Rosemary et Guy Woohouse sont à la recherche d'un appartement pour s'installer. Ils trouvent enfin la perle rare dans un immeuble bourgeois. Le bonheur des premiers temps sera bien vite interrompu par d'excentriques voisins qui vont s'immiscer petit à petit dans la vie du jeune couple…
William Castle achète les droits du livre d'Ira Levin dans l'espoir de le réaliser lui-même. Mais lorsqu'il rentre en contact avec la Paramount pour rassembler le budget, sa réputation de faiseur de films d'horreurs à petits budgets le rattrape et le studio ne pense pas qu'il serait judicieux de le laisser mettre en image ROSEMARY'S BABY. Paramount et William Castle tombent finalement d'accord pour que le dernier fasse office de producteur en laissant un réalisateur plus «sérieux» s'occuper de la mise en scène.
Alors que LE BAL DES VAMPIRES n'a pas bien marché aux Etats-Unis en raison d'un montage plus court organisé par la MGM, Roman Polanski est pourtant contacté par la Paramount qui lui propose deux projets de films américains, l'un parce que le directeur de production du studio, Robert Evans, a apprécié l'atmosphère de REPULSION ainsi que de CUL DE SAC et l'autre car la passion du réalisateur polonais pour le ski est connue de tous depuis le tournage enneigé du BAL DES VAMPIRES. Finalement, Roman Polanski ne tournera pas LA DESCENTE INFERNALE qui sera réalisé par Michael Ritchie avec Robert Redford et Gene Hackman. Il s'orientera plus naturellement vers ROSEMARY'S BABY, l'adaptation du livre d'Ira Levin, pour lequel il demandera à ce que personne ne vienne interférer sur le scénario que le réalisateur tient à garder le plus fidèle possible par rapport au tissu d'origine.
Ne reste plus qu'à trouver les acteurs nécessaires pour incarner les personnages de l'histoire. La production organise des séances d'auditions où l'on passe en revue les jeunes actrices sous contrat avec la Paramount. Ne trouvant pas leur bonheur dans le vivier interne, Robert Evans pense à une actrice vue dans le feuilleton PEYTON PLACE. Bien qu'elle ne corresponde pas vraiment à l'idée du personnage que s'en fait Roman Polanski (il aurait préféré une autre actrice), il est finalement conquis par Mia Farrow. Pour le mari de Rosemary, Polanski a en tête les jeunes premiers d'Hollywood et l'on propose donc le rôle à Warren Beatty et Robert Redford qui refuseront tous les deux. On pense même à un inconnu du nom de Jack Nicholson. Mais peu convaincu, Roman Polanski opte pour John Cassavetes. Pour les autres rôles principaux, le cinéaste demande a obtenir des acteurs bien plus reconnus et c'est ainsi que Ruth Gordon, Sydney Blackmer, Elisha Cook, Patsy Kelly, Ralph Bellamy et Maurice Evans intègre l'aventure. Mais ROSEMARY'S BABY met en scène quelques acteurs inattendus tel que Tony Curtis, invisible mais présent au travers de la voix de l'acteur Donald Baumgart, ou encore William Castle qui attend à côté de la cabine téléphonique.
Pour son premier film américain, Roman Polanski goûte aux conditions de tournage des grands studios. Il est ainsi très surpris de ne rencontrer qu'un seul véritable souci et de tourner son film dans le plus grand calme. Le tournage de ROSEMARY'S BABY se fait donc dans une atmosphère paisible et sympathique en décalage complet avec la tension et l'horreur psychologique du récit. Le seul problème sérieux que rencontrera le cinéaste sera causé par un retard sur les prévisions de tournage. Heureusement, Robert Evans soutient le réalisateur auprès des pontes de la Paramount persuadés grâce aux scènes déjà tournées qu'ils sont en train de produire un grand film.
Et ce n'est rien de le dire puisque ROSEMARY'S BABY fonctionnera très bien partout dans le monde prouvant au passage que le cinéma d'horreur peut aussi être produit sérieusement par de grands studios. Dans les années suivantes, d'autres studios se lanceront eux aussi avec succès dans un genre, pourtant très mal considéré jusque là, avec L'EXORCISTE pour la Warner ou LA MALEDICTION à la Fox. Les possessions démoniaques et récits sataniques produits avec de gros moyens auraient pourtant été inconcevables au sein des grands studios avant le passage de Roman Polanski et de ROSEMARY'S BABY. Malheureusement, une horreur plus réelle touchera le réalisateur polonais avec l'assassinat de sa femme enceinte, Sharon Tate qui apparaît furtivement lors de la petite fête de Rosemary, par les adeptes de Charles Manson.
