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Critique du film
LUCA 2021

 

Durant les années 2000 le studio d'animation Pixar vole de succès en succès. La décennie suivante s'avère plus partagée. Inaugurée par le triomphe de TOY STORY 3, elle voit cette firme s'éparpiller dans une série de suites de ses précédents opus. Ces métrages parfois honorables trahissent un manque d'inspiration et un mercantilisme flagrant. Parmi les CARS 2, MONSTRES ACADEMY et autres TOY STORY 4 émergent quelques films originaux, mais certains sont discutables (REBELLE et surtout LE VOYAGE D'ARLO). Seul le formidable VICE-VERSA sort du lot, suivi par un COCO plus classique, mais artistiquement hors pair.

Pour les années 2020, Pixar se reprend, proposant trois titres originaux à la suite, avec le passable EN AVANT, l'ambitieux SOUL et enfin le petit dernier LUCA. Comme EN AVANT, il s'agit d'une première réalisation pour son metteur en scène. En l'occurrence Enrico Casarosa, initialement story-boardeur originaire de Gènes, ayant œuvré chez Blue Sky Studios (L'ÂGE DE GLACE) avant de passer chez Pixar. LUCA se déroule à Portorosso, petit village de pêcheurs imaginaire situé justement dans la région de Gènes, et qui entretient une évidente ressemblance avec un fameux quartier de cette ville, celui de Boccadasse avec ses maisons colorées descendant vers la mer.

Au large de Portorosso s'élève une petite île inhabitée aux alentours de laquelle les pêcheurs n'approchent leurs barques qu'avec prudence. En effet, ces eaux ont la réputation d'accueillir des monstres aquatiques ! Et en effet, dans ces profondeurs vit un peuple d'êtres mi-homme, mi-poisson, qui se défie et se cache des humains. Luca, petit berger sous-marin, se languit de ses journées monotones à garder son troupeau de poissons. Jusqu'à sa rencontre avec Alberto, jeune être marin déluré qui l'entraîne à la surface. Luca découvre qu'une fois sec, ils prennent une forme humaine ! Les deux compères se mettent en tête de se rendre au village de Portorosso pour y acquérir un objet qui les fascine : un scooter Vespa !

Un personnage qui se trouve d'un seul coup propulsé hors de son cadre familier et doit traverser des péripéties inattendues : voici un sujet exploité plus qu'à son tour par le studio Pixar ! Des jouets s'aventurent hors de la maison de leurs propriétaires, une voiture de course arrogante s'égare dans un modeste petit village au milieu de nulle part, d'inoffensifs poissons clowns doivent traverser des recoins périlleux de l'océan, un petit garçon explore le royaume des morts... Un concept très usité donc chez Pixar, pour ne pas dire usé, désigné comme celui du poisson « hors de l'eau », « Fish out of the Water » comme on dit dans la langue de Peter Cushing !

Un tel personnage se confronte alors aux dangers de l'inconnu, qui sont aussi des opportunités d'explorer un monde nouveau et de se mieux connaître soi-même à travers un périple initiatique. Dans un premier temps, LUCA marche sur des traces trop classiques. L'univers sous-marin de Luca et sa famille rappelle par bien des aspects celui du MONDE DE NEMO. Nous y croisons une faune pittoresque de monstres marins cohabitant avec des poissons dans une vie de village ordinaire.

L'originalité n'est pas de mise et malgré une exécution soignée, le début de LUCA ne soulève pas l'enthousiasme. Seule réussite étonnante, le très bizarre oncle Ugo de Luca, Poisson-lanterne doublé par Sacha Baron Cohen : être saugrenu, il est ravi d'habiter les ténèbres et la solitude des plus profondes abysses, malgré les évidentes conséquences de ce style de vie sur sa santé mentale !

Lorsque Luca et Alberto s'aventurent hors de l'eau, le métrage prend son rythme et égraine ses trouvailles. De nouveau pour Pixar, les qualités techniques et visuelles sont époustouflantes. Les textures des objets, des vêtements, des matières, le naturel de la circulation de la lumière se montrent toujours un cran au-dessus de la concurrence, avec une application, un soin du détail dans l'animation entraînant à coup sûr le spectateur dans l'univers de LUCA.

Cela étant dit, le point de vue sur l'Italie des années 50-60 où se déroule l'action n'est pas d'une folle audace : opéra, spaghetti, Vespa, enfants braillards jouant au football, chanson de variété latine, affiches de LA STRADA ou VACANCES ROMAINES ostensiblement collées sur les murs de Portorosso... Nous sommes dans une Italie de carte postale, cent pour cent agréée par l'Office du Tourisme local. Sans doute aussi proche de la réalité ligurienne que le Paris touristique de RATATOUILLE l'était de notre capitale !

LUCA marque des points en narrant petit à petit une histoire d'amitié entre trois enfants : Luca, Alberto et la petite Giulia, fille du poissonnier local. Ils participent à un concours multi-disciplinaire (nage, vélo, dégustation de nouilles) afin de gagner le précieux scooter, perçu comme un passeport pour la liberté. Par petites touches, sans prétention, LUCA pose son récit très humain, montrant une complicité qui surmonte les différences de race, mais aussi de tempérament et de personnalité. Entre Luca l'introverti assoiffé d'apprendre et Alberto le casse-cou terre à terre, les malentendus et les mésententes sont inévitables. Mais elles sont aussi surmontables.

En fin de compte, LUCA est un Pixar discret. Il ne se fixe pas des objectifs de fond et de forme aussi élevés qu'un VICE-VERSA ou un SOUL. Mais il impose par petites touches un regard humain et chaleureux, un récit bien pensé, quelques moments d'animation entraînants comme la course finale. Et surtout, il amène l'émotion en douceur, émotion réelle lorsque LUCA se termine et que s'éloignent ses petits personnages auxquels il a si bien donné vie.

EN AVANT a eu le douteux privilège de sortir quelques jours à peine avant le premier confinement du Covid 19 – il s'agit même du dernier film que nous avons vu en salles avant cette sinistre période... Le Pixar suivant, SOUL, s'est retrouvé distribué directement sur Disney+ pour Noël 2020 quand bien même il est à l'évidence taillé pour le grand écran. Au début de l'été 2021, LUCA se voit sacrifier de la même façon, seuls les pays ayant la chance de ne pas avoir Disney+ ont pu le découvrir sur grand écran !

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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