Header Critique : ISLAND, THE (L'ILE SANGLANTE)

Critique du film et du DVD Zone 1
THE ISLAND 1980

L'ILE SANGLANTE 

Assurant la garde de son fils Justin pour le week-end, le reporter Blair Meynard se rend à Miami pour les besoins d'un article d'investigation sur de mystérieuses disparitions de bateaux en mer des Caraïbes. L'occasion pour Blair de renouer contact avec un rejeton en manque de repères paternels. Son enquête les mène bientôt sur une petite île perdue proche des derniers signaux de secours lancés par les navires disparus. Là, ils font la connaissance du docteur Windsor, loueur d'embarcations de pêche à ses heures perdues. Et justement, ayant quelques heures à perdre, Blair et Justin décident d'aller titiller le barracuda...

Au cours de l'été 1975, le phénoménal succès rencontré par LES DENTS DE LA MER dans les salles obscures américaines voit surgir une nouvelle race de films, presque un genre à part entière : le blockbuster estival. Son jeune réalisateur, Steven Spielberg, devient légitimement la coqueluche d'Hollywood et Peter Benchley, l'homme derrière le roman à l'origine de ce hit cinématographique un auteur très courtisé par les majors hollywoodiennes. Deux ans plus tard, son roman suivant, LES GRANDS FONDS, devient un film réalisé par l'anglais Peter Yates sous les auspices de la Columbia. La critique se montre plutôt tiède à l'égard de ce distrayant cocktail d'action/suspense sous-marin mais le public répond présent. Si l'on est évidemment loin du triomphe planétaire des DENTS DE LA MER, le film trouve tout de même sa place parmi les plus gros succès du box-office américain de l'année 1977. Et Peter Benchley embraye sur un troisième roman, The Island, publié en 1979, dont l'Universal rafle rapidement les droits d'adaptation.

Ayant à l'époque déclinée l'opportunité de faire LES GRANDS FONDS, trop coûteux à leurs yeux, Richard Zanuck et David Brown, les deux producteurs des DENTS DE LA MER, replongent cette fois aux côtés de Peter Benchley pour ce qui s'annonce sur le papier comme une nouvelle grande aventure cinématographique en haute mer, récit de piraterie moderne flirtant avec l'épouvante, sur fond de mystère du triangle des Bermudes. Toutefois, contrairement au DENTS DE LA MER et aux GRANDS FONDS, le romancier-scénariste se charge ici seul de rédiger l'adaptation son ouvrage. Quant au duo Zanuck/Brown, il délègue à Michael Ritchie la tâche de porter le tout à l'écran afin d'en faire l'un des hits cinématographiques de l'été 1980.

Formé à la télévision dans les années 60, tout comme Steven Spielberg, et affilié un temps au mouvement du Nouvel Hollywood, Michael Ritchie reste encore aujourd'hui pour beaucoup l'homme de trois films signés entre 1969 et 1975, LA DESCENTE INFERNALE, VOTEZ MCKAY et SMILE. Trois tragi-comédies sociales s'interrogeant, souvent avec beaucoup de cynisme, sur les notions de réussite et d'esprit de compétition propres à la pensée américaine. Largement moins commenté par la critique, le reste de son œuvre sur la décennie 70 n'en demeure pas moins porteur de titres tout aussi dignes d'intérêt comme son AN ALMOST PERFECT AFFAIR, sorte de quatrième volet au triptyque susnommé dans lequel éclate le goût du cinéaste pour les traitements narratifs de type cinéma-vérité ou PRIME CUT, film policier semblable à aucun autre, mariant audacieusement humour noir, pastiche, grotesque et satire sociale.

Probablement dans l'espoir de «se refaire» juste après l'échec critique et public de AN ALMOST PERFECT AFFAIR, Michael Ritchie prend donc la barre de cette ILE SANGLANTE à première vue assez éloignée de ses habituelles préoccupations. Ainsi que le réclame le récit, la distribution sera majoritairement anglaise, à l'exception notable de l'australienne Angela Punch McGregor et du jeune Jeffrey Frank, acteur new-yorkais interprétant le fils de Michael Caine. De leur côté, cherchant sans doute un nom capable de rivaliser en termes de popularité avec ceux de John Williams et John Barry, respectivement compositeurs des DENTS DE LA MER et des GRANDS FONDS, Richard Zanuck et David Brown débauchent le légendaire Ennio Morricone à la couverture musicale du film. Enfin, Michael Ritchie embarque à ses côtés son directeur de la photographie d'AN ALMOST PERFECT AFFAIR, le français Henri Decaë, dont les collaborations avec Jean-Pierre Melville, François Truffaut et René Clément ont cimenté l'Histoire du cinéma hexagonal des années 50 et 60.