Bien que tourné au calme, en majorité au chaud dans les studios de la Paramount, et sans débauches d'effets spéciaux horrifiques, ROSEMARY'S BABY réussit à insuffler graduellement un climat oppressant et inquiétant tout au long de la durée du film. Roman Polanski, qui ne croit d'ailleurs pas du tout au diable et au surnaturel ce qui ne l'empêchera pas de tourner bien plus tard LA NEUVIEME PORTE, se refuse au grand guignol et aux effets faciles. Il s'arrogera d'ailleurs le droit de modifier légèrement la fin du livre puisqu'il décidera de ne montrer à aucun moment le bébé. La puissance de la suggestion est pourtant telle que de nombreux spectateurs restent persuadés d'avoir vu l'horrible rejeton démoniaque, peut être aidé par une image en surimpression sur le berceau des yeux de son supposé géniteur déjà vu auparavant dans le film.
Et c'est justement toute la force de ROSEMARY'S BABY. Ne rien montrer et tout suggérer tout en nous faisant partager la détresse de Rosemary, de l'installation heureuse de son jeune couple dans un accueillant appartement new-yorkais à l'intrusion progressive de bizarres et amusants personnages jusqu'à sa chute dans une paranoïa de plus en plus appuyées face à des événements très étranges. En refusant d'être complètement explicite quant au déroulement et à l'issue de l'histoire, en quelque sorte, Roman Polanski participe aussi à une certaine ambiguïté. L'intrusion du surnaturel dans un environnement radieux organisé par petites touches anodines et successives nous ramène à notre propre quotidien. Le spectateur rationnel se retrouve dès lors dans le même état de doute que celui de Rosemary qui découvre horrifiée les véritables implications de sa grossesse.
Paramount avait déjà commercialisé ROSEMARY'S BABY en DVD mais une nouvelle édition est éditée dans la collection «Paramount Golden Classic». Le boîtier plastique prend une dominante dorée et un fourreau aux même couleurs vient le recouvrir. Mais en réalité, la jaquette n'a pas changé depuis la première édition pas plus que le disque lui-même. Pourtant, hormis de ce nouveau packaging, il existe bien une différence notable dans ce nouveau DVD consacré à ROSEMARY'S BABY. Il s'agit d'un livret de douze pages, inséré dans le boîtier, où l'on retrouve de succinctes biographies du réalisateur (LE BAL DES VAMPIRES n'apparaît pas !) ou des acteurs mais aussi une poignée d'anecdotes.
Paramount offre donc toujours le même transfert au format respecté (1.85) et tirant parti du 16/9. Nous n'allons pas nous plaindre des quelques rares défauts inhérents à l'âge du film pour simplement vous dire que l'image offre une retranscription très honnête avec une image bien détaillée et où l'on n'apercevra quelques plans granuleux (d'origine !).
Vous aurez l'embarras du choix pour sonoriser le film puisque le disque vous propose la piste originale anglaise et des doublages italien, espagnol et, bien entendu, français. Toutes les pistes sont en mono d'origine et s'avèrent d'inégales qualités techniques. Le doublage français d'époque sonne un peu sèchement et paraît ainsi bien moins naturel que la version originale anglaise.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Paramount devient très avare sur les suppléments et il est de plus en plus fréquent de voir sortir des films dénués de tout bonus. Y compris les bandes-annonces ! ROSEMARY'S BABY n'a justement pas la chance d'avoir le petit film publicitaire d'époque, qui se devait de vous donner l'envie d'aller voir le film, sur son édition DVD. En contrepartie, Paramount a placé une Featurette d'époque bougrement sympathique puisqu'elle n'a strictement rien à voir avec les documentaires promotionnels actuels. Ce segment vidéo nous permet de suivre Roman Polanski mais aussi Mia Farrow grâce à des bribes de leurs vies respectives devant et derrière la caméra. Une approche du «Making Of» bien plus fraîche que les assemblages purement commerciaux d'extraits et d'interviews auto-satisfaites réalisés par des publicitaires plutôt que des cinéastes !
Réalisé plus récemment, le DVD donne aussi la parole à Roman Polanski, Robert Evans et au chef décorateur Richard Sylbert pour des interviews croisées où ils se remémorent la création du film. Une grande part du quart d'heure d'interview est dévolu au casting avec la manière dont Tony Curtis s'est retrouvé à faire une voix dans le film ou bien la façon dont Charles Grodin a intégré le tournage. Clair, rapide et concis, on peut y apprendre de nombreuses informations sur ROSEMARY'S BABY sans pour autant que tout ne soit dévoilé dans tous les détails sur le tournage de ce film.
Le nouveau DVD de ROSEMARY'S BABY dans la collection «Paramount Golden Classics» n'apporte pas grand chose à l'édition précédente en dehors d'un nouveau packaging et d'un livret. Cela n'est pas bien important puisque le disque était déjà de qualité et permet de revoir le film de Roman Polanski dans d'excellentes conditions à même de vous faire frissonner de nouveau pour le destin de Rosemary et de son bébé.