Header Critique : OPERA (TERREUR A L'OPERA)

Critique du film et du DVD Zone 0
OPERA 1987

TERREUR A L'OPERA 

En 1985, alors que son PHENOMENA, tourné en 1984, sort dans les salles, Dario Argento se voit contacté par le festival d'Opéra de la ville de Maceria pour mettre en scène le Rigoletto de Verdi. Cela n'est pas vraiment étonnant en Italie, pays dans lequel il est relativement fréquent de voir des réalisateurs de cinéma mettre en scène de tels spectacles. Si le cas le plus célèbre reste celui de Luchino Visconti, dont l'importance fut équivalente dans les deux domaines, d'autres cinéastes font aussi, bien que plus ponctuellement, des embardées vers l'art lyrique, comme Bolognini par exemple. En tout cas, le fait qu'un grand festival d'Opéra confie un tel projet à Dario Argento prouve que la renommée de celui-ci dépasse celle d'un simple réalisateur de films d'horreur. Il compte alors plonger l'œuvre de Verdi dans un climat fantastique et gothique, mais, en fin de compte, il est écarté du projet.

Les circonstances vont pourtant le ramener vers le domaine de l'Opéra puisque son long métrage suivant, qu'il écrit avec Franco Ferrini (son co-scénariste sur la quasi-totalité de ses films à venir), s'appelle… OPERA, alias TERREUR A L'OPERA dans notre pays ! Bien qu'Argento envisage de le tourner à La Scala de Milan, temple de l'Opéra italien par excellence, il doit y renoncer, ce lieu s'avérant occupé de façon ininterrompue durant cette année 1987. Il se rabat alors sur le théâtre de Parme, tandis que le reste du film se tourne à Rome et, pour le dénouement, en Suisse. Comme chef-opérateur, il choisit le britannique Ronnie Taylor (Oscarisé pour GANDHI de Richard Attenborough) auquel il restera fidèle jusqu'à LE SANG DES INNOCENTS. Suite à un partenariat avec le studio américain Orion, qui se réserve la distribution du film aux USA, Argento bénéficie d'un budget très important de 7 millions de dollars.

Pour incarner le rôle principal, il se tourne vers la jeune espagnole Cristina Marsillach, laquelle vient de jouer dans le thriller L'ENCHAINE de Giuseppe Patroni Griffi, co-écrit par Lucio Fulci. TERREUR A L'OPERA bénéficie aussi de la présence d'une vedette internationale : l'anglais Ian Charleson (LES CHARIOTS DE FEU, GANDHI, GREYSTOKE…). Pour les comédiens locaux, Argento se tourne vers de vieilles connaissances. Nous retrouvons ainsi Daria Nicolodi, rattachée à tous ses projets depuis LES FRISSONS DE L'ANGOISSE, ainsi que, dans le rôle d'un inspecteur de police, Urbano Barberini (DEMONS 2) et, pour celui d'une costumière, Coralina Cataldi Tassoni (DEMONS), que nous reverrons dans LE FANTOME DE L'OPERA version Argento. L'actrice anglaise Vanessa Redgrave, qui devait incarner la Diva capricieuse abandonne, elle, le tournage juste avant son commencement, quand elle constate que le cachet n'est pas assez élevé à son goût. Si le personnage apparaît dans le film, son visage n'est jamais montré !

Le jour où une Diva se fait renverser par une automobile, Betty, une jeune cantatrice, hérite du rôle principal dans le "Macbeth" de Verdi. La représentation est un triomphe. Pourtant, le soir même, alors que Betty passe la nuit avec un régisseur, celui-ci est poignardé par un maniaque sous ses yeux. Le psychopathe la force à regarder ce crime en fixant des épingles sous ses paupières, lesquelles empêchent la jeune fille de fermer les yeux ! Les meurtres se multiplient tandis que le détraqué continue de tourmenter Betty, laquelle est, en plus, hantée par des cauchemars abscons, apparemment liés à son enfance…

Alors que PHENOMENA frayait largement avec le surnaturel, TERREUR A L'OPERA paraît comme un net retour au thriller policier. A cette occasion, Argento se livre à un de ses exercices favoris : la description du mode de vie de personnages exerçant des professions artistiques. En effet, comme Ingmar Bergman qu'il admire, le metteur en scène italien se plaît à mettre en scène des écrivains (L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL, TENEBRES), des musiciens (LES FRISSONS DE L'ANGOISSE, QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS), des danseurs (SUSPIRIA) ou des poètes (INFERNO). Jamais autant que dans TERREUR A L'OPERA, il n'a approfondi cet aspect de son œuvre. En effet, le premier tiers du métrage se voit intégralement dédié à la description des coulisses d'un spectacle, spectacle mis en scène par un réalisateur de cinéma dont les intentions modernistes vont être mal comprises (toute ressemblance avec l'expérience vécue par Argento pour Rigoletto ne serait que coïncidence ?). Qui plus est, le milieu de l'Opéra a ses particularités. Son goût de la tradition, ses superstitions et son faste sont vecteurs d'aspects mystérieux, dramatiques et photogéniques.

