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Critique du film
BLACK SWAN 2010

 

Nina est une ballerine qui, comme ses camarades, caresse le rêve de voir un jour son nom en haut de l'affiche. L'investissement est total et la jeune femme n'a de cesse de repousser les limites d'une perfection technique obsédante. Lorsque le directeur de l'école annonce son souhait de revitaliser le classique «Le Lac des Cygnes», Nina y voit bien évidemment une opportunité à ne pas manquer. Mais si son potentiel lui permet effectivement d'incarner le cygne blanc du spectacle, son manque de spontanéité et de féminité semble être un obstacle à l'interprétation de la némésis, le cygne noir...

Voilà douze ans que le réalisateur Darren Aronofsky distille avec régularité des œuvres qui, qu'on les apprécie ou pas, sortent des sentiers battus et ne cèdent aucunement à la facilité. Pour son cinquième long métrage, le bonhomme poursuit dans cette voie tout en renouant avec les thématiques fortes de sa filmographie : l'obsession et la dépendance. Que l'on parle de drogues ou de médicaments (REQUIEM FOR A DREAM), que l'on évoque une forme de démence engendrée par un simple nombre (PI), l'attachement aveuglant à un être cher (THE FOUNTAIN) ou l'incapacité à vivre autrement que par son métier (THE WRESTLER), l'idée est toujours la même. L'univers d'Aronofsky est monomaniaque jusqu'à la folie, l'étouffement et, dans trois des quatre films précités, l'autodestruction. BLACK SWAN ne surprendra donc pas les habitués du réalisateur en abondant dans ce sens, et prenant place de manière idéale dans le milieu extrêmement rigoureux de la danse classique...

Après le catch, Aronofsky s'intéresse en effet une nouvelle fois à une profession exigeante et finalement assez peu représentée au cinéma. Bien évidemment, nous avons régulièrement droit à quelques bluettes dans lesquelles se trémoussent une poignée de jeunes en sueurs. Mais nous sommes là dans le registre dynamique et anti-dramatique d'un FAME ou d'un DIRTY DANCING qui, même mouillés de quelques larmes, n'ont rien de commun avec les pieds déformés, les chevilles martyrisées et l'anorexie quasi-obligatoire dont il est question dans BLACK SWAN. L'«engagement» est ici le cœur du propos et la source des problèmes. Pour se faire, Aronofsky nous invite à découvrir les coulisses, comme il l'avait fait dans THE WRESTLER. L'incursion est encore une fois intéressante et bien vue mais c'est davantage le personnage de Nina qui fait ici l'objet d'un développement passionnant et assez hors du commun. A travers elle, c'est la souffrance de nombreuses jeunes femmes qui trouve écho. Des demoiselles investies par passion puis progressivement happées par une discipline élitiste et destructrice...

Pour le rôle, c'est Nathalie Portman qui fut retenue. Un visage que nous connaissons tous depuis l'enfance, dans LEON ou HEAT par exemple, jusqu'à l'âge adulte avec entre autres la nouvelle trilogie STAR WARS. C'est bien simple, nous l'avons même connu chauve dans l'excellent V POUR VENDETTA ! Et pourtant, bien qu'elle fasse partie de ces actrices que l'on connaît ou reconnaît, la jeune femme trouve dans BLACK SWAN un visage inédit, aux traits durs et aux yeux chargés d'émotion. Aussi crédible sur scène que dans la «mutation» qui sera la sienne, Nathalie Portman (à l'image de Nina) repousse ici ses propres limites en nous offrant une prestation d'un très haut niveau. Oubliez Tom Hanks et Christian Bale : Si miss Portman rafle des récompenses pour ce rôle, ça ne sera pas parce qu'elle a perdu quelques kilos ! Au fil des minutes, la jeune femme souffre, s'ouvre, se découvre et, de la plus horrible des manières, devient femme.

Comme c'est le cas dans tous les films d'Aronofsky, le cheminement psychologique du personnage est au cœur de l'intrigue. Soigné, minutieux, tangible et malheureusement inéluctable. Cette évolution sera bien entendu le fait du fameux spectacle, fil rouge du métrage et métaphore limpide du passage à l'âge adulte. Mais elle se fera également par le biais de personnages secondaires finement croqués, ambigus ou rendus ambigus par les yeux d'une Nina à la recherche d'elle-même. Etouffée par une mère castratrice et artiste ratée (Barbara Hershey), malmenée par un directeur aux méthodes «douteuses» (Vincent Cassel, sobrement odieux) et déstabilisée par une danseuse à la féminité exacerbée (Mila Kunis, un peu fade), la jeune protagoniste se dirigera vers une issue qui ne fera aucun doute. Point de «twist» artificiel ici, pas plus que de «jeu» avec le spectateur, mais un film bien mené, parfaitement joué et surtout profondément humain.

Avec ce cinquième métrage, Aronofsky ne fait rien de plus que confirmer son talent. En soit, c'est déjà très bien et beaucoup s'en contenteraient. Reste qu'après avoir mis en scène des thématiques proches, pour ne pas dire jumelles, dans tous ses métrages, nous étions en droit d'attendre un peu de neuf, davantage d'originalité et peut être plus de subtilité. L'usage du numérique notamment, s'il est correct sur le plan visuel, n'est pas toujours très «fin» dans sa vocation métaphorique. C'était déjà l'un des défauts de THE FOUNTAIN du reste. De même, la séquence lesbienne, sur laquelle est ajouté un désagréable (dégueulasse ?) bruit de langue, ne relève pas d'une grande intelligence... Nous aurions également aimé que le réalisateur se renouvelle sur le plan visuel, au lieu de nous resservir encore et toujours le même grain, ici inadapté. En bref, nous aurions aimé qu'Aronofsky se risque au renouvellement ou à l'avancée, ce qui ne sera pas le cas ici... Quelques (rares) fausses notes donc, qui ne ternissent que peu le tableau d'un très beau film, duquel on regrettera juste qu'on ne puisse le qualifier de magnifique ou d'audacieux.

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
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