Durant des fouilles archéologiques près d'un ancien manoir, le professeur Ayres va malencontreusement réveiller les morts. Ces monstres avides de sang et de chair fraîche vont rapidement s'attaquer aux trois couples venus passer le week-end.
Sur un précepte aussi simple (simpliste ?) que pour la majorité des films de morts-vivants, Andrea Bianchi nous livre un très bon métrage sans temps morts. Surfant sur le renouveau des films de zombies, LE MANOIR DE LA TERREUR est sorti dans la foulée du ZOMBIE de George Romero avec lequel il souffre généralement d'un rapprochement négatif. Mais s'il fallait une comparaison, l'on se tournerait plutôt vers LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. Les deux films présentent un lieu commun assiégé par des zombies et un matricide de la pire espèce. L'on reconnaît également l'influence du MASSACRE DES MORTS VIVANTS, datant de 1974 et réalisé par Jorge Grau, dans la façon de filmer les extérieurs en pleine campagne. Et pourquoi s' arrêter en si bon chemin ? Faisons encore un détour par la saga des Templiers d'Amando De Ossorio dont les morts-vivants d'une ancienne époque semblent avoir fortement inspirés les créations de Luigino De Rossi (aucune relation avec Giannetto) et son assistant, Rosario Prestopino. Tous deux avaient également travaillé sur L'ENFER DES ZOMBIES/ZOMBI 2 qui étale son ombre sur ce métrage jusque dans l'un de ses titres alternatifs, ZOMBI 3 (à ne pas confondre avec le film du même nom de Bruno Mattei et Lucio Fulci). Un zombie sort de terre de la même façon que les morts-vivants de l'île de Matool, tandis qu'une femme subit un passage facial à travers une fenêtre rappelant furieusement l'énucléation impressionnante d'Olga Karlatos.
Si nous mettons d'abord en avant les effets spéciaux du film, c'est parce qu'ils sont nombreux et valent le détour. Nous assistons à des écrasements de crânes de zombies par de grosses pierres, filmés au ralenti pour en apprécier toute la consistance poussiéreuse qui vole en morceaux. Les éclatements au fusil sont également fort appréciables, les impacts suintant un jus boueux. Comme dans tout film de zombies cannibales qui se respecte, les victimes se font éventrer, et leurs entrailles luisantes d'un rouge vif sont dévorées à pleines dents. Nous avons aussi une jolie décapitation à la faux d'une pauvre servante immobilisée par sa main clouée à un volet, un démembrement que Bianchi traîne en longueur tandis que les zombies en bas de la fenêtre attendent de pouvoir grignoter ce qui ne manquera pas de tomber.
Mais le plus impressionnant de tous est sans aucun doute l'arrachage du sein d'Evelyn par son fils zombifié. Prestopino a expliqué dans les bonus de L'EVENTREUR DE NEW YORK avoir réalisé cet effet en plaquant un faux sein sur celui de l'actrice. Luigino De Rossi en avait été fort impressionné parce qu'il pensait qu'un tel effet était impossible à réaliser « en live ». C'était sans compter avec le précieux enseignements du mentor de Prestopino, Giannetto De Rossi.
Les acteurs sont presque tous assez quelconques. Les seuls qui se voient développés hors des clichés d'usage pour ce genre de film sont Evelyn (Mariangela Giordano), George (Roberto Caporali), son mari et beau-père de Michael (Peter Bark). Nombreux sont désormais les spectateurs à savoir que Peter Bark (de son vrai nom, Pietro Barcella) n'était pas un enfant mais bien un adulte âgé de 25 ans, atteint d'une maladie génétique causant le vieillissement prématuré. N'ayant nullement l'intention de juger l'acteur désormais décédé sur son physique, il faut bien dire qu'il a un air très curieux, en rien arrangé par la coiffure impeccable d'une perruque, ses vêtements supposés faire plus jeune et ses manières efféminées. Certains lui prêtent même une ressemblance avec le jeune Dario Argento !
L'acteur avait été choisi pour son physique d'enfant à cause des problèmes liés à faire tourner des mineurs en Italie à l'époque. Il existe pleinement dans son rôle de garçon maladivement attaché à sa mère jusqu'à avoir des fantasmes incestueux à son égard. Evelyn ne le voit que comme son enfant. Lors d'une scène où elle tente de le réconforter, Michael lui caresse les cuisses et monte jusqu'à ses seins. L'horreur de la situation devient alors péniblement claire pour Evelyn mais elle choisit de tout refouler. Elle redeviendra immédiatement la mère protectrice, tant pour elle-même que pour son fils. Leur relation donne un peu de profondeur à l'histoire plutôt maigre. Leurs sentiments déviants respectifs ont tout loisir de se développer au sein du film, donnant lieu à quelques moments de sauvagerie spectaculaire.
