Hattori Kanzo, un apprenti ninja, doit relever une dernière épreuve pour parfaire sa formation. Vivant reclus dans la campagne japonaise, dans la province d'Ida précisément, ce dernier devra se rendre en plein Tokyo et y servir une personne qu'il choisira comme son maître tout en respectant les codes du ninja (comme de ne se faire voir de personne d'autre que son maître). Ne sachant où aller, Hattori atterrit par hasard dans la chambre d'un garçon d'une dizaine d'années qu'il protégera dorénavant grâce à ses étranges compétences.
D'origine chinoise, «l'art» du ninja s'est développé dans le Japon féodal jusqu'à en devenir une figure traditionnelle très populaire. Le ninja est un «militaire» entraîné à la subtile pratique du camouflage, et possédant toute une ribambelle de gadgets et d'armes secrètes lui permettant d'accomplir ses missions souvent d'assassinat dans la discrétion la plus totale. L'imaginaire local s'attachera à ce personnage trépidant pour alimenter de nombreuses oeuvres littéraires, cinématographiques, de bande dessinées ou encore de jeux vidéos. Au cinéma, on retiendra la série des SHINOBI NO MONO, soit 8 films de 1962 à 1966, qui relatèrent le destin de trois ninjas ayant réellement existé. Les américains de la Cannon récupèreront la figure de l'assassin furtif pour alimenter dans les années 80 une foulée de bobines faisant les beaux jours des amateurs de nanars. A l'approche des années 2000, les japonais décident de relancer le personnage du ninja aux détours de relectures soit à tendance réaliste (OWL'S CASTLE de Masahiro Shinoda), soit totalement fantaisistes (RED SHADOW de Hiroyuki Nakano, SHINOBI de Shimoyama Ten).
Mais NIN X NIN THE MOVIE ne doit pas tant sa mise en chantier à ce revival du film de ninja qu'à l'invasion sur les écrans nippons de films adaptés de veilles séries animées ou mangas des années 60 et 70 comme CUTIE HONEY de Hideaki Anno, CASSHERN de Kazuaki Kiriya ou encore DEVILMAN de Hiroyuki Nasu. Le film est la nouvelle adaptation de Ninja Hattori-kun, une bande dessinée de Motoo Abiko, mangaka et pionnier de l'animation au Japon. A noter que ce dernier partagea le pseudonyme Fujiko Fujio avec Hiroshi Fujimoto (auteur de DORAEMON), nom sous lequel les deux hommes signeront nombres d'oeuvres sans toutefois travailler systématiquement de concert. En mettant un terme à leur collaboration à la fin des années 80, Abiko verra son travail crédité sous le nom Fujiko Fujio A., tandis que Fujimoto serra nommé Fujiko Fujio F.
Dès ses premières parutions en 1964 dans les revues japonaises, Ninja Hattori-kun rencontre un fulgurant succès auprès des enfants. Il sera alors adapté en série live tout d'abord, puis en dessin animé de 1981 à 1987, un programme qui comptera 694 épisodes. NIN X NIN THE MOVIE est ainsi l'adaptation cinéma qui fête les 40 ans du personnage. La réalisation est confiée à Masayuki Suzuki, déjà responsable de la transposition du manga GTO pour le grand écran, ou encore du sketch SAMOURAI CELLULAR de l'anthologie fantastique TALES OF THE UNUSUAL. Dans le rôle de Kanzo Hattori, nous découvrons Shingo Katori, un jeune chanteur- acteur très connu au Japon pour faire partie du Boys Band comique Smap (des cousins germains des fameux Hapattai et de leur tube Yatta qui fit les beaux jours du net). Un choix de casting qui place immédiatement NIN X NIN THE MOVIE sur les rails du blockbuster nippon comico-familial.
