Harcelée sur son téléphone portable pour avoir révélé publiquement un scandale pédophile, la journaliste Ji-Won change de numéro et s'isole dans la maison secondaire d'un couple d'amis. C'est alors que des évènements étranges se multiplient. Ji-Won est en prise avec de violentes apparitions, tandis que son portable ne cesse à nouveau de sonner, laissant entendre les bribes d'une voix d'outre-tombe. Plus grave encore, la petite fille du couple d'amis, Yeong-Ju, semble comme possédée et développe une relation amour-haine extrême avec son père. En décidant d'enquêter sur ces phénomènes, Ji-Won va mettre à jour le terrible secret unissant la maison et les différents protagonistes.
On vous avait déjà parlé du coréen PHONE à l'occasion de la critique du disque thaïlandais. Son réalisateur, Byeong-Ki Ahn, s'était déjà illustré avec le slasher fantomatique NIGHTMARE en 2000. Profitant de la vague post-RING, il tourne ce PHONE deux ans plus tard avec l'idée de transférer le support démoniaque (une cassette vidéo chez RING) sur un objet encore plus quotidien (le téléphone portable). Une idée qui portera ses fruits puisqu'elle sera reprise dans le thaïlandais 999-9999 de Peter Manus, ou encore le ONE MISSED CALL de Takashi Miike. Fidèle au genre, Byeong-Ki Ahn tournera un nouveau film de fantômes avec BUNSHINSABA, présenté au dernier festival de Gérardmer sous le titre INCANTATIONS et à la réputation peu flatteuse.
PHONE nous arrive en France avec quelques années de retard, à un moment où le spectateur en a plus que soupé du film de fantôme asiatique, figure surexploitée aux quatre coins de l'Asie puis repris à l'identique en occident. Si la qualité de ces films est majoritairement bonne, les ficelles (ou plutôt les cordages) mériteraient d'être un peu changées vues leur usure. Le point positif de PHONE est d'avoir justement anticipé ce phénomène d'assèchement de l'inspiration afin de nous proposer autre chose. Car si la première partie du film reste cantonnée dans les rivages du «bouh-fais-moi-peur» vu et revu, PHONE tente un mélange des genres astucieux par la suite, le tout achevé par un petit twist pour une fois bienvenu. Une recette qui n'a rien d'exceptionnelle mais, exécutée avec goût et inspiration, prodigue à ce PHONE un statut de très bonne surprise.
Passons donc sur cette première partie, (sur)faite d'apparitions éclairs associées à des bruitages surpuissants, où l'on ne sait plus si les sursauts occasionnés sont dû à la surprise horrifique ou aux quelques pourcentages d'auditions que nous perdons à chaque fois. Byeong-Ki Ahn joue comme il se doit avec nos nerfs en choisissant une collection de sonneries bien stridentes déclenchée à répétition (là où Takashi Miike choisissait le décalage avec les mélodies doucereuses sur les portables de ONE MISSED CALL), mais s'égare dans les sous-intrigues avec cette histoire de serial killer à laquelle on ne croit pas beaucoup. Heureusement, il se recentre fréquemment sur la petite Yeong-Ju, qui voit sa personnalité changer dans un mécanisme qui n'est pas sans rappeler l'enfant de FREDDY SORT DE LA NUIT de Wes Craven.
C'est lorsque que Ji-Won se lance dans l'enquête cherchant à expliciter les origines de la malédiction que le film décolle des sentiers battus. Un changement de cap narratif qui n'a rien de révolutionnaire en soi (repris de RING, il nous dirigera vers une conclusion à la HYPNOSE de David Koepp), mais qui va nous permettre de faire un détour vers le film dramatique, genre dans lequel les coréens excellent. L'identité du fantôme ne nous est pas cachée bien longtemps, et nous entrons de ce fait dans de longs flashbacks nous exposant clairement les ressorts du drame. Lycéenne éprise d'un homme mariée, Jin-Hie (le futur spectre) s'enferme peu à peu dans une relation passionnelle, avant de voir son monde s'écrouler en découvrant que cette passion n'est pas réciproque. A Ji-Won maintenant de découvrir comment Jin-Hie a pu périr et par qui, ce qui nous vaudra un sérieux lot de rebondissements qui assembleront méthodiquement toutes les pièces du puzzle.
Tributaire d'une vraie personnalité, PHONE devrait accrocher les blasés. Fort d'une mise en scène très soignée et d'une superbe photographie, le film est un spectacle des plus élégant. L'interprétation est également de haut niveau, mention spéciale à la très jeune Seo-Woo Eun. D'un personnage d'enfant possédé très casse gueule (Wes Craven en sait quelque chose), Byeong-Ki Ahn tire une performance admirable de sa petite interprète, cette dernière nous réservant les plus grands frissons du film (voir l'incroyable séquence de l'escalier). Enfin, la partie dramatique rythmée à «La Sonate au Clair de Lune» de Beethoven, et dont l'ambiance possède le parfum d'un MEMENTO MORI, achève de donner l'impulsion nécessaire à PHONE pour décoller de la nuée des RING-like.
