Tourné en onze jours au Texas en même temps que BEYOND THE TIME BARRIER et avec la même équipe technique, cet incroyable homme transparent est parmi les derniers efforts B d'Edgar George Ulmer. A l'instar de Curt Siodmak (dont il coréalisa MENSCHEN AM SONNTAG en 1930), il fuit l'Allemagne nazie en 1933 afin de rejoindre les USA. Après son très réussi THE BLACK CAT en 1934, il enchaîna alors à partir des années 40 une multitude de séries B au sein du studio B le plus fauché de l'époque, PRC. ll lui donna son chef d'oeuvre du film noir, DETOUR en 1945. On note aussi une adaptation réussie de BLUEBEARD en 1944 et un curieux STRANGE ILLUSION l'année suivante. Son film de science-fiction THE MAN FROM PLANET X est un des rares exemples d'extra-terrestre venant sur terre par erreur et devenant agressif car poussé à la violence par les humains.
Un fameux cambrioleur de coffre fort s'évade de prison. Aidé en cela par une complice, il tombe en réalité entre les mains d'un homme souhaitant lui faire expérimenter un rayon d'invisibilité mis au point par un savant. De cette histoire abracadabrante ressort un sentiment mitigé. Tout d'abord la volonté de cet homme qui pense seulement à cambrioler des banques grâce à une armée invisible… quel pitch ! Et à côté de cela, le scénario développe des idées plus qu'intéressantes (le héros s'appelle Faust) et audacieuses pour un tel film. Ainsi le savant ayant mis au point ce procédé d'invisibilité se révèle être un scientifique qui a fui l'Allemagne, survivant des camps de concentration où il fut contraint de mener des expérimentations sur des prisonniers. Et il se retrouve victime d'un chantage : sa fille est retenue prisonnière par son nouveau bourreau.
Ce sujet grave se retrouve hélas noyé dans une histoire difficilement crédible et dans un budget pauvrissime qui ne parvient pas à faire oublier son origine B. Les décors paraissent eux aussi bien pauvres en imagination. Le laboratoire est celui qui montre le plus le manque de moyens. Une couchette, trois lumières, un rayon qui se déplace sur roulettes et un toit en taule. Même la pièce supposée protéger de la radioactivité reste décatie. En plus, l'expérience n'intervient qu'à la moitié du métrage. Néanmoins, la fin du film se permet une questionnement abrupt lorsque le scientifique s'adresse à la caméra et au spectateur. Il adopte un point de vue résolument contre la guerre et l'arme nucléaire. THE AMAZING TRANSPARENT MAN clôture ainsi de manière sombre une décennie de films dérivés de la force nucléaire et de ses effets sur la nature.
Côté mise en scène, Ulmer fait ce qu'il peut mais le résultat demeure bien piètre. Son flair visuel qui fit merveille dans DETOUR ne transparaît que par courts instants. Ainsi des prises de vue en grand angle de la maison où se déroulent les expériences, avec une tentative de mise en perspective afin de créer une profondeur de champ qui désespère d'exister le reste du temps. La mise en scène se veut resserrée, tout comme le montage –le film se boucle en moins d'une heure- tentant de se focaliser sur l'essentiel. Il s'agit de la seconde partie qui demeure la plus intéressante, débarrassée des interminables bavardages remplissant la première demi-heure. Les bagarres sont réglées assez pitoyablement et l'étroitesse des décors ne permet qu'une chorégraphie simpliste de l'action. On se dit que la médiocrité du scénario empêche Ulmer de montrer un quelconque intérêt à cette invraisemblable vérité. Il se révèlera plus prolixe sur BEYOND THE TIME BARRIER. De plus, le film comporte quelques stock-shots d'explosion atomique et diverses recherches d'équipes scientifiques sur le terrain après-coup qui tentent vaille que vaille de raccrocher au wagon.
Les effets spéciaux restent au diapason du film : discrets, courts et bancals. C'est le grand Jack Pierce aux maquillages mais on ne le voit que peu s'exprimer à l'écran. Il fut également responsable de ceux sur BEYOND THE TIME BARRIER… Là aussi, c'est une certaine dégringolade, à la fin de sa carrière, pour celui qui créa les maquillages du FRANKENSTEIN de James Whale, celui de Boris Karloff pour UNE SOIREE ETRANGE et le maquilleur attitré de toutes les productions fantastiques et Horreur d'Universal ! La scène de cambriolage du plutonium est à ce titre à peine passable, avec deux misérables gardes mimant péniblement l'attaque de l'homme transparent
THE AMAZING TRANSPARENT MAN est d'abord sorti chez Roan Group en double programme avec THE INDESTRUCTIBLE MAN. Puis, les droits étant tombés dans le domaine public, en version seule chez Alpha Video. Il refait surface de temps à autres chez Gotham, ici chez Intercontinental. De son côté, MGM Home Video l'a ressorti avec une superbe jaquette dans sa collection Midnight Movies mais seulement en VHS pour l'instant.
La copie présente est en version Widescreen 1.85 et avec un transfert 16/9eme ! La jaquette du film omet totalement cette précision de taille, tout comme elle indique une durée de 57 minutes (il s'agit en fait de 58). L'éditeur a d'ailleurs aussi oublié d'enlever la référence d'achat des droits du master «buyfootage.com», qui apparaît au début du générique, tout comme les barres de couleur. Cette copie garde un léger flou le long du métrage, sans compter le grain et la présence de griffures régulières. Pour couronner le tout, la copie souffre d'un manque de luminosité de manière générale. Le réglage de la télévision (ou du moniteur) peut apporter une correction qui n'est cependant pas miraculeuse. La piste sonore mono anglaise d'origine est encodée sur deux canaux (et sans sous-titre). De qualité moyenne malgré un peu de souffle et des dialogues parfois inaudibles, elle reste tout à fait acceptable. Le seul bonus présent, hormis un chapitrage en six parties, reste le second film proposé sur ce même DVD, BRIDE OF THE GORILLA.
THE AMAZING TRANSPARENT MAN est donc un film mineur dans la filmographie riche d'Edgar George Ulmer. Il s'agit d'une véritable série B, tournée à l'énergie et à l'économie mais restant malheureusement à quai faute d'un scénario crédible et d'une mise en scène développée. Il sera intéressant de coupler la vision de ce DVD au documentaire autrichien récemment réalisé en 2004 par Michael Palm, EDGAR G. ULMER, THE MAN OFF SCREEN. Y interviennent des artistes comme Peter Bogdanovich, Roger Corman, John Saxon, Ann Savage mais également sa fille Ariane Ulmer. Il faut cependant chérir un des derniers témoins du savoir-faire B du cinéma américain des années 50, qui plus est dans une version en format original et en 16/9eme…