Dans Sin City, des personnages se croisent, survivent et meurent… Marv (Mickey Rourke), Hartigan (Bruce Willis) et Dwight (Clive Owen) vont se dresser, chacun à leur façon, face à des tueurs psychopathes et aux autorités d'une ville corrompue jusqu'à la moelle !
Le processus d'adaptation cinématographique est souvent le sujet de controverse de la part de ceux qui vouent un culte au matériel d'origine que ce soit un livre, un film plus ancien, une série télévisée, un jeu vidéo ou une bande dessinée. Le passage sur grand écran fait office d'une telle refonte qu'il est même parfois difficile de retrouver l'ambiance, l'aspect visuel ou encore les idées originales. Pour SIN CITY, il a été fait le choix très surprenant de porter tel quel la version dessinée à l'écran. Couleurs et cadrages respectent ainsi dans leurs majeures parties le travail original de Frank Miller. Cette transposition s'avère à l'arrivée une sorte d'objet filmique complètement atypique et déroutant !
Graphiquement, le film se pare d'un noir et blanc tranché où viennent éclater quelques couleurs comme le rouge sang ou le jaune pisseux. Des touches colorées qui entachent ou embrasent parfois une mise en image monochrome qui, une nouvelle fois, cherche à se fondre dans le moule des planches d'origine. SIN CITY, le film, offre ainsi un spectacle d'un esthétisme primaire à couper le souffle. Le réalisme cinématographique va même jusqu'à se dissoudre lors de scènes incroyables comme lorsque Marv, au volant d'une voiture, traîne un autre personnage sur le pavé. Le film présente ainsi des images souvent irréelles qui, en elle-même, portent tout l'impact émotionnel nécessaire et dont un découpage plus conventionnel de l'action ne viendrait en réalité qu'amoindrir l'effet percutant.
Si le parti pris artistique de l'image est surprenant, la forme de la narration de SIN CITY se place aussi sur un terrain déconcertant. Ainsi, comme dans de nombreuses aventures dessinées, le film nous permet de partager les pensées profondes de ses personnages. L'action est d'ailleurs souvent reléguée à sa partie la plus épurée laissant beaucoup plus de place à l'exploration du psychisme de ses intervenants. Tout cela baignant dans un univers d'une noirceur absolue où l'espoir de beaux lendemains paraît des plus faibles. Des trois histoires, une seule d'entres elles semblent se terminer sur une note vaguement optimiste. Mais quoi que fasse les personnages, l'essence même de la ville, si bien nommé SIN CITY, reste un cadre noir et désespéré.
Ambiance noire et image noire pour ce qui est un métrage qui renoue avec, justement, ce que l'on appelle le «Film Noir». Que ce soit la version en mouvement ou celle dessinée, on y retrouve des ingrédients issus de ces films qui étaient en vogue durant les années 40 à 60 : ville nocturne et pluvieuse, femmes fatales, personnages solitaires ou torturés… Et bien évidemment, la violence explose de manière bien plus crue et souvent sans détour pour cette actualisation du genre. Mais l'horreur et la violence reste le plus fréquemment aux stades des idées plutôt que de l'image. Les tueurs psychopathes sont ainsi légion dans une ville gangrenée par une corruption omniprésente et contre laquelle les héros ne peuvent finalement pas grand chose.
Composé de trois histoires, on pourrait même évoquer une quatrième trame, SIN CITY souffre tout de même du syndrome des films à sketches. Certains segments viennent en écraser d'autres qui paraissent, en comparaison, plus faibles. La première véritable partie débute sur les chapeaux de roues avec la vengeance de Marv et le film se «conclut» par le baroud d'honneur d'Hartigan. Deux morceaux de haute volée qui enfoncent l'histoire centrale bien trop classique et peuplée de personnages moins hauts en couleurs. Un défaut assez mineur dans l'ensemble d'un SIN CITY sans compromission.
A l'issue de SIN CITY, il subsiste tout de même une drôle de question. En effet, ce processus d'adaptation très particulier semble fonctionner à merveille de par l'aspect atypique et surprenant de l'entreprise. Il est difficile de savoir si d'autres oeuvres, traitées de la même façon, auraient le même effet après le passage de SIN CITY. En tout cas, Robert Rodriguez ne se pose pas la question et se lance déjà dans une suite qui aura, au moins, l'excuse de la continuité avec le premier film.
