PLAN 9 FROM OUTER SPACE : plus qu'un film, une légende ! En effet, voici une oeuvre qui, à plus d'un titre, est devenue mythique. D'abord, pour tous les amateurs de fantastique américain, elle accompagne un événement d'une grande tristesse : il s'agit du dernier film dans lequel joue le grand acteur hongrois Bela Lugosi, inoubliable incarnation du comte DRACULA. Depuis DEUX NIGAUDS CONTRE FRANKENSTEIN, production Universal de 1948, il s'était fait rare sur les écrans. Après ce titre penchant, par moment, vers le burlesque, il se voit cantonné dans des productions à tendance comique, telles que MOTHER RILEY MEETS THE VAMPIRE (réalisé au Royaume-Uni par John Gilling, futur grand nom du cinéma fantastique anglais) et BELA LUGOSI MEETS A BROOKLYN GORILLA de William Beaudine. Plus personne ne prend Bela Lugosi au sérieux !
Il se lie pourtant d'amitié avec Edward D. Wood Jr., un réalisateur passionné par les grands classiques de l'horreur américaine des années 1930. Ce jeune metteur en scène fait tourner le vétéran de l'épouvante dans son premier long métrage, GLEN OR GLENDA, titre s'intéressant au destin d'un travesti. Si Ed Wood est un ami fidèle de Lugosi dans ses derniers jours, il se montre aussi un réalisateur maladroit, peinant à rassembler un financement décent pour ses longs métrages, et travaillant dans des conditions relevant du plus pur amateurisme. Ses œuvres ne sont pas à même de réellement relancer la carrière de Bela Lugosi, auquel il confie le rôle principal dans LA FIANCEE DU MONSTRE, en 1955, lequel se veut un hommage aux films de savants fous des années 1930-40.
En coulisse, Bela mène un combat contre la dépendance à la drogue, dépendance qui le ronge gravement depuis les années 1940. Avec l'aide de son épouse Lilian, il parvient à décrocher une première fois, mais, celle-ci le quittant en 1953, l'acteur, se retrouve seul et retombe dans la drogue. En 1955, il commence volontairement une cure de désintoxication dont il sort triomphant. Il faut alors se remettre au travail. Il tient un petit rôle - muet - dans le film d'épouvante THE BLACK SLEEP de Reginald Le Borg (titré LES MONSTRES SE REVOLTENT en Belgique), aux côtés de Basil Rathbone, John Carradine, Lon Chaney Jr. et Tor Johnson.
Puis, Ed Wood fait tourner quelques plans à Lugosi, en vue d'un nouveau projet. Le metteur en scène est pris au dépourvu par un événement tragique : Bela Lugosi meurt à son domicile, suite à un arrêt cardiaque, le 16 août 1956. Il est ensuite enterré avec sa cape de Dracula. Son épouse d'alors affirme que cela correspond à ses dernières volontés. Il s'agissait, bien entendu, d'une façon théâtrale de partir vers l'au-delà paré des atours de son plus grand rôle, et non le résultat d'une identification à ce personnage vampirique.
Pour le reste du monde, la vie continue ! Ed Wood tourne alors un film qu'il compte appelé GRAVE ROBBERS FROM OUTER SPACE (il sera rebaptisé plus tard PLAN 9 FROM OUTER SPACE), financé par une congrégation religieuse baptiste ! Le personnage que Lugosi incarne dans les quelques images enregistrées avant sa mort sera désormais incarné par un autre comédien. Celui-ci est si peu ressemblant qu'il doit dissimuler constamment son visage derrière sa cape. On trouve encore, à l'écran des personnalités hautes en couleurs, telles que Criswell, un homme qui se disait doué du pouvoir de lire l'avenir.
Ed Wood parvient aussi à obtenir la présence de Vampira, Maila Syrjanieme Nurmi de son vrai nom. Née en Finlande, celle-ci s'est fait connaître en présentant à la télévision des films d'épouvante de façon à la fois macabre et amusante. Elle inaugure ainsi la tradition très américaine de l'"Horror Host", dont la plus célèbre représentante est sans doute Elvira (Cassandra Peterson). En France, nous avons eu, dans les années 1980, un échantillon de ce genre de programmes à travers l'émission de Sangria sur La 5. Mais revenons en 1956, époque à laquelle Vampira n'anime plus son show télévisé et accepte, à contrecœur, de jouer dans le film d'Ed Wood… à condition que son rôle soit muet ! De plus, nous retrouvons Tor Johnson, catcheur suédois dont la présence massive avait déjà agrémenté LA FIANCEE DU MONSTRE.
