ZIMMER 13 (connu aussi sous le titre ROOM 13 lors de sa sortie au Royaume Uni) fait partie de la très longue série de Krimi adaptés entre 1959 et 1971 des romans d'Edgar Wallace. Ces «Krimi» sont à l'Allemagne ce que les Giallo sont à l'Italie (dont d'ailleurs le Giallo s'est inspiré pour la structure du suspense et la violence des meurtres).
Produits par la firme allemande Rialto Films, les films étaient tous tournés avec plus ou moins les mêmes acteurs (dont parfois un Klaus Kinski jeune et déjà abonné aux rôles tordus), la même équipe technique (dont Peter Thomas à la musique) et quelques réalisateurs réguliers (Alfred Vohrer, F.J Gottlieb, Harald Reinl...) .
Ici, la Chambre 13 est le théâtre, derrière sa porte secrète, de la mise en branle du hold-up d'un train par une bande de malfaiteurs. En dessous de cette chambre, un cabaret de strip-tease londonien plutôt bien fréquenté mais hélas… une série de meurtres au rasoir décime la population féminine… et un député au passé assez louche que semblait connaître le chef des malfaiteurs. Quel est le lien entre ces trois histoires ?
Réalisé par Harald Reinl (honnête artisan allemand sans grande envergure et responsable de plusieurs WINNETOU), le film suit de manière très prudente le style de narration imposé depuis le lancement des Krimi : une scène pré-générique avec un meurtre, installation des personnages, l'enquête et sa résolution. Rien de bien nouveau non plus dans le traitement et dans le jeu des acteurs. La réalisation paraît bien terne (comparée à celle, plus enjouée et moins dupe du sujet, d'Alfred Vohrer dans DER ZINKER ou DER HEXER) et se conforme au strict sens du suspense routinier. Ce que n'arrange pas non plus la narration, partagée entre le suspense du hold-up, la résolution des meurtres et le passé du député. Ne sachant ou ne voulant pas choisir quelle route prendre, elle finit dans une impasse. Cette hésitation fait ainsi capoter les trois histoires menées en parallèle. La profusion des rebondissements liée à l'incertitude du ton à adopter émousse l'intérêt du film.
L'histoire est ainsi très (trop ?) compliquée, comme dans l'ensemble des œuvres d'Edgar Wallace mais le réalisateur ne paraît pas ici savoir comment la rendre abordable. Ce mélange improbable de films de gangsters tentant le énième coup du siècle, de meurtres sanglants à une touche de fantastique (l'héroïne Karine Dor ressemble de manière étrange à sa mère assassinée vingt ans auparavant… serait-ce sa réincarnation ?), un enlèvement… tout semble porter à croire qu'on jette à la figure du spectateur un trop-plein d'événements pour le maintenir éveillé mais peut-être aussi pour masquer la médiocrité et la minceur du scénario.
D'ailleurs, la solution apportée aux meurtres reste accessoire. Révélée en fin de métrage, l'identité du criminel aura depuis longtemps été éventée à cause d'une mise en scène lourde et démonstrative, appuyant trop les effets. Ceci aura fini de prouver au spectateur la volonté de la mise en scène de se conformer à une formule éprouvée et son manque d'originalité.
Les seules originalités, il faut aller les chercher du côté de la musique. Plutôt swinguante (et bien qu'en phase avec son époque), elle se permet quelques digressions, notamment la reprise d'un morceau de Carmen de Georges Bizet (L'amour est enfant de bohème..) dans la scène du train postal attaqué. Curieux. Egalement, les bruitages musicaux rappellent le bruit du rasoir sifflant dans l'air avant de trancher sa victime. Ceci revient en leitmotiv pour rappeler le suspense ou l'imminence des meurtres. Le compositeur, Peter Thomas, travaillera sur plusieurs Krimi de la Rialto, entre DER BUCKILGE VON SOHO, DER HUND VON BLACKMOOR CASTLE, DER MANN MIT DEM GLASAUGE…
Du côté des acteurs, on retrouve Joachim Fuchsberger dans le rôle de l'inspecteur, toujours aussi décontracté. Karine Dor joue la demoiselle en détresse et l'inévitable Eddi Arent ressort son numéro de personnage à côté de la plaque. Mais ici, faute de direction d'acteur, il est laissé en roue libre. Jouant le rôle d'un médecin au service de Scotland Yard, sorte de professeur Tournesol teuton, il semble amoureux d'un mannequin qui lui sert de test à ses expériences d'explosions diverses et d'appât pour la scène finale. Eddi Arent demeure un acteur récurrent dans les Krimi. Tantôt majordome dans DER HEXER ou dans DIE TUR MIT DEN 7 SCHLOSSERN, inspecteur dans DER SCHWARZE ABT… il apporte une touche de burlesque dans les scènes de mystère et de violence.