Une fois le décor de cet Opéra méticuleusement planté, Dario Argento nous lance dans une intrigue policière teintée de névroses et de rituels sado-masochistes. Non seulement le tueur poignarde sans merci ses proies mais, dans certains cas, il force Betty à le regarder commettre ses sévices. Le visage de Cristina Marsillach, bâillonnée et des épingles fixées sous les yeux, est devenu une des images les plus célèbres du cinéma d'Argento, pour ne pas dire LA plus célèbre, tant sa force visuelle et sa portée métaphorique, en tant que mise en scène du rapport masochiste qu'entretient le public avec le cinéma d'épouvante, frappe immanquablement. Voyeurisme obsessionnel, manipulation, sadisme et pulsions sexuelles en tout genre se bousculent donc dans le cerveau malade du tueur maniaque et traumatisé. Plus l'intrigue avance, plus il nous apparaît comme un faible, un homme brisé par une femme manipulatrice, véritable lady Macbeth des pratiques érotiques et perverses !

Dario Argento avoue souvent avoir été fasciné, très tôt, par LE FANTOME DE L'OPERA dans sa version Universal de 1943, dirigée par Arthur Lubin et interprétée par Claude Rains. Légitimement, il est permis de chercher des traces du roman de Gaston Leroux dans ce TERREUR A L'OPERA. Ainsi, le personnage de Betty, telle Christine Daaé, devient une vedette du jour au lendemain suite au remplacement d'une diva empêchée de chanter par un incident dont il n'est pas exclu qu'il ait été provoqué délibérément (comme le sous-entend le mystérieux coup de téléphone reçu par Betty aussitôt après l'accident). Toutefois, ce genre de rapprochement reste tout de même relativement rare, d'autant plus qu'une bonne part de l'action prend place hors du théâtre lui-même.

Si nous écrivions plus haut que le fantastique se voit exclu de ce long métrage, nous retrouvons tout de même des détails pour le moins insolites, tel le comportement des oiseaux capables de reconnaître et de harceler l'assassin grâce à leur instinct et à leur mémoire. Ce trait donne lieu à une des séquences les plus célèbres du film, au cours de laquelle des corbeaux s'envolent dans l'Opéra et plongent parmi les spectateurs. Ces attaques sont filmées notamment en vues subjectives, obtenues au moyen d'une grue élaborée, bâtie à partir du plafond de la salle de spectacle. Des tours de force de ce genre, TERREUR A L'OPERA en contient un certain nombre, que ce soit la séquence très élaborée du premier spectacle de Macbeth, multipliant les allers et retours entre la scène, les coulisses et la salle, les deux premiers meurtres, les plans spectaculaires mettant en scène les oiseaux, et la scène, célébrissime, dans laquelle Daria Nicolodi se fait abattre par un coup de feu tiré à travers un judas.

Si, plus que jamais, Argento semble maîtriser parfaitement les outils techniques mis à sa disposition, TERREUR A L'OPERA trahit pourtant un certain tarissement de son inspiration. Après un début extrêmement prometteur, le film s'enlise dans des séquence à suspens laborieuses, les plus embarrassantes d'entre elles se déroulant dans l'appartement de Betty. Parmi les comédiens, certains seconds rôles s'en sortent bien (la costumière, l'inspecteur de police), mais les personnages principaux paraissent sous-exploités (le metteur en scène) ou antipathiques (Betty). Nous ne reprocherons certes pas à Dario Argento les rebondissements délirants de son scénario, mais plutôt sa lenteur, et l'impression de vacuité qui s'en dégage.

Le meilleur et le pire d'Argento semblent se rencontrer dans cette œuvre symptomatique d'une certaine crise. Montage et mouvements de caméras font preuve d'une virtuosité sans faille, tandis que l'nspiration sanglante et macabre est toujours au rendez-vous. Mais l'ensemble manque de la folie et de la démesure qui faisaient jusqu'alors la force de son cinéma. TERREUR A L'OPERA semble pesant et inégal.

Sa sortie en Italie, en décembre 1987, se passe assez mal. Quand bien même elle réunit plus d'un million de spectateurs, ses recettes sont jugées insuffisantes. L'accueil critique est désastreux. Aux USA, Orion ne juge pas l'œuvre satisfaisante et attend trois années avant de le sortir, seulement en vidéo, dans une copie tronquée d'un bon quart d'heure. En France aussi, TERREUR A L'OPERA n'est distribué qu'en vidéo, tardivement, au cours de l'année 1990 et dans un montage nettement incomplet. Touché par cet échec, et alors que l'industrie du cinéma italien plonge dans un profond marasme, Dario Argento traverse alors une période de crise personnelle. Finalement, après avoir co-écrit et produit SANCTUAIRE (titre vidéo), la seconde réalisation de Michele Soavi, il se rend aux USA pour y faire un film à sketchs inspiré par les écrits d'Edgar Poe : DEUX YEUX MALEFIQUES

En DVD, l'édition la plus complète et la plus luxueuse de TERREUR A L'OPERA est le coffret distribué en édition limitée (30.000 exemplaires) sorti aux USA par Anchor Bay (NTSC, zone 1). Ce DVD labellisé THX est testé ici.