Bianchi n'était pas un étranger des mélanges sexe-horreur, ayant tourné en 1975 le giallo acclamé NUDE PER L'ASSASSINO. A la fin des années 1980, il se tourna vers le genre érotique tout court, dirigeant des actrices comme Carroll Baker. L'influence de son goût pour les plaisirs de la chair est bien présente dans LE MANOIR DE LA TERREUR, une paire de jolies fesses annonçant la couleur à quelques minutes seulement du début du film. Les dialogues ne sont pas en reste, le mari lançant un «Tu as l'air d'une vraie putain… Mais c'est comme ça que tu m'excites» à sa femme, qui ne s'en offusque pas le moins du monde.
Tandis que les couples fricotent un peu partout dans le parc qui entoure le manoir, les morts reviennent à la vie. Ils sont lents (quoique certains figurants s'oublient, par moments…), nombreux et ils ont faim. Les attaques ne tardent pas et les victimes se débattent non sans mal. Cependant, encouragée par son fils, Evelyn trouve une façon plutôt originale de les réexpédier dans le monde des morts en les aspergeant de peinture avant d'y mettre le feu. Autrement, ils ne sont vulnérables qu'à la tête. Malgré leur lenteur, ils sont soudain très nombreux. L'ambiance en devient angoissante car leur avancée est accompagnée d'une musique très particulière, à la limite de l'expérimental, conférant un aspect cauchemardesque au métrage.
Souffrant d'un transfert moyen, l'image n'est pas de la meilleure qualité. Elle est granuleuse et présente des tons verdâtres durant les scènes de nuit, c'est à dire pendant la moitié du film. Malgré des couleurs parfois fades, le manoir est bien mis en valeur, ses splendeurs formant un décor des plus sympathiques, aux tons parfois gothiques. Mais tout cela est à relativiser puisque le DVD américain arborait une image largement inférieure à tous les points de vue : contraste quasi inexistant, couleurs délavées... L'édition hollandaise ne fait guère mieux avec son transfert 4/3.
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Le son, par contre, n'a rien d'attirant. Difficile de vous conseiller. La piste française est très étouffée mais bien que la version italienne soit largement meilleure, les sous-titres sont en total décalage avec les dialogues, quand ils sont présents. Il est certain que les dialogues du film ne sont pas de la plus haute importance mais suivre le film ainsi génère une certaine confusion. Les éditions américaine et hollandaise ne proposaient quant à elles qu'un doublage anglais, guère meilleur, sans piste française ni sous-titrages dans notre langue. Notez que la piste anglaise est disponible sur le disque français mais camouflé discrètement (les sous-titrages sont d'ailleurs calés sur cette version qui ne devrait pas être là).
La section suppléments proposent les filmos du réalisateur et des acteurs principaux, ainsi que la fiche technique du film et une galerie de 16 photos sympathiques, certaines tirées du métrage, d'autres ayant servi comme photos d'exploitation. La bande-annonce de plus de trois minutes est bien dans l'esprit du film et en dévoile peut-être un peu trop. Par contre, les entretiens avec Mariangela Giordano et Gabriele Cristani (producteur) ne sont pas des plus passionnants. L'actrice a bien du mal à se souvenir de quoi que ce soit et s'égare un peu sur la fin en espérant que Mario Bava réalisera de nouveau des films… Le grand monsieur du giallo est décédé depuis plus de vingt ans, Mariangela ! Cristani est plus intéressant à écouter, surtout dans la deuxième partie de l'entrevue, mais n'a pas grand chose à apporter au métrage pour autant.
A noter que les suppléments du disque américain sont quasiment identiques. On y retrouve les deux interviews, donc reprises sur le disque français, mais la galerie présente, en plus des photos d'exploitations, différentes jaquettes de DVD et affiches. Un petit effort a été fait au niveau des effets de transition mais l'image est vraiment très mauvaise. Goodie amusant, il comportait une petite pelle sous blister, sans doute un gadget de presse. Quatre bandes annonces viennent compléter le disque américain : ZOMBIE HOLOCAUST, HOUSE ON THE EDGE OF THE PARK, SPASMO et EATEN ALIVE. Le DVD comporte également un dépliant avec une critique du film, une mini-bio d'Andrea Bianchi, de Mariangela Giordano et de Peter Bark, écrit par un spécialiste en matière d'horreur, Charles Avinger (professeur de littérature fantastique et accessoirement, critique sur dvdmaniacs.com).
L'esprit pessimiste du MANOIR DE LA TERREUR est conservé tout du long ce qui s'avère un plus. Le scénariste a certes pioché un peu partout mais ses touches originales donnent un résultat très appréciable pour les fans du genre, ainsi que les nostalgiques d'une époque presque révolue en matière d'effets spéciaux artisanaux.