La violence, souvent hors écran, apparaît néanmoins dans les scènes les plus inutiles du film… Mais curieusement les plus titillantes du métrage. Elle est tournée vers les personnages féminins (ce qui deviendra d'ailleurs une marque de fabrique des Gialli) et la plupart du temps des filles de mauvaise vie, si possible un peu dénudées. Ainsi une strip-teaseuse peu effarouchée finit égorgée derrière son paravent, donnant un geyser de sang jaillissant de sa gorge. Le film est ainsi rythmé de manière aléatoire et sans intérêt pour le récit par des numéros de strip-tease qui ont du paraître risqués à l'époque mais bien sûr inoffensifs aujourd'hui. La femme n'y est d'ailleurs que comme objet de désir ou de violence. Ainsi cette profusion de scènes avec des mannequins, sans compter celui que vénère Eddi Arent, que l'on retrouve le long du film viennent renforcer ce comportement phallocrate et misogyne de la part du scénario, du metteur en scène et par ricochet des personnages masculins.
Comme pour beaucoup des Krimi de 1959 à 1965 réédités en DVD, la copie ZIMMER 13 souffre d'un léger flou et d'une surexposition quasi permanente. Quelques griffures lors du générique de début (qui est parfois flou lui aussi) et des aspérités notables lors des changements de bobine donnent un aspect général moyen à ce transfert. Tourné en Ultrascope (une lentille anamorphique italienne très populaire en Allemagne de l'Ouest dans les années 60) et en Noir et Blanc, il bénéficie d'un transfert 16/9ème acceptable. Mais la plupart des scènes qui tentent de jouer avec des effets de lumières sur les visages ou de rendre un aspect gothique à l'atmosphère donnent elles aussi dans la surexposition. Elle rend presque difficile la lecture de quelques sous-titres. Ce qui contraste avec la qualité de certains très gros plans (notamment celui de Karine Dor, 80mn).
Le DVD offre deux pistes sonores en mono 2.0, allemande d'origine et un doublage anglais. Des sous-titres allemands et anglais sont également disponibles. Cette présence de version et sous-titrages rendent abordable la vision de cette œuvre par un plus grand nombre (ils se retrouvent sur la majeure partie des Krimi réédités). En outre, le menu animé, avec en fond le générique de début, répète un schéma de présentation qui est le même dans tous les DVD des Krimi réédités pour la circonstance.
On peut également trouver ZIMMER 13 dans le quatrième coffret EDGAR WALLACE édité par Universum films (avec DER HEXER, DER SCHWARZE ABT et DAS INDISCHE TUCH). Hormis ces quatre oeuvres, le coffret offre un livret de 24 pages sur les quatre films : photos et affichettes d'époques, textes originaux… Le tout est hélas seulement en allemand. Y est ajouté les plannings de travail originaux de DER HEXER et DER SCHWARZE ABT.
Les bonus de ZIMMER 13 sont légion avec des bandes annonces d'époque des quatre films du coffret cité ci-dessus, mais avec également deux courts documentaires de tournage sur ZIMMER 13 (avec Joachim Fuchsberger et Eddi Arent) et DER HEXER (avec Joachim Fuchsberger et Siegfried Lowitz), en allemand non sous-titré.
Enfin pour finir, on découvre une palanquée de bandes-annonces du même éditeur, que l'on retrouve systématiquement sur tous les DVD de la collection Edgar Wallace. Il s'agit de l'occasion unique de visionner en version allemande Louis De Funès (LA SOUPE AUX CHOUX), Pierre Richard (LE GRAND BLOND AVEC UNE CHAUSSURE NOIRE), Jean-Paul Belmondo (LE MAGNIFIQUE), Vincent Cassel (BLUEBERRY), une parodie récente de Krimi DER WIXXER, un péplum allemand GERMANIKUS… et quelques productions américaines.
Le DVD, très riche en bonus, demeure hélas le support d'un film moyen et doté d'une copie à peine acceptable. Il s'agit cependant d'une bonne entrée en matière dans le monde diversifié et parfois étonnant des Krimi allemands, avant de se pencher sur des opus réellement réussis comme DER HEXER.