Umberto Lenzi, un des nombreux touche à tout du cinéma italien (de CANNIBAL FEROX au TUEUR A L'ORCHIDEE en passant par SPASMO ou encore GHOSTHOUSE) fut le premier en 1966 à s'atteler à une adpatation cinématographique d'un fumetti (BD italienne) parlant d'un génie du crime : KRIMINAL d'après le fumetti éponyme de Max Bunker. Suivront d'autres films plus ou moins inspirés : le meileur étant de loin DANGER DIABOLIK de Mario Bava ou encore MISTER X de Piero Vivarelli. La BD de Kriminal fut d'ailleurs conçue comme un anti-Diabolik : agissant seul et séduisant toutes les femmes sur son passage.
Coproduction italo-espagnole, le tournage se déroule sur plusieurs pays et semble bénéficier d'un budget relativement confortable. Tourné en Techniscope 2.35:1, il place à l'écran dans le rôle-titre Glenn Saxson (acteur hollandais de son vrai nom Rolf Boes), mais également la teutonne Helga Liné et une foultitude de beautés de tous horizons : l'anglaise Susan Baker, l'italienne Rossella Bergamonti… autant de femmes qui tomberont dans les bras du beau criminel.
Kriminal échappe in extremis à la pendaison pour avoir volé la couronne d'Angleterre et autres crimes… il s'évade sans le savoir grâce à son ennemi, L'inspecteur Milton (Andrea Bosic), qui compte récuperer la couronne. Kriminal leur file entre les doigts et jette son dévolu sur un transfert de bijoux que doivent assurer deux parfaites jumelles, Inge et Trude (Helga Liné). Kriminal s'aperçoit d'un double jeu et se lance à la poursuite du vrai voleur.
Kriminal est «Un individu exceptionnel tant par l'intelligence et le sang-froid» lance l'inspecteur Milton. Rien que ça ! Après ça, on s'étonnera que l'ibère est rude. Mais de Madrid à Londres, de Rome à Istanbul (une référence à James Bond dans BONS BAISERS DE RUSSIE…), le temps y est plus léger et Kriminal virevolte de femme en vol puis en meurtres. L'intrigue est bourrée de rebondissements multiples et le tout filmé de manière très classieuse et fraiche à l'image de son anti-héros. Car le mal y est célébré dans sa splendeur, et c'est une quasi-première. Non seulement la police se trouve régulièrement ridiculisée, mais Kriminal s'en sort par des déguisements, des fuites en avant, cascades (saut sur un train en marche, bagarres…)
Générique de toute beauté s'inspirant de la BD originale, reprenant les dialogues des bulles jusqu'aux bruitages de bagarres recréés pour l'occasion, il donne au thème principal la possibilité de s'imposer comme rythme de base. La mélodie va d'ailleurs accompagner Kriminal dans ses perigrinations.
Véritable compendium des années 60 (version maléfique de James Bond), la mise en images demeure riche en couleurs, aux décors chatoyants jusqu'aux tenues affriolantes des héroïnes qui traversent l'écran. Oh, elles n'ont pas grand chose à dire mais le cinéaste ne leur demande pas tant. L'image du film demeure comme du strass : tout aussi factice que les diamants qui se baladent au gré des poches de chacun le long de l'action. Une très belle utilisation du format anamorphique : présence d'un élément en bas à gauche de l'écran, une ligne tracée depuis cet élément via un batiment partant sur la droite au fond de l'écran... et la diagonale exprime une profondeur inattendue (la scène de l'hotel de Police à Istanbul, entre autres). Cela reste certes propre aux années 60 mais apporte au film plusieurs niveaux de lecture visuelle.
Kriminal est un génie du mal rampant, grimpant les façades d'immeuble la nuit, souple et félin, Lenzi a su capter cette image inquiétante. Tout en gardant l'aspect fun et détaché de la bande dessinée, il dynamise le récit en apportant quelques petites touches d'humour bienvenues. Il se révèle cruel, parfois, mais pour mieux s'ingénier à brouiller les pistes. Quelques personnages un peu retors (dont Dante Posani, qui oeuvra pour Jess Franco dans LUCKY L'INTREPIDE) donneront matière à déceler une certaine marque de fabrique chez Umberto Lenzi ainsi que le goût de la tromperie (un mannequin pris pour un humain qui rappelle le subterfuge utilisé dans SPASMO).
Car KRIMINAL (le film) repose sur le principe du double jeu et du faux-semblant (vrai-faux diamants, vrai-faux vol de diamants, jumelles qui échangent leur role, vraie-fausse mort de Kriminal…). Le monde des criminels devient un marché de dupe à qui trompera le mieux son monde. Et Umberto Lenzi excelle dans ce film inspiré de la mode de l'époque (Un soupçon de James Bond, un érotisme naissant, le succès des BD à consonnance violente et faisant la part belle aux anti-héros…).
Pulp Video a effectué un transfert 16/9 qui rend hommage aux riches couleurs du film et aux éclairages naturels voulus par la mise en scène puis un remixage en 5.1 de la version italienne (Il faut d'ailleurs parler ou comprendre l'italien, qui demeure la seule langue disponible). Si la spatialisation des dialogues et des sons n'apporte pas grand chose (le remixage porte surtout sur le frontal, peu de surround), c'est la musique inventive swinguante et jazzy de Raymond Full qui bénéficie du meilleur traitement. La 76e minute indique un éclaircissement du son qui se fait plus aigu, moins étouffé. La piste mono reste discrète.
Côté image, on remarque pas mal de griffures lors des changements de bobines (à la 48ème, la 56ème, la 69ème minute…) : aspérités blanchâtres qui trahissent une copie d'origine dans un bon état mais qui n'a peut être pas eu un traitement optimal. La durée indiquée sur la jaquette (98mn) est erronée, s'agissant en fait de 95mn.
Côté bonus, c'est le désert des Tartares, et sans le steack : une mini-bio et filmographie très sélective d'Umberto Lenzi, puis retour à la case Menu.
La fin du film se veut ouverte, se refermant sur une éventuelle capture de Kriminal… vraiment ? La réponse sera apportée par la séquelle, IL MARCHIO DI KRIMINAL, qui sera réalisée un an plus tard par Fernando Cerchio. Reprenant la trame scénaristique jusqu'à la poursuite finale et se voulant plus humoristique, cette suite va se révéler inférieure tant par le manque d'originalité que l'absence du double langage qui fait en grande partie le charme de KRIMINAL.