Des extra-terrestres veulent détruire l'humanité, qu'ils jugent dangereuse pour les autres formes de vie de l'univers. Pour ce faire, ils mettent en œuvre leur terrible "Plan 9", lequel consiste à ramener à la vie des morts et à utiliser ces zombies comme une armée d'esclaves tueurs. Ces envahisseurs commencent par s'échauffer dans un petit cimetière d'Hollywood, où ils redonnent vie à trois défunts : un vieux savant, son épouse et un inspecteur de police.
Le résumé ci-dessus est en fait une remise à plat d'éléments répartis un peu tout au long du métrage. En effet, celui-ci souffre, entre autres, d'un récit extrêmement confus ! PLAN 9 FROM OUTER SPACE jongle avec les genres sans faire preuve de beaucoup de cohérence. Nous retrouvons, à travers la présence de morts-vivants lugubres, des éléments provenant directement de l'épouvante gothique. Les morts sortent donc de leur tombes, le vieux savant et son épouse, une fois revenus d'entre les morts, évoquant même le comte Dracula et une de ses fiancées !
Mais, par ailleurs, cette invasion de soucoupes volantes planant au-dessus d'Hollywood nous rappelle aussi, coïncidence étonnante, LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT de Fred F. Sears, sorti aux Etats Unis quelques semaines avant le début du tournage de PLAN 9 FROM OUTER SPACE ! Quant aux extra-terrestres désireux d'en finir avec l'humanité, car celle-ci vient de mettre au point l'arme atomique, nous reconnaissons ici l'argument du classique LE JOUR OU LA TERRE S'ARRETA.
Quoi qu'on puisse reprocher à PLAN 9 FROM OUTER SPACE, il faut reconnaître que ses premières minutes sont indéniablement entraînantes. Alarmiste, Criswell commente une succession complètement folle de séquences délirantes. Son propos grandiloquent tente de cimenter, tant bien que mal, des images sans queue ni tête : Bela Lugosi erre dans son jardin, un pilote d'avion voit apparaître des OVNI, des policiers enquêtent sur des évènements étranges, des soucoupes volantes (peu convaincantes) survolent Hollywood, des extra-terrestres exposent confusément des plans d'invasion hasardeux… Le tout est évidemment parsemé d'une bonne quantité de stock shots en tout genre. On n'y comprend rien ! Néanmoins une folie sympathique plane sur cette entreprise…
Hélas, passé son premier tiers, PLAN NINE FROM OUTER SPACE finit par sombrer dans des bavardages lassants. L'extra-terrestre Eros nous explique ses plans en détail ou bien déclame, théâtralement, tout le mal qu'il pense de l'humanité. On s'ennuie fortement devant ce laborieux fatras de dialogues prétentieux et incohérents.
PLAN 9 FROM OUTER SPACE n'est pas le pire film du monde, c'est évident. Il n'en reste pas moins une œuvre très passable, parfois drôle, mais, surtout, souvent laborieuse et soporifique. Quoi qu'il en soit, Ed Wood aura bien du mal à le sortir puisqu'il faut attendre 1959 pour que le film soit distribué, dans une poignée de copies, aux USA.
Tout le monde le sait, et ce au moins depuis la sortie du magnifique ED WOOD de Tim Burton, PLAN 9 FROM OUTER SPACE est considéré par beaucoup comme "le pire film jamais fait". Cette réputation provient, en premier lieu, de l'ouvrage "The Golden Turkey Awards" des frères Michael et Harry Medved, lesquels font les premiers cette estimation critique. Cet honneur douteux relança la carrière du film, et celui-ci bénéficie, depuis, d'une réputation flatteuse auprès des amateurs d'œuvres bizarroïdes.
Aux USA, PLAN 9 FROM OUTER SPACE a connu plusieurs éditions de qualité, la plus réputée étant distribuée par Image (NTSC, multizone). Mais elle ne propose pas d'option francophone. En France, il sort chez Aventi, dans sa collection Bela Lugosi. Rappelons tout de même que l'acteur n'apparaît lui-même que dans quelques plans de ce film…
Si les autres films de cette collection proposent des double-programmes, regroupant deux films sur un DVD 9, Aventi a préféré, ici, consacré intégralement un tel disque double-couche à PLAN 9 FROM OUTER SPACE. La copie argentique d'origine semble de bonne qualité, les saletés étant plutôt rares (à part dans les stock shots) et le télécinéma de bonne qualité (image stable, bons contrastes…). Certes, l'image est légèrement floue, mais la compression est discrète et le résultat d'ensemble s'avère très correct.
De même, pour un film tourné dans des conditions précaires, la bande-son (mono d'origine encodée sur deux canaux) est très correcte et très propre. Le sous-titrage français, incorporé au signal vidéo, est inamovible. Le disque ne propose aucun supplément dédié au film, pas même la moindre petite biographie.
Cette édition de PLAN 9 FROM OUTER SPACE s'avère donc techniquement honnête, surtout au prix dérisoire auquel on peut se la procurer.