Ne restait donc plus qu'à offrir au spectateur un contenu attractif, voire si possible pertinent. Ultime défi que le film relève haut la main, même si de façon relativement inattendue. Car non seulement son propos s'avère original et bien mené mais, quelle qu'aient été exactement les ambitions et la tonalité initiale du roman de Peter Benchley, sa transposition à l'écran laisse éclater dès les premières séquences la singulière personnalité de Michael Ritchie. L'esprit méchamment satirique de LA DESCENTE INFERNALE et SMILE resurgit ainsi intact dans le portrait vitriolé qu'il nous brosse de son Amérique natale. Soit un pays d'ignares plus ou moins satisfaits dans lequel quelques nantis bedonnants se plaignent d'un Martini mal dosé en pleine partie de pêche sur-encadrée au milieu de l'océan tandis qu'un père à la fois absent et inconscient achète sans trop se poser de questions une arme à feu à son fiston comme d'autres achèteraient une sucette. Ponctuée de séquences d'attaques de plaisanciers étonnamment gores pour une œuvre censée viser un large public, voila une entrée en matière certes surprenante, voire peut-être déconcertante pour certains dans sa démonstration de l'imbécilité de l'homme moderne, dit civilisé, mais aussi extrêmement savoureuse pour qui accepte de prendre part au petit jeu de massacre proposé par le cinéaste.

Les bases du discours de Michael Ritchie et Peter Benchley étant solidement posées par cette vision hautement cynique de l'homo americanus, ce n'est qu'au bout d'une bonne demi-heure que les vrais (anti-)héros du film n'investissent totalement le devant de la scène. Constitués d'une improbable bande de pirates naufragés en quête de sang neuf afin d'assurer leur descendance, ceux-ci n'intéressent finalement moins Michael Ritchie et Peter Benchley pour leurs aventures maritimes, réduites à deux séquences d'actes de piraterie assez surréalistes et fortement dosés du même mélange iconoclaste de violence et d'humour sarcastique proposé par PRIME CUT, qu'à travers la trop belle occasion offerte de les confronter à leurs descendants du vingtième siècle.

La sagesse hollywoodienne voudrait alors que les deux auteurs célèbrent l'innocence préservée de leur condition de semi-sauvages, ainsi que la noblesse des ancestrales règles de conduite qu'ils continuent d'appliquer. Mais le facétieux Michael Ritchie esquive audacieusement cette facilité en préférant nous livrer d'eux une image souvent grotesque et finalement aussi peu flatteuse que celle brossée en parallèle de leurs contemporains. En résumé, semble dire Ritchie, peut-être ne sommes-nous pas des modèles de vertu et de discernement, mais nos ancêtre ne valaient de toute façon guère mieux, ceux-ci étant au moins aussi bêtes que nous et visiblement un peu plus barbares … une dernière considération que le final tend toutefois très ironiquement à infirmer !

Drôle de message donc pour un blockbuster estival, lequel, une petite dizaine d'années plus tôt, aurait peut-être pu rencontrer quelques échos positifs auprès du public et de la critique mais qui, arrivant à l'aube des conformistes années 80, avait bien peu de chance de séduire les foules en masse. Sanglant, sarcastique, déstabilisant et moyennement porté sur l'action, L'ILE SANGLANTE se ramassa assez logiquement royalement au box-office mondial, entrainant dans son naufrage les carrières et réputations de ses principaux instigateurs.

L'ILE SANGLANTE est un titre longtemps demeuré inédit en DVD. Un oubli peu surprenant étant donné l'insuccès retentissant du film et sa médiocre réputation, mais triplement réparée voilà déjà quelques années, via une première édition venue d'Australie, une seconde proposée par nos voisins teutons en 2008 et une troisième sortie au Danemark un an plus tard. Depuis le 27 juillet dernier, son studio géniteur, l'Universal, semble enfin croire en la possibilité de récupérer quelques dollars sur ce titre et L'ILE SANGLANTE se trouve donc disponible en Zone 1 dans une collection intitulée Vault Universal Series. Pas d'emballement toutefois chez les rares intéressés par ce titre : il s'agit d'une édition gravée «sur demande». Aussi, inutile d'espérer la moindre interactivité. Pas l'ombre d'une petite bande-annonce ou de filmographie, pas d'option linguistique, pas même de menu–titre. Passé l'avertissement anti-piraterie du Federal Bureau of Investigation, le film démarre directement. A partir de là, branchez vos sonotones si vous êtes un peu dur des écoutilles car l'unique piste sonore anglaise, servie en Dolby Digital 2.0, s'avère plutôt étouffée.

En revanche, la qualité de l'image, respectant le format 2.35 anamorphique d'origine du film, est globalement à saluer et constitue le point fort de cette nouvelle édition. Certes, on aurait volontiers accepté une définition un peu plus pointue, mais pour une œuvre commençant à accuser les poids des années comme celle-ci, la copie proposée s'avère des plus correctes, suffisamment propre en tout cas pour que l'on puisse apprécier pleinement le travail d'Albert Whitlock et Stan Winston aux effets visuels et maquillages.

Ces diverses remarques prises en compte, voilà une édition qui laissera son acquéreur partagé entre la satisfaction de trouver là une copie visuellement convenable et la frustration de ne toujours pas voir l'intéressant opus cinématographique qu'elle présente traité avec les égards que mérite sa singularité. Qui plus est, si l'on peut comprendre qu'Universal n'ait pas souhaité se mouiller financièrement sur un titre aussi peu porteur, il n'en reste pas moins qu'avec un prix de vente sur le net dépassant les 15 dollars, certains trouveront légitimement l'addition un brin salée.

Rédacteur : Emmanuel Verlet
52 ans
6 critiques Film & Vidéo
On aime
Une production hollywoodienne atypique
Une copie satisfaisante proposant le film dans son format d’origine
On n'aime pas
Un prix peu attractif pour une édition au contenu spartiate
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L'édition vidéo
THE ISLAND DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h55
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
      Aucun
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