Oublions donc immédiatement le ninja sans pitié qui sort brusquement d'un tronc d'arbre pour égorger sa cible (voir les BABY CART). Hattori Kanzo est un bon benêt, attachant mais gaffeur, qui ne peut s'empêcher de rouler des yeux et criant régulièrement : «Nin» ! Plus habile dans la bataille, ce dernier possède des compétences le rapprochant plus d'un super héros qu'un super guerrier. Le film ne loupe jamais une occasion de le faire voler dans les airs à la Superman, ou d'activer son sixième sens «ninja» à l'aide d'un figement «bullet time» de l'action telles les intuitions «araignées» de Peter Parker dans SPIDERMAN de Sam Raimi. Avec humour, le métrage prend un malin plaisir à trouver une réponse numérique à tous ses tours, comme le gag récurrent démystifiant l'habileté de Hattori à se dissimuler partout (il possède toute une collection de papiers peints simulant différents environnements et se cache benoîtement derrière).
La première partie du film fait penser à un croisement entre E.T. de Steven Spielberg et THE ICEMAN COMET de Clarence Fok. Ami secret d'un petit garçon, Hattori va devoir vivre caché dans la chambre de l'enfant au nez et à la barbe de ses parents. Ne comprenant rien à la vie moderne, Hattori ne va pas manquer de déclencher quelques catastrophes liées à son ignorance de certains objets de tous les jours. La relation entre le ninja et l'enfant va constituer le centre de l'attention, avec un message évident d'encouragement et de persévérance pour la toute jeune génération intimidée par la société hyper compétitive du Japon. Rapidement, le film abandonne le récit du parcours initiatique de Hattori pour se focaliser sur celui du jeune garçon, dont l'extrême timidité va être transcendée grâce aux conseils traditionalistes du guerrier nippon.
La seconde moitié du film se voit injecter des éléments très classiques : une love story très platonique avec une belle aveugle, et surtout l'apparition d'un bad guy (ce dernier est habillé d'un long manteau en cuir noir, la preuve de sa méchanceté). Ce super vilain a un but bien précis : éliminer tous les ninjas ayant abandonné leurs préceptes pour vivre une vie normale tout en gardant leurs supers compétences. Nous sommes alors très proche du plan final de SHAOLIN SOCCER de Stephen Chow, où l'art Ninja, à l'instar de l'art Shaolin, peut servir aussi bien à préparer hyper efficacement à manger qu'à trouver des positions astucieuses dans le métro aux heures de pointes. Le film amorce alors un début de réflexion sur la possibilité d'intégration de la culture traditionnelle à un mode de vie moderne (découlant de l'occident), avant de finalement faire volte-face sous les péripéties et les effets spéciaux.
Sympathique, souvent drôle et jamais ennuyeux, NIN X NIN THE MOVIE remplit son contrat de film de divertissement pour toute la famille. Si la réalisation est tour à tour fade (voir le traitement réservé au personnage féminin) ou à l'inverse en fait un peu trop dans les effets de style tape à l'oeil (nombreux ralentis / accélérés, énormément d'ajouts numériques dans les plans), cette dernière nous réserve quand bien même de savoureux moments, comme l'affrontement très cartoonesque entre Hattori et un ninja infiltré dans un univers blanc à la MATRIX. Reste le message du film : «Fais ce que l'on te dit, persévère si tu n'y arrives pas, et tout ira bien», message que nous laissons à l'appréciation de chacun.
NIN X NIN THE MOVIE était sorti au Japon dans une édition très soignée, avec pistes DTS, un second disque bourré de bonus, et même des sous-titres anglais. Malheureusement, les prix prohibitifs des éditions japonaises encourageront les amateurs à se pencher sur le disque thaïlandais, beaucoup plus économique bien que beaucoup plus léger. Heureusement, le film est présenté dans des conditions techniques très satisfaisantes. On regrettera l'absence de la piste DTS, bien que celle en 5.1 ici présente remplit parfaitement son rôle en termes d'efficacité et d'effets de spatialisation. Pas un seul petit bonus en revanche, dommage au vu de l'homologue nippon, mais on pourra au moins suivre le film grâce à un sous-titrage anglais.
Comédie familiale à base de bons sentiments, d'effets spéciaux à gogo, et de gags qui vont bien avec, NIN X NIN THE MOVIE est un moment décomplexé à partager avec les plus jeunes. Les allergiques à la guimauve se rueront quant à eux sur BIN X BIN NINJA HAMEDORI-KUN de Takao Nakano, le remake canaillou du titre avec du cosplay, du catch féminin, de la fesse et des robots géants. A chacun son public.