Durant la première Guerre Mondiale, Henri Désiré Landru profita de l'absence des hommes pour séduire des femmes seules dans un but bien précis. Si elles avaient de l'argent, il leur extorqua tout par un habile jeu de manipulation amoureuse. Ensuite, il les tua. Si elles n'avaient rien à leur nom, il les laissa vivre et ne leur donna plus aucune nouvelle. Les biens servirent à subvenir aux besoins de sa famille.
Landru notait méticuleusement tout sur ses conquêtes dans un petit carnet noir. C'est ainsi que durant son procès, la France découvrit qu'il eut 283 maîtresses en l'espace de seulement quatre ans. En 1919, il fut jugé coupable de la disparition suivie des meurtres de onze femmes. Il fut guillotiné à l'aube du 25 février 1922.
Comme il est de coutume, les affaires criminelles teintées de sang et de violence inspirent inévitablement de nombreux artistes. En ce qui concerne l'histoire de Landru, il existe deux pièces de théâtre (la première mise en scène par Christian Simenon en 2002, et la deuxième à venir en ce mois de novembre 2005, mise en scène par Laurent Ruquier), une chanson de Charles Trénet, une bande dessinée publiée en 1982 (de Biélot et Novi) et plusieurs adaptations cinématographiques. La première est un film muet autrichien de Hans Otto qui date de 1922, l'année de l'exécution de l'assassin. Ensuite, Charlie Chaplin s'inspira du personnage pour son film MONSIEUR VERDOUX (1947). Claude Chabrol retraça l'affaire en 1962 et en 1973 sortit un court métrage par un réalisateur mexicain du nom de Juan José Gurrola, tous deux sobrement intitulés LANDRU. Pour cette nouvelle adaptation, c'est Pierre Boutron qui s'en occupe, un réalisateur de téléfilms avec presque trente métrages à son actif.
Dans un café chic de Paris, Rolande et sa soeur Odile vont faire la connaissance d'un homme charmant et drôle qui leur donne rendez-vous dès le lendemain. Rolande est perturbée par l'absence de son fiancé, et flattée par les attentions d'un inconnu, elle le rejoindra au lieu dit. Landru va doucement s'éprendre de la jeune fille ce qui ne l'empêchera pas de multiplier les aventures avec toute la discrétion qui le caractérise.
En prenant la liberté artistique d'inclure cette histoire amoureuse à son film, Pierre Boutron ajoute une facette plus humaine à un assassin au sang-froid incroyable. Marié et père de famille, Landru devait garder ses secrets tout en trouvant des explications pour l'argent qu'il ramenait à la maison, ou encore les mystérieux déménagements de meubles en compagnie de son fils. Patrick Timsit est parfaitement convaincant dans son rôle, autant physiquement que de façon émotionnelle. Plus connu pour ses interprétations dans des comédies, il livre ici une prestation sans failles, développant davantage le côté sombre que l'on avait déjà entr'aperçu dans LE COUSIN.
Landru vit dans un appartement de taille respectable avec sa femme, ses deux fils, sa fille et son propre père. C'est un lieu triste et morne dans lequel il semble complètement déplacé dans ses costumes sobres. Sa frustration s'exprime sans retenue dès qu'il passe le pas de la porte, toute la famille en prenant pour son grade. Sa femme devient soupçonneuse face aux richesses soudaines mais semble fermer les yeux. Les temps sont durs et on survit comme on peut même si pour cela, il faut s'adonner à des pratiques pas toujours très propres. Elle ne s'efface pas devant son mari évasif et dominateur mais malgré son côté froid et dur, elle lui restera loyal jusqu'au bout.
Pour se débarrasser des femmes dont il n'a plus aucun besoin, Landru a loué une maison de campagne à Gambais. Il attire d'abord la sympathie de ses victimes en se prétendant veuf et à la recherche de l'âme soeur. Il se plie en quatre pour être le plus galant et attentionné possible et finit par se faire léguer tous les biens qu'elles possèdent. Avec une promesse de mariage à la clé, il les invite alors à Gambais sous prétexte de rendre visite à sa vieille mère malade ou tout simplement passer un week-end en amoureux.
