Miles et ses parents sont sur la route qui les mène vers une maison isolée où ils vont pouvoir passer quelques jours à la montagne. En chemin, la voiture percute un cerf ce qui va modifier l'issue de leur week-end…
Larry Fessenden est un touche à tout puisqu'en dehors de ses activités de réalisateur, il s'occupe aussi d'écrire des scénarios et de produire des films, des documentaires ou des albums musicaux. Il existe même une bande dessinée faite avant le tournage de WENDIGO, et mise en image par Brahm Revel, qui a servi de story-board pour le film. Sans oublier qu'à l'origine, Larry Fessenden se destinait au métier d'acteur même si, bien vite, il se met à triturer une caméra pour mettre en boîte quelques courts-métrages. Il apparaît donc dans divers films qui ne sont pas de lui comme A TOMBEAU OUVERT de Martin Scorsese ou SESSION 9 de Brad Anderson. Au début des années 90, il tourne NO TELLING qui est, à présent, considéré comme le premier film d'une trilogie où le réalisateur revisite les mythes du cinéma fantastique. Il adapte donc le savant et sa création avec NO TELLING suivi d'une histoire de vampires qu'il tournera en 1996 sous le titre de HABIT. Avec WENDIGO, il clôt sa trilogie en abordant un mythe indien ce qui lui permet assez vaguement d'aborder le sujet de la lycanthropie. Personnage aux multiples casquettes, Larry Fessenden a déjà dans ses cartons le projet d'un dessin animé pour la télévision d'après WENDIGO et un autre film d'horreur qui prendrait place dans les glaces de l'Arctique. Les deux étant, comme ses précédents films, produit par Glass Eye Pix, sa maison de production.
Respectueux du genre, Larry Fessenden ne prend pas pour autant le parti de faire du cinéma d'épouvante ou d'horreur en suivant les recettes éprouvées. Au contraire, il prend en main les mythes et les adapte de manière à les intégrer à notre quotidien. Dans le cas de WENDIGO, l'argument fantastique pourrait être totalement évacué sans que cela ne vienne en bouleverser dramatiquement l'intrigue. Et pour cause, la présence d'une créature mythique, le Wendigo, n'est pas clairement définie comme réelle et pourrait n'être issue que de l'imagination d'un enfant. Et même si la créature semble au final prendre parti dans l'histoire, rien n'empêche encore de voir cela comme un fantasme de la réalité.
Avant tout, WENDIGO dresse le portrait très réaliste d'une cellule familiale composée du père, de la mère et d'un petit garçon. La première partie du film se borne à dessiner leurs relations alors qu'ils sont sur le chemin d'une maison isolée où ils vont pouvoir se retrouver ensemble pour le week-end. Le voyage ne se fait pas sans heurts puisque, à peine arrivés, ils ont un accident de voiture, suivi d'une prise de contact assez houleuse avec des chasseurs du voisinage. A partir de cet incident, l'engrenage d'un drame horrible est en place sans même qu'une créature poilue se soit montrée !
Basé essentiellement sur ses personnages, WENDIGO se devait d'être porté par des acteurs de talent. Erik Per Sullivan, l'enfant, donne à son personnage un ton grave et limite déprimant qui lui sied bien. Le père de famille est interprété par Jake Weber, devenu depuis l'un des personnages les plus attachants de L'ARMEE DES MORTS. Il réussit sans peine à endosser le rôle d'un père. L'alchimie est donc réussie dans toutes les séquences entre l'enfant, le père et la mère (Patricia Clarkson).
Le premier contact de Larry Fessenden avec le Wendigo date de son enfance. Andrew Maclaren, l'un de ses professeurs, racontait des histoires destinées à impressionner les enfants. C'est aussi certainement pourquoi le nom de la famille du film est «Maclaren». Parmi toutes ces histoires, le cinéaste aura conservé pendant longtemps en mémoire celle du Wendigo. De fait, si Larry Fessenden réussit aussi bien à retranscrire dans son film les peurs et croyances enfantines, c'est sûrement parce qu'il puise dans ses propres souvenirs. L'enfant du film interprète à sa façon ce qu'il ne comprend pas ou les événements horribles. Parfois, le monde des adultes semble très étrange pour un petit enfant comme on le constate lors d'une séquence au petit-déjeuner où le père et la mère s'entretiennent d'une histoire d'adultère avec des mots assez crus, ce qui perturbe le garçon, qui affiche un air déconcerté.