Pour sa sortie en DVD, Wild Side a décliné SIN CITY sous trois formes. Une première version minimaliste ne contient que le film accompagné d'un deuxième disque cadeau qui fait essentiellement la promotion d'autres titres de l'éditeur. Pour les deux autres éditions, les disques sont identiques et seuls changent l'emballage et les à-côtés. La version limitée, en plus du double DVD, se pare ainsi d'un troisième disque contenant un documentaire sur les Comics (non relié directement au film), un CD de la musique, un livre d'images («The Art of Sin City») et une affiche. Nous ne parlerons ici que du double DVD contenant les suppléments du film et pas directement de l'édition simple.
Wild Side a voulu marquer le coup avec SIN CITY puisque ces trois éditions DVD sont labellisés THX garantissant en théorie un niveau de qualité optimum. Le premier disque ne contient que le film de manière à garder le maximum de place pour la retranscription de l'image et du son. Ce serait faire la fine bouche que de vouloir trouver des défauts dans le rendu des images de ce transfert 16/9 au format cinéma de toute beauté. Pour le son, il est possible de choisir entre la version originale sous-titrée ou le doublage français en Dolby Digital 5.1. Si une piste DTS s'invite à la fête pour le doublage français sur le disque simple, les deux autres éditions, dont celle dont nous vous parlons ici, sont pourvues à la place d'une piste dans ce format mais pour la version originale. Comme pour l'image, la retranscription sonore est de très grande qualité !
Passé le petit Making Of réalisé pour la promotion du film, les suppléments se font un peu plus intéressant. Ainsi, les deux vidéos choper lors du passage de l'équipe du film (Robert Rodriguez, Frank Miller…) au Festival de Cannes sont exclusifs à l'édition française du film et viennent donc étoffer la section des suppléments qui aurait pu être bien plus minimaliste. Toutefois, ces deux passages ne sont pas forcément non plus extraordinaires… On trouve aussi un documentaire sur Frank Miller qui s'avère être, en réalité, des entretiens croisés avec Patrick Gaumer, Jean-Pierre Jennequin, Olivier Vatine et Enki Bilal. Ils parlent du travail de Miller mais aussi de l'adaptation de SIN CITY pour ce qui ressemble vraiment, pour le coup, à un supplément spécialement réalisé pour le DVD.
On pourrait évoquer ce qui suit à propos d'une grande partie des éditions DVD mais il est toujours agaçant de devoir pousser le son pour comprendre les personnes qui s'expriment dans un documentaire. Spécialement lorsque le retour aux menus sonorisés se fait assourdissant et donc nécessite de devoir rapidement baisser de nouveau le volume. Il ne s'agit pas d'un défaut de cette édition de SIN CITY ou même propre à Wild Side, c'est assez souvent le cas sur d'autres DVD, tous éditeurs confondus. En tout cas, les menus sont magnifiques !
En plus de la bande annonce de SIN CITY, il y a de quoi être très étonné par la section «A découvrir» qui débute par de la publicité. On ne comprend pas bien le rapport entre SIN CITY ou même Wild Side en découvrant la bande-annonce (non sous-titrée) du jeu vidéo Prince Of Persia 3. Le reste des promos se focalise sur les titres de l'éditeur (le coffret Baby Cart, la collection Shaw Brothers et la collection Zatoichi) et s'ajoute aux quatre bandes-annonces imposées à l'insertion du disque. Une quinzaine de filmographies sont aussi présentes mais elles ne comportent aucune notes biographiques en dehors de la date de naissance. Notons quand même un accès directs aux pages de chacune des filmos en plus de l'accès séquentiel plus traditionnel.
De belles éditions de SIN CITY sont donc disponibles mais il faut indiquer que l'on peut difficilement les voir comme des versions définitives. En effet, une version du film allongée d'une vingtaine de minutes arrive prochainement aux Etats-Unis et plus tard en France avec cette fois de nombreux suppléments réalisés par l'équipe du film (commentaire audio, documentaires en pagaille, scènes loupées, etc…). Au moins, avec les éditions actuelles, on dispose du montage cinéma et de quelques suppléments exclusifs à la France. Espérons simplement que Wild Side ne les recyclera pas sur les DVD de la version longue à venir !