce original qui dévoile quasiment toute l'histoire, puis de six autres films annonces de titres titres disponibles chez l'éditeur Audio Visual. Dont le JEEPERS CREEPERS vanté par jaquette. La boucle est bouclée ! Une rapide bio et filmo de Bruce Payne, quatre photos et une filmo du réalisateur complète le tableau. Ah si, il y a un menu initial en grec et un chapitrage animé avec Paintbrush.
Il y a des mauvais films qui nous font prendre conscience que l'on peut être une dialyse à soi tout seul. Le mauvais film rentre dans notre esprit, qui le nettoie de ses impuretés, et le tout est expédié dans l'espace de notre inconscient, totalement pur. Il ne reste parfois rien. HELLBORN fait partie de ces films. Un condensé de gâchis cinématographique, sans aucune trace d'intelligence ou d'originalité. HELLBORN est si transcendatelement crétin que sa sincère idiotie doit être vue pour être crue ne serait-ce que pour considérer les asiles psychiatriques comme des bases arrière du diable. HELLBORN navigue entre bêtise crasse et incompétence notoire. Il est vraiment regrettable de ne pas avoir la possibilité d'aspirer la connerie hors de ce DVD pour l'expédier dans un autre monde à la manière du "Harvester".