Lors du repas, il les endort en pressant un mouchoir plein de chloroforme sur le visage et ensuite, il les démembre et les incinére dans la cuisinière. Les découpages se déroulent toujours hors champ, la seule chose que nous voyons à travers la porte entrebâillée est la table où se trouve ses instruments ensanglantés. Par contre, les bruitages sont assez efficaces pour ne pas donner envie d'en voir plus.
Les habitants du village s'étonnent bien sûr des allées et venues de ce voisin peu sociable et surtout, de l'épaisse fumée noire puante qui s'échappe de la cheminée. A Paris, la police commence à recevoir des plaintes concernant des femmes disparues et ce sera alors le début de la fin pour Landru. Il sera arrêté et mis en examen pour escroquerie ce qu'il ne conteste pas. Mais il niera avoir tué aucune femme et ce, même après sa condamnation. La police n'a retrouvé aucun cadavre, seuls quelques ossements et des dents dans son jardin. Aucun tueur en série n'avoue jamais rien de lui-même, à moins qu'on leur présente des preuves irréfutables. Landru ne déroge pas à cette règle et se servira de l'absence de corps pour soutenir ses clameurs d'innocence.
Le procès qui clôt ce téléfilm est basé en son entier sur le déroulement de celui qui condamna Landru, jusque dans les dialogues. Landru était un homme à l'esprit vif et un beau parleur. Il se moqua ouvertement de ses nombreuses victimes ce qui fit éclater de rire tous les spectateurs de nombreuses fois, augmentant l'humiliation des témoins et de sa famille. Même le Président de la Cour n'y échappa pas avec cette réplique pleine d'humour noir de l'accusé : «Mr le Président, vous parlez si souvent de ma tête que je regrette de n'en avoir qu'une à vous offrir !»
L'assassin redoutable ne baisse les yeux qu'une seule fois en face de Rolande qui lui déclare encore et toujours son amour inconditionnel et surtout, sa foi inébranlable en son innocence. Landru maintiendra les illusions de la jeune femme dans toutes les lettres qu'il lui enverra depuis la prison. Cependant, le réalisateur laisse au spectateur le loisir de se faire sa propre idée sur ses supposés sentiments. Sont-ils réels ou Landru a-t-il fini par se persuader lui-même d'un ultime mensonge ?
Bien que moins cynique que la version de Claude Chabrol, ce téléfilm demeure un excellent moment. La réalisation est fluide et maîtrisée, Boutron se servant plusieurs fois des décors pour de belles mises en images, notamment dans ses emplois judicieux des miroirs. Les dialogues sont savoureux et enjoués, et le tout est soutenu par une musique très belle, souvent subtile et dont le côté répétitif durant les moments de tension augmentent le suspens.
Le son est proposé en Stéréo ou en 5.1 et les deux pistes ne comportent pas de défauts notables. Les dialogues sont clairs et la bande son accompagne les images sans s'imposer.
En ce qui concerne la qualité de l'image, le seul reproche est une compression un peu trop visible ce qui a tendance à voiler l'image par moments. Malgré cela, la beauté simple des décors, des costumes et des paysages sont bien rendus et créent un juste équilibre avec le gris de la ville. Les éclairages ont bénéficié d'un soin particulier, en particulier durant les scènes qui se déroulent dans la maison de campagne à Gambais. Les lumières douces et jaunâtres donnent un cachet «vieux» à l'ensemble, nous plongeant d'autant plus près d'un siècle en arrière.
Le seul supplément à noter est un lien Internet vers le site de TF1 Vidéo et on se serait bien passé de ce genre d'auto-promotion décomplexée. Il aurait été bien plus intéressant d'avoir une interview de Patrick Timsit afin d'en savoir un peu plus sur sa préparation à ce rôle sans doute éprouvant mentalement.
Au final, ce DESIRE LANDRU, indique seulement comme LANDRU sur la jaquette, est un téléfilm de très bonne facture, servie par une distribution impeccable et d'évidentes qualités techniques. Il présente également le mérite de ne pas s'adresser qu'aux férus des tueurs en série et ainsi être accessible à tous.