Second film coréen pour HK Vidéo qui élargit donc un peu plus ses frontières en nous proposant un titre différent du cinéma chinois et japonais auquel on est plus habitué chez l'éditeur. L'image, au format et anamorphosée, est d'une qualité irréprochable. Un atout de taille pour un film aussi soigné photographiquement. Inutile de dire que le DVD thaïlandais ne fait aucunement le poids, lui qui proposait une image non anamorphosée et qui plus est étirée en largeur. Les pistes sonores sont elles aussi de véritables foudres de guerre en proposant un Dolby Digital 5.1 EX ou 6.1 DTS aussi bien pour la version originale que la version française. Sachant parfaitement utiliser le parti de la spatialisation, les pistes s'en donnent à coeur joie, et ce dès les logos de pré-générique. A noter que le doublage français fait preuve d'un réel effort en se montrant crédible et efficace.
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La copieuse section bonus promet l'intégralité de l'édition coréenne, pour le meilleur ou pour l'ennui. Premier arrêt, le commentaire audio de Byeong-Ki Ahn. Prenant l'exercice au sérieux, le réalisateur se fend d'une intervention nourrie, alternant cours magistral sur le fonctionnement interne d'un film d'horreur et anecdotes sur son propre film. Très didactique, l'homme parvient à développer un discours pointu mais jamais élitiste. Une vraie leçon de cinéma à la maison, où règne également l'humilité car les défauts du film sont impitoyablement commentés. Un excellent bonus, de loin le meilleur de cette édition.
Engouffrons-nous ensuite dans les reportages de fabrication du film, morcelés selon le contenu abordé. Le module «Making Of» nous place sans ménagement à même le plateau de tournage. Sur trois quarts d'heure, nous assistons sans la moindre aide informative (c'est-à-dire sans voix-off ou interventions extérieures) aux prises de vues de certaines séquences. Inutile de préciser qu'il faut s'intéresser de près à la fabrication d'un film et avoir quelques clés quant au travail sur un plateau de cinéma pour ne pas voir poindre l'ennui devant une équipe entière s'affairant à son poste respectif.
«Les Coulisses» donne un peu plus de chaleur au tournage car il compile sur quelques minutes des moments de vie et de détente des membres de l'équipe. Le module dresse un portrait très attachant de chacun, et surtout de la petite Seo-Woo Eun qui sait se montrer très amusante. Un rapide détour par la section maquillage et décor afin de consacrer un nouveau module à la mise en place de l'antichambre du fantôme, puis il est déjà temps de voir tout le monde se dire au revoir au travers d'un dernier et très dispensable reportage.
Une section Interviews va tenter de rattraper le manque d'interventions sur les documentaires précédents. Malheureusement, les propos se montrent bien trop superficiels. On retiendra à ce titre l'incroyable intervention de Wu-Je Choi (le comédien jouant le mari), incroyable car ce dernier ne dit juste rien du tout ! Plus intéressantes sont les scènes commentées par la jeune Seo-Woo Eun décidément très mise en avant dans ces bonus. Avec ses mots, la petite comédienne revient sur son expérience devant une sélection de séquences tirées du film, et dresse le portrait en creux du fabuleux travail de direction effectué sur son personnage. Un nouveau module nommé «Anecdotes» tente de nous donner la chair de poule puisque les deux interprètes principales nous racontent des histoires étranges survenues lors de la production. On suit l'ensemble d'une oreille distraite. Plus proches du film, deux scènes coupées anecdotiques sont présentes. A noter que ces dernières sont reconstituées depuis la caméra de Making Of, ce qui n'aide pas à juger de leur apport narratif. Enfin, une archive de bandes-annonces de PHONE ainsi que des autres titres de l'éditeur referment la section.
Arrivant sur le marché français avec un peu de retard, PHONE se retrouve un peu perdu au milieu de tous les ersatz de l'horreur asiatique. Il n'en constitue pas moins un spectacle prioritaire chez les amateurs de fantômes aux longs cheveux noirs. L'édition zone 2 du titre s'avère extrêmement complète, même si l'on regrette l'interactivité un peu fouillie du disque. En lieu et place de nombreux petits modules compartimentés, on aurait préféré un grand reportage centralisant les différentes sections afin de mélanger images de tournage, interviews, moments de vie. Un bémol à mettre au compte de l'édition coréenne du titre, qui est reprise dans l'intégralité de son contenu.