Comme nous l'avons déjà vu à l'occasion du test du DVD de I CORPI PRESENTANO TRACCE DI VIOLENZA CARNALE, le début des années 1970 correspond, pour le réalisateur Sergio Martino, à une période "Giallo", au cours de laquelle il suit cette mode avec entrain. Ainsi, après L'ETRANGE VICE DE MADAME WARDH et LA QUEUE DU SCORPION, il s'attèle à la mise en scène de L'ALLIANCE INVISIBLE, pour les producteurs Nirma Loy et Luciano Martino (le frère de Sergio), tandem déjà responsable du thriller SI DOUCES, SI PERVERSES d'Umberto Lenzi. Il retrouve pour l'occasion George Hilton, comédien apparaissant déjà dans ses deux précédents giallo, et il met en vedette l'actrice Edwige Fenech, comme dans L'ETRANGE VICE DE MADAME WARDH. Apparaissant dans ce même titre, Ivan Rassimov, le comédien au regard fascinant, revient lui aussi pour L'ALLIANCE INVISIBLE.
En Grande-Bretagne, Jane Harrisson se remet péniblement d'un accident de voiture. Ses séquelles ne sont plus physiques, mais psychologiques, car elle a perdu, dans ce drame, l'enfant dont elle était enceinte. Elle est hantée par des cauchemars et son mari la pousse à prendre des pilules calmantes tandis que sa sœur l'encourage à consulter un nouveau médecin. Rien n'y fait, Jane ne trouve toujours pas l'apaisement. Elle sombre même dans la paranoïa puisqu'elle est convaincue qu'un homme étrange la poursuit et la menace. Finalement, elle fait connaissance avec une voisine, à qui elle fait part de ses soucis. Cette dernière lui suggère une solution étonnante : participer à des sabbats organisés par une secte satanique !
La secte en question est dirigée par un personnage inquiétant, un gourou machiavélique synthétisant les caractères de personnalités réelles sulfureuses, telles que Charles Manson, chef de la "famille" qui sema la terreur dans la Californie en 1969, ou Anton Lavey, grand promoteur de l'Eglise de Satan. Evidemment, cette approche du satanisme renvoie à l'énorme succès du ROSEMARY'S BABY de Roman Polanski, avec lequel L'ALLIANCE INVISIBLE partage de nombreux points communs. Une jeune femme fragile (Rosemary est enceinte de son premier enfant, Jane a perdu son enfant dans un accident) se retrouve aux portes de la folie, tant les évènements étranges se multiplient autour d'elle. Dans les deux cas, l'ambiguïté est de mise : la jeune femme interprète-t-elle de travers la réalité, ou bien est-elle réellement la cible d'un complot ?
Dans le même sens, L'ALLIANCE INVISIBLE inscrit son action dans un cadre mêlant ambiance contemporaine (l'intrigue se déroule de nos jours) et un soupçon d'esthétique gothique remise au goût du jour (le vieux thème de la secte satanique, l'atmosphère britannique, les manoirs…). Pourtant, Martino n'oublie pas ses origines latines et, par bien des aspects, il rapproche sensiblement son long métrage du Giallo. Il reprend ainsi soigneusement les poncifs préférés des amateurs du genre : personnage traumatisé, goût des prises de vue bizarroïdes, hantise du crime à l'arme blanche, silhouette inquiétante du tueur en imperméable, manipulation machiavélique... Malheureusement, et c'est bien là sa plus grande faiblesse, L'ALLIANCE INVISIBLE souffre d'un récit trop répétitif, cultivant la confusion jusqu'à provoquer un certain désintéressement chez le spectateur.
Mais techniquement, Martino se montre méticuleux, soigneux, et offre un travail admirable sur les mouvements de caméra, les objectifs à courte focale et les cadrages en plongée ou contre-plongée. Par ailleurs, l'atmosphère très british de ce métrage, en partie tournée en Grande-Bretagne, apporte une touche d'originalité intéressante à l'atmosphère de ce giallo classique qui garde tout de même des tonalités très italianisantes, particulièrement grâce à une très bonne musique de Bruno Nicolai. Quant au dénouement de ce récit policier, il offre d'astucieuses surprises au spectateur attentif.
Très honnête Giallo, L'ALLIANCE INVISIBLE sort dans les salles alors que cette mode est à son summum. Martino continue donc dans cette voie pour encore deux films, lesquels se distinguent par des titres à rallonge : I CORPI PRESENTANO TRACCE DI VIOLENZA CARNALE et IL TUO VIZIO E UNA STANZA CHIUSA E SOLO IO NE HO LA CHIAVE !
En DVD, L'ALLIANCE INVISIBLE a été publié une première fois en Europe, en Allemagne, chez Marketing-film (PAL, zone 2), édition testée ici. Le film est diffusé dans son format scope d'origine (2.35), mais sans option 16/9. Si la copie jouit d'une propreté satisfaisante, des légers problèmes de contraste et de bruit vidéo noircissent un peu le bilan, sans que cela soit catastrophique.
En guise de bandes-son, ce DVD propose une piste allemande dans deux remix différents (2.0 stéréo et 5.1) et, surtout, un doublage anglais d'époque en mono mixé sur deux canaux. Malgré quelques parasites et un peu de souffle, cette dernière reste décente. Par contre on ne signale pas de piste italienne. Curieusement, aucun sous-titrage allemand ne l'accompagne !
Les suppléments liés au film se limitent à une bande-annonce (apparemment conçue pour ce DVD), une galerie faisant défiler une affiche et quelques photographies, une bio-filmographie de Sergio Martino, et des filmographies d'Edwige Fenech et Ivan Rassimov. Le bonus le plus amusant, bien qu'il n'ait aucun rapport avec L'ALLIANCE INVISIBLE, est une imposante galerie de bandes-annonces qui ravira les amateurs de cinéma bis en tous genres. Elle nous balade allègrement entre le western (MANNAYA, L'HOMME A LA HACHE de Sergio Martino), le film de guerre (DELTA FORCE COMMANDO en vidéo)), les aventures ninjaesques (AMERICAN NINJA) ou la comédie musicale allemande !
Toutefois, depuis, une édition américaine (zone 1, NTSC) a été distribuée par Shriek Show, laquelle propose des options bien plus satisfaisantes (bande-son italienne disponible avec un sous-titrage anglais, télécinéma 16/9, interviews en bonus…). L'édition allemande reste, de son côté, la seule solution pour les collectionneurs ne bénéficiant pas de matériel adapté au NTSC ou aux disques zone 1.