Après les horribles VHS françaises que nous avons subies, la vision de ce disque est, pour le moins, une révélation. La version incluse sur ce DVD est le montage italien intégrale (107 minutes), contenant tous les détails gore originellement prévus. Le cadrage proposé correspond à un format scope 2.35 (procédé Super 35), et le télécinéma bénéficie de l'option 16/9. La copie est globalement d'une belle propreté, tandis que les reproches qu'on pourrait lui faire (noirs manquants légèrement de profondeur, couleurs un peu ternes) correspondent en fait aux intentions artistiques manifestées par le metteur en scène à l'époque du tournage.

En ce qui concerne la bande-son, il faut, hélas, se contenter de la seule version anglaise. Certes, le film aurait été tourné dans cette langue, mais le résultat final a été, à l'évidence, post-synchronisé. Certains comédiens, comme Cristina Marsillach ou Daria Nicolodi, ne semblent guère à l'aise dans cette langue, tandis que d'autres (Urbano Barberini) paraissent doublés en dépit du bon sens. Bref, on aurait aimé avoir une piste italienne pour, éventuellement, combler ce souci. Ce n'est malheureusement pas le cas. La piste anglaise, disponible aussi bien en Dolby Stéréo d'origine qu'en Dolby Digital 5.1 et DTS, s'avère, néanmoins, techniquement irréprochable.

Au chapitre de l'interactivité, nous trouvons d'abord, dans le boîtier, un feuillet sur lequel un auteur se livre à une critique admirative de TERREUR A L'OPERA. Puis, sur le disque lui-même, nous accédons à deux bandes-annonces (internationale et américaine) ainsi qu'à une biographie écrite de Dario Argento, assez complète. Surtout, un passionnant "Making Of" de 36 minutes revient sur la genèse du film et sur son exploitation, à travers de nouvelles interviews de Dario Argento, Daria Nicolodi, Ronnie Tailor ou Urbano Barberini. Plus dispensable, nous pouvons consulter un clip, assez laid, du thème "Opera" composé par Claudio Simonetti et réorchestré récemment par ce dernier, avec son groupe Daemonia.

Le seul supplément exclusif à l'édition "Collector" du DVD américain de TERREUR A L'OPERA est le CD-Audio de la musique du film. Hélas, aucune documentation ne vient nous décrire son contenu ! Nous y trouvons en fait quatre morceaux composés et enregistrés pour ce long métrage par Claudio Simonetti (dont trois seulement sont entendus dans le film), ainsi que deux morceaux de Heavy Metal utilisés dans le métrage et interprétés par le groupe Steel Grave ("Knights of the Night" et "Steel Grave"). Puis nous accédons à des «remix» des quatre morceaux de Simonetti et à un morceau inédit, ressemblant fort à du Daemonia, mais dont l'origine reste à déterminer…

Comme pour PHENOMENA, la bande originale de TERREUR A L'OPERA a été conçue à la manière d'un patchwork réunissant plusieurs compositeurs. Si les morceaux de Simonetti et de Steel Grave étaient rarissimes, ceux des autres compositeurs (Brian et Roger Eno, Bill Wyman et Terry Taylor, le groupe Nordern Light, les airs d'opéra) étaient réunis, à la sortie du film, sur un disque publié chez Cinevox. Mais pour des raisons de droits, il ne semble pas qu'une réédition de cette galette soit envisagée ou envisageable…

La sortie de ce DVD, en 2001, était très attendue. Elle fut pourtant gâchée par une mauvaise surprise : les disques contenant le film s'avérait, pour la plupart, "Rot", c'est-à-dire qu'ils se détérioraient à vitesse accélérée ! Depuis, Anchor Bay a, bien entendu, réalisé un nouveau pressage (facilement repérable à la présence d'un petit logo "o" en blanc sur fond rouge, dessiné sur la jaquette et le disque lui-même). Néanmoins, gare aux mauvaises surprises sur le marché de l'occasion !

Depuis, d'autres éditions de TERREUR A L'OPERA sont sorties à travers le monde. Le DVD italien est à éviter puisqu'il présente le film en cadrage 1.85 non respecté. Par contre le DVD anglais (zone 2, PAL) paraît très intéressant puisque, non content de proposer la version intégrale du film dans son cadrage 2.35, il offre les bandes-sons italienne et anglaise (mais, curieusement, le doublage de cette dernière serait différent du disque Anchor Bay), avec des sous-titres anglais ! Par contre son interactivité rachitique ne supporte pas la comparaison avec le disque américain.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
OPERA DVD Zone 0 (USA)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h47
Image
2.35 (16/9)
Audio
English DTS 5.1 (ES)
English Dolby Digital 5.1 (EX)
English Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Conducting Dario Argento's Opera (35mn42)
      • Bandes-annonces
      • International Trailer
      • U.S. Trailer
    • Biographie de Dario Argento
    • Daemonia "Opera" (Clip Video)
    • CD-Audio de la bande-originale de Claudio Simonetti
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