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Critique du film et du DVD Zone 1
STACY 2001

 

Dans le monde entier, toutes les jeunes filles âgées entre 15 et 17 ans décèdent spontanément avant de se relever en l'état de zombie. A l'approche de cette mystérieuse mort, les adolescentes sont prises d'une curieuse crise d'euphorie et de bien être. On surnomme cet état le Near Death Happiness («le bonheur pré-décès»), tandis que les jeunes mortes-vivantes sont appelées des «Stacies» (au singulier Stacy). Un commando d'élite prenant d'assaut une école de jeunes filles en pleine mutation, un sculpteur nouant une relation mélancolique avec une adolescente marquée par le NDH, un scientifique charcutant des Stacies à la recherche de réponses… Autant de personnages qui découvriront malgré eux que le véritable but de ces zombies au féminin n'est pas uniquement de mâchouiller de la chair fraîche !

Si les piliers du film de morts-vivants sont définitivement en occident, aux Etats-Unis avec Georges Romero et en Italie avec Lucio Fulci, l'Asie et surtout le Japon se sont fendus de quelques efforts courageux dans le sous-genre. Mixé avec le film d'action dans VERSUS de Ryuhei Kitamura, avec le film de gangster dans JUNK de Atsushi Muroga, ou encore le rock en roll le plus déjanté avec WILD ZERO de Tetsuro Takeuchi, le zombie nippon nous a jusqu'alors habitué a des variations culottées et parfois radicales. STACY s'inscrit totalement dans cet état d'esprit iconoclaste en proposant pour sa part un crossover entre morts-vivants et drame romantique !

Naoyuki Tomomatsu débute sa carrière de metteur en scène en 1997 avec EAT THE SCHOOL GIRL : OSAKA TELEPHONE CLUB, un petit thriller horrifico-érotique. Il enchaîne alors avec une série de métrages pornographiques avant de retourner en 2001 au cinéma plus traditionnel avec STACY – Si tant et si bien que l'on puisse considérer ce film comme du cinéma traditionnel. Tourné pour le marché du V-Cinema nippon, le marché vidéo local, le film est l'adaptation à tout petit budget d'une série de trois nouvelles de l'écrivain Kenji Otsuki (également connu pour sa carrière de musicien dans le groupe rock Kinniku Shojotai).

A première vue, STACY (sous titré ATTACK OF THE SCHOOL GIRL ZOMBIES) a tout du délire parodique ultra gore et pas bien raisonnable. Le ton est au départ très léger, le rouge coule à flot via des effets spéciaux réussis mais volontairement vintages, la vision du mort-vivant est ici tout ce qu'il y a de plus caricatural (et en totale opposition avec les essais plus cru comme 28 JOURS PLUS TARD de Danny Boyle ou L'ARMEE DES MORTS de Zack Snyder), tandis que les clins d'oeil et les pics parodiques fusent. Pour limiter l'avancée des Stacies, il est demandé aux familles de tuer elles-mêmes leurs filles entrant dans la phase de Near Death Happiness. La méthode conseillée par un savant, réplique du Docteur Logan du JOUR DES MORTS-VIVANTS de Georges Romero, est de découper les jeunes filles en 165 morceaux afin de rendre leur future réanimation zombiesque inoffensive (une réminiscence d'EVIL DEAD de Sam Raimi, où la méthode pour tuer les monstres possédés était de les démembrer puis d'éparpiller les fragments aux quatre coins de la pièce).

Le saucissonnage humain nécessitant du matériel adéquat, une chaîne de télé-achat animée par une présentatrice en costume de lapin blanc propose aux particuliers l'outil indispensable pour bien trancher les membres de sa Stacy en devenir : la «Blues Campbell's Right Hand 2» ! Il s'agit d'une tronçonneuse dont le manche en creux permet d'y engouffrer sa main pour une meilleure ergonomie (on aura compris la grosse référence à EVIL DEAD 2). Pour veiller au bon déroulement des opérations et recadrer les débordements, une unité militaire spéciale est assignée à l'éradication des Stacies : la «Romero Repeat Kill Troop» ! Ce qui nous amènera à ce que nous pensions le sommet du film, un affrontement absurde et sanguinolent entre faction armée et zombies en uniforme dans une école de jeunes filles (la trame du siège étant une fois de plus très référencée au JOUR DES MORTS-VIVANTS).

Tandis que le texte original de Kenji Otsuki versait dans le sérieux et l'horreur adulte (à l'instar des RING littéraires de Koji Suzuki), le STACY de cinéma a tout d'une comédie branque, ou d'un démastiquage bidochard du premier clip de Britney Spears où la belle (?) reprenait les préceptes du Lolita Complex japonais en jouant les minauderies sexy en uniforme d'écolière. L'intérêt de STACY n'est pourtant pas là mais dans sa totale rupture de ton qui, s'il elle n'éclipse pas totalement l'élément comique, met le film sur les rails inattendus du sentimentalisme mélancolique. Un parti pris très étonnant qui perdra à n'en point douter beaucoup de monde en route.

Ce changement de registre est amené par l'histoire parallèle de Eiko (Natsuki Kato, vue depuis dans BATTLE ROYALE 2), une adolescente tout juste frappée par le Near Death Happiness. Cette dernière, euphorique, se met en quête d'un homme qui saura l'aimer afin de périr entre ses mains. La love story qui s'ensuivra avec un sculpteur donne immédiatement une teinte délétère au film, cette ambiance étant relayé par la très émouvante mélodie au piano qui sert de leitmotiv musical au film. L'amour naissant, et parfaitement platonique, se fait immédiatement tragique car condamné à très court terme par la mort prochaine de Eiko. Dans sa joie irréfrénable, cette dernière ne peut envisager sa disparition que dans le rire et la légèreté, offrant de ce fait une vision de la mort très touchante dans sa sérénité «maladive».

Il est très étonnant de trouver un tel discours au beau milieu de ce festival gore et parodique, d'autant que le sentimentalisme initié par Eiko va contaminer l'action principale du film, soit l'assaut des forces armée dans l'école. Naoyuki Tomomatsu adapte ici ses propres expériences personnelles et colle sur STACY sa propre mélancolie amoureuse (et un certain sens du fétichisme, avouons-le), quand bien même le résultat puisse paraître antinomique. Le final, point d'orgue de ce parti pris, noie le touchant sous le sanguinolent dans un mélange de genre naïf et magnifique car parfaitement suicidaire.

STACY est donc une surprise quelque peu unique en son genre, exigeant une ouverture d'esprit particulièrement large pour parvenir à faire le lien entre ces deux extrêmes. Il faudra également au spectateur une certaine tolérance quant aux moyens engagés sur ce métrage. Le budget, que l'on imagine très faible, restreint l'impact de certaines scènes (essentiellement les séquences d'action dans l'école). Tourné directement en vidéo, le film ne cherche nullement à dissimuler ses origines numériques via des subterfuges communément utilisés sur ce genre de produit (comme le désentrelacement des images pour casser la fluidité du rendu vidéo, ou encore l'ajout artificiel de grain pour simuler la texture photographique de l'image cinéma).

Enfin, si l'interprétation est dans son ensemble de bonne facture (on reconnaît ici et là quelques têtes connues : Shungiku Uchida alias la mère dans VISITOR Q de Takashi Miike, Yasutaka Tsutsui alias le père dans GEMINI de Shinya Tsukamoto), certains personnages sont moins convaincants à l'instar de la jolie Eiko. Rien cependant qui ne puisse atténuer trop fortement la force d'originalité de STACY, chaudement recommandé à tous les curieux du cinéma «autre».

C'est l'éditeur américain Synapse Films qui se charge de nous faire découvrir STACY grâce à des sous-titres anglais (une édition japonaise était déjà disponible, hélas sans possibilité de compréhension pour le spectateur occidental). Vidéo numérique oblige, l'image ne souffre d'aucun défaut et la compression s'avère tout ce qu'il y a de plus satisfaisante (à noter que le film propose un format en 1.78:1). La piste sonore unique est le stéréo d'origine, parfaitement efficace pour ce genre de film. Les bonus sont plutôt légers, à savoir une bande-annonce et des notes éclairées de Patrick Macias (auteur du livre TokyoScope : The Japanese Cult Film Companion) inclues dans un fascicule papier à l'intérieur du boîtier. Pas de trace du petit Making Of présent sur l'édition japonaise, dommage.

A qui s'adresse un film comme STACY ? Aux fans de films de zombies ? Aux dingues de la parodie trash et irrévérencieuse ? Aux amoureux des jolies bluettes douces et naïves ? Si aimer chacune de ces trois influences n'a rien d'extraordinaire, les apprécier à l'intérieur d'un même et unique film relève de l'expérience pure et simple. En attendant le jour où Georges Romero, Mel Brooks et Shunji Iwai décideront de s'associer à la réalisation d'un film commun, nous avons ce précieux STACY à nous mettre sous la rétine. Ami du film OVNI, bonsoir !

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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Un mélange de genre à la fois génial et improbable.
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Quelques faiblesses trahissant des origines très modestes.
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L'édition vidéo
STACY DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Synapse
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h20
Image
1.78 (16/9)
Audio
Japanese Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Bande-annonce
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