En 2075, l'hyper industrialisation et la conquête effrénée de l'espace a conduit à une gigantesque pollution autour de la Terre. Autant d'ordures, de pièces perdues ou de satellites abandonnés qui rendent dangereux le trafic spatial. Pour juguler le ramassage des déchets, une section “Débris” s'active à plein temps. Fraîchement engagée dans cette équipe, la jeune Aï Tanabe part s'installer dans l'espace avec des rêves plein la tête, mais y découvrira une réalité bien plus «terre-à-terre».
PLANETES est initialement un manga créé par Makoto Yukimura, dessinateur et scénariste pour qui c'est la première (et pour l'instant unique) oeuvre. La bande dessinée fut immédiatement remarquée pour sa qualité artistique et narrative, ainsi que pour la maturité de son histoire hors norme nous contant la conquête de l'espace sous un angle inattendu. Succès immédiat, avec plusieurs prix à la clef, Planètes ne se transforme pas pour autant en saga fleuve interminable comme beaucoup d'œuvres japonaises. Seulement quatre tomes sont disponibles depuis une prépublication datant de 1999, ce qui confère à Makoto Yukimura le surnom de mangaka le plus lent du Japon !
L'adaptation en série animée de 26 épisodes est confiée au studio Sunrise, célèbre pour son COWBOY BEBOP. Bien entendu, les quatre tomes de la bande dessinée originale sont bien trop maigres pour alimenter une série complète, et une réécriture en profondeur fut nécessaire. Premier point d'importance, le héros du manga (le cosmonaute Hachi) rétrograde à une position de second rôle au profit de la jeune et téméraire Aï Tanabe (qui n'apparaît que dans le deuxième tome du manga). Les côtés les plus tragiques et ambigus de la bande dessinée sont édulcorés afin que la série supporte plus facilement des péripéties immédiates et moins complexes, chaque épisode ne dépassant pas la vingtaine de minutes. Enfin, des personnages de gaffeurs extravertis sont ajoutés à l'histoire originale, afin que la série puisse parfois bénéficier de l'ambiance hystérique propre à la japanimation.
Si les fans purs et durs du manga seront sans aucun doute déçus par cette adaptation animée, force est de constater que la série reste quand bien même d'excellente qualité. Le concept de nous narrer le quotidien d'une équipe d'éboueurs de science fiction est une idée géniale qui emporte immédiatement l'intérêt. A mille lieux de L'ETOFFE DES HEROS, PLANETES offre une vision inédite de l'homme dans l'espace, débarrassée de tout lyrisme pompier mais ne manquant pas de souligner les petits miracles surmontés par la section débris. Car cette dernière se met régulièrement en danger, sauve des vies, se voit confronter à des problèmes éthiques complexes, tout en souffrant de son image de “sous-section” comme l'aime à gouailler les cosmonautes de la conquête spatiale «officielle».
C'est donc un sacré dépaysement qui attend la petite Aï Tanabe, cette dernière intégrant la section en même temps que le spectateur au tout début de la série. Fantasmant de se retrouver au coeur d'un 2001 L'ODYSSE DE L'ESPACE, la voici reléguée à la section débris dont les bureaux sont situés dans un minuscule cagibi au dernier niveau de la base spatiale. Ses rêves éclatent instantanément en morceaux lorsqu'elle découvre que les cosmonautes portent des couches sous leurs imposants scaphandres ! Elle n'en deviendra pas moins un élément de choix au fil du temps, transcendée par les défis quotidiens de son travail.
Dotée d'une réalisation sans faille, de personnages attachants, et d'une mise en scène très imaginative (la série est quasi intégralement en apesanteur, ce qui nous vaut un sens du découpage particulier), c'est avant tout la richesse de la narration qui place PLANETES largement au dessus de la production animée actuelle.
Drôle et hystérique, mais aussi sombre et intense, la série déploie des trésors d'imagination pour ne pas nous raconter des histoires unidimensionnelles et linéaires. On pense à cet épisode où la section débris doit détruire une plaque pacifique commémorative parce que cette dernière gène la trajectoire d'un satellite militaire. Une mission moralement difficile pour la jeune Aï, avant que cette dernière ne découvre la mort dans l'âme que le symbole de paix n'est pas aussi noble qu'il en a l'air. Autre dilemme d'importance lorsque la section récupère le cercueil spatial d'un astronaute pionnier. Sa famille désire le laisser à l'espace, mais le récit de sa vie fait immanquablement penser à Aï que ses dernières volontés étaient bel et bien de reposer sur Terre.
Entre Aï et son attitude fougueuse, Hachi et son flegme de celui qui «ne fait que son boulot et rien d'autre», ou encore Fee Carmichael, la chef de la section aux méthodes radicales mais justes, les conflits naissent, se désamorcent, s'apaisent au gré des histoires. Les segments bénéficient d'ailleurs souvent de climax situé lors des sorties dans l'espace, où le vide infini semble offrir l'intimité nécessaire à l'explosion des états d'âme. On attendait beaucoup de choses mais sûrement pas ça d'une nouvelle série japonaise de science-fiction. A contre-emploi total des délires du genre, PLANETES nous sert une chronique humaine, drôle, émouvante, trépidante et diablement originale.
PLANETES est édité par volume et non en intégrale. Ce Volume 1 contient les cinq premiers épisodes, et les volumes suivant égraineront la saga à raison de quatre segments par volume. L'éditeur a néanmoins prévu de faire un effort en proposant à nouveau cinq épisodes sur le dernier DVD, limitant ainsi la série à six volumes et non à sept comme GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX. Il faudra donc être patient, et ne pas avoir le porte monnaie trop timide, pour découvrir l'intégralité de la série.
Quoi qu'il en soit, l'éditeur propose un disque très soigné. Techniquement, l'image est d'excellente facture et l'on remarque tout juste une compression un peu forte lors de certains plans, comme souvent sur les séries animées. Le DVD propose des pistes sonores en français, anglais et surtout en japonais. Rien à redire sur ces dernières, si ce n'est qu'elles sont en stéréo (télévision oblige) et non en 5.1 comme les luxueux épisodes de GHOST IN THE SHELL : STAND ALONE COMPLEX.
Les bonus sont d'un intérêt limité avec un générique sans crédit, de courtes notes écrites, ou encore des bandes annonces. Heureusement, le disque propose un supplément bien plus surprenant avec la présence d'un commentaire audio, sur le premier épisode, réunissant le réalisateur Goro Taniguchi ainsi que les deux comédiens de voix Kazunari Tanaka (Hachi) et Satsuki Yukino (Aï Tanabe). Joyeux drilles, cette fine équipe a bien du mal à se montrer sérieuse derrière son micro. Tanaka et Yukino passent leur temps à se chamailler avec humour, notamment sur les fesses du comédien, dans une ambiance qui n'est pas sans rappeler les plus gros intermèdes comiques de la série. Taniguchi, le réalisateur, recentre la plupart du temps le débat sur le formidable travail des animateurs, ou alors nous fait part de ses intéressantes recherches sur l'apesanteur. Un commentaire audio très sympathique donc, idéal sur une courte durée.
On connaissait la japanimation friande de robots géants, de cyborgs mélancoliques, de vaisseaux spatiaux se livrant des guerres homériques dans le cosmos... Il faudra maintenant compter avec cet excellent PLANETES et ses éboueurs de l'espace, des petits salariés oubliés de la conquête spatiale, au quotidien finalement bien plus passionnant que certains gros calibres.