Quelques passages se raccrochent encore à la construction du cinéma d'épouvante comme le personnage indien qui introduit l'histoire du Wendigo auprès du petit garçon avant de disparaître mystérieusement. Mais WENDIGO se refuse aux effets faciles ou à la narration d'une histoire balisée. A l'évidence, le film de Larry Fessenden ne s'oriente pas vers le cinéma horrifique commercial mais penche plutôt pour une vision plus intimiste et fantasmagorique du genre. Le rythme lent devrait finir par achever ceux qui seraient dans l'attente d'un carnage ou d'une impressionnante créature. WENDIGO ne s'adresse de toute façon pas à eux et il séduira par son ambiance les spectateurs curieux de découvrir une oeuvre plus intelligente et réfléchie.
Parler de l'image de WENDIGO est assez difficile dans le sens où les choix relatifs aux techniques de tournage se ressentiront pour certains comme des défauts sur le rendu final. En mêlant les prises de vues sur pellicule (Super 8 et 16mm) et en DV, un grain très visible se fait sentir et la définition n'est pas toujours sur un même pied d'égalité en fonction des scènes. Les tons sont extrêmement sombres ce qui donne au film un air encore plus énigmatique mais pose quelques soucis dans les scènes nocturnes. A un point que l'on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un véritable défaut du disque. Il semble cependant que ce ne soit pas le cas.
Bien que les deux pistes sonores soient en stéréo surround, seule la piste française sera reconnue en «surround» par votre ampli. Néanmoins, rien ne vous empêche de commuter manuellement pour décoder la piste stéréo anglaise et tirer parti de son mixage sonore. Les deux pistes offrent une belle dynamique et l'on notera essentiellement un doublage français artistiquement peu convaincant en comparaison de la version originale. Notons aussi que certaines éditions sorties à travers le monde bénéficient d'un mixage en Dolby Digital 5.1 en plus de la piste en stéréo surround. Ces mixages ont sûrement été réalisés spécialement pour ces DVD car le film n'a apparemment pas bénéficié d'un mixage 5.1 à l'origine.
Première constatation à propos des suppléments, le commentaire audio de Larry Fessenden présent sur certaines éditions DVD sorties à travers le monde ne se trouve pas sur le disque français. On retrouve donc le documentaire réalisé par Larry Fessenden concernant le tournage du film. Il s'agit d'un montage de séquences de tournage, de planches de la bande dessinée, de dessins de préparation, d'extraits du film ou de bribes de scènes coupées sans véritables explications. On peut donc assister à la confection du Wendigo ainsi qu'au tournage avec seulement le son des intervenants au travail ou bien encore à l'enregistrement de la musique. Aucun sous-titrage ne s'affiche quand chacune des personnes s'exprime et la seule traduction se limite aux intertitres (et encore pas tous !). Sur la longueur, ce documentaire ressemble plus au souvenir d'une aventure avec toute l'équipe rassemblée sur le tournage qu'à un véritable «Making of» institutionnel.
La fin alternative est, elle aussi, dénuée de tout sous-titrage. Il est vrai qu'elle ne change pas grand-chose par rapport à celle présentée dans le film lui-même. Heureusement, l'interview de Larry Fessenden offre un sous-titrage français même si quelques parties de ses explications se voient oubliées par la traduction. Le cinéaste s'explique sur ses motivations cinématographiques et parle de ce qu'il a voulu faire concernant WENDIGO. Une interview qui complète assez bien le documentaire dans le sens où les deux ont des approches très différentes. Pas de galerie de photos (avec la bande dessinée), ce qui apparaissait pourtant en fonction des éditions DVD mais les suppléments se terminent tout de même par la bande-annonce de WENDIGO ainsi que celle de la série télévisée LES MYTHES URBAINS. Les Allemands de MC One avaient eu la bonne idée de placer les bandes-annonces de NO TELLING et HABIT ce qui aurait pu aussi être une façon pour l'éditeur français d'en montrer un peu plus concernant le travail de Larry Fessenden.
L'édition française n'est peut-être pas la plus complète sortie à ce jour mais elle donne la possibilité de découvrir WENDIGO dans des conditions satisfaisantes et avec un sous-titrage ainsi qu'un doublage français. Ces deux dernières options sont assurément un plus pour ceux qui se laisseront tenter par l'envoûtant film de Larry Fessenden.