Header Critique : ZOMBIE (DAWN OF THE DEAD)

Critique du film
ZOMBIE 1978

DAWN OF THE DEAD 

Alors que les États-Unis sont envahis par une horde de zombies, un pilote d'hélicoptère et sa petite amie s'enfuient en compagnie de deux militaires. Ils trouvent refuge dans un centre commercial...

Après le succès de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, George A. Romero réalise une comédie (THERE'S ALWAYS VANILLA) et deux films fantastiques : SEASON OF THE WITCH, relecture contemporaine et ironique de la figure de la sorcière, et LA NUIT DES FOUS-VIVANTS, dans lequel une épidémie de démence s'abat sur l'Amérique. Il tourne encore le moyen-métrage THE AMUSEMENT PARK, fable insolite sur le déclassement des personnes âgées.

Après une pause, il concrétise deux projets coup sur coup. Le réussi MARTIN de 1977 mélange satire sociale et vampires. Puis ZOMBIE, en 1978, s'avère une suite et une relecture de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. Pour des raisons légales, George A. Romero n'a pas vraiment bénéficié des retombées de l'énorme succès commercial de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. Il compte se rattraper avec cette suite, qui en est aussi un remake plus ou moins assumé. Les comédiens principaux de ZOMBIE ne feront guère carrière, à part Ken Foree qui deviendra une figure de la série B américaine fantastique (FROM BEYOND, LE DENTISTE).

Pour concrétiser ce projet, Romero a l'appui d'un producteur hors du commun : le réalisateur italien Dario Argento, qui vient de connaître deux succès avec LES FRISSONS DE L'ANGOISSE et SUSPIRIA. Deux films qui se distinguent par un niveau de gore élevé. Argento fait composer la musique de ZOMBIE par l'excellent groupe Goblin, qui e écrit les bandes originales de ses deux précédents métrages.

Comme dans LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, la réalisation de Romero repose sur une stratégie "guérilla". ZOMBIE est tourné avec relativement peu de moyens, interprété par des comédiens très peu connus et filmé essentiellement la nuit, dans un centre commercial. Pour les États-Unis, Romero élabore un montage de 140 minutes qu'il sort avec la mention "Unrated" (c'est-à-dire sans le soumettre à la commission de censure, ce qui est possible dans ce pays pour une production indépendante, même si cela rend la promotion et la distribution difficiles).

Pour l'Europe, Dario Argento monte ZOMBIE dans une version de 120 minutes, plus rapide, dans laquelle la musique de Goblin est plus présente. Cette version connaît de gros problèmes de censure, notamment en France où ZOMBIE est intégralement interdit au cinéma jusqu'en 1981.

Plus qu'un film d'horreur traditionnel, ZOMBIE évoque un film d'action, particulièrement un film de guerre crû (LES DOUZE SALOPARDS de Robert Aldrich, CROIX DE FER de Sam Peckinpah) ou les westerns sanglants de Peckinpah (LA HORDE SAUVAGE). ZOMBIE se compose en grande partie de scènes d'action très nerveuses. Comme dans LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, leur réalisme sanglant renvoie au traumatisme provoqué chez les Américains par les témoignages terribles rapportés de la guerre du Vietnam. Romero décrit, comme Peckinpah, une surenchère absurde et démente dans la violence et le meurtre. Notamment à travers le personnage de Roger, soldat exultant à l'idée de se servir de son arme pour abattre le plus de zombies possible.

Cette montée d'un cran de la violence cinématographique s'accompagne d'un développement remarquable du Gore. Certes, le réalisme dans l'horreur de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS est déjà dépassé par des films comme LES FRISSONS DE L'ANGOISSE ou SUSPIRIA. Le niveau du Gore s'est emballé dans certains films d'horreur des années soixante-dix comme LA MARQUE DU DIABLE de Michael Armstrong, CHAIR POUR FRANKENSTEIN de Paul Morrissey et Antonio Margheriti, THE INCREDIBLE TORTURE SHOW de Joel M. Reed ou LE DERNIER MONDE CANNIBALE de Ruggero Deodato. Mais ZOMBIE monte encore d'un cran dans sa mise en avant et assure sa popularisation. Les têtes explosent, les membres sont arrachés, les entrailles sont extirpées et dévorées...

Pour réaliser ces effets spéciaux inédits, Romero fait appel à Tom Savini, ancien photographe de la guerre du Vietnam, qui va devenir une star des effets spéciaux sanglants dans les années quatre-vingts (VENDREDI 13 de Sean S. Cunningham, MANIAC de Bill Lustig, CREEPSHOW de George A. Romero). Ce Gore penche parfois vers le burlesque (un bras coupé reste coincé dans un appareil à mesurer la tension). Ce qui annonce les délires sanglants du RE-ANIMATOR de Stuart Gordon ou du BRAINDEAD de Peter Jackson.

Romero avoue alors que cette horreur explicite, penchant vers le grotesque, lui est inspiré par les Comics horrifiques des années cinquante, tels ceux produits par EC Comics. Une influence à laquelle il rendra un coup de chapeau encore plus direct avec l'anthologie CREEPSHOW de 1982, qu'il concoctera avec Stephen King.

À nouveau, ZOMBIE permet à Romero d'exprimer ses vues contestataires. Ce film souligne la fragilité de la société américaine, incapable de gérer cette catastrophe. Rongée par les conflits ethniques et sociaux (l'assaut de l'immeuble pauvre au début du métrage), elle ne surmonte pas ses tensions internes et fuit en ordre dispersé face à la horde des morts-vivants. C'est au triste spectacle d'une civilisation en faillite que nous convie ZOMBIE. Comme LA NUIT DES MORTS-VIVANTS ou LA PLANÈTE DES SINGES, ce métrage s'inscrit donc dans la tradition d'une science-fiction pessimiste, typique des années 1960-70.

En situant son film dans un centre commercial, Romero s'en prend aussi à la société de consommation, base des valeurs égoïstes de la civilisation occidentale. Même les zombies s'y rendent instinctivement tant leurs vies étaient conditionnées par leurs allers et venues en ce lieu.

Les fugitifs souffrent quant à eux de réflexes de propriétaires avides. Une fois la grande surface sécurisée, ils y recréent une petit Amérique confortable. Ils attendent alors passivement que "ça s'arrange", tandis que les hordes de zombies continuent à errer inlassablement sur le parking. Dans le même ordre d'idée, Stephen déclenche la catastrophe finale en tentant stupidement de repousser les pillards qui se servent dans "son" supermarché.

ZOMBIE, œuvre unique, très forte et très efficace devient, comme LA NUIT DES MASQUES de John Carpenter sorti la même année, un des films d'épouvante les plus influents des années soixante-dix. Encore aujourd'hui, il impressionne par l'intégrité de sa réflexion sur la société américaine et par son pessimisme. A ce titre, la fin de ZOMBIE reste lourde de sens.

ZOMBIE connaît un très grand succès à sa sortie, notamment en Italie où il engendre une descendance aussi nombreuse qu'inégale. Il y glane ainsi quatre suites parfaitement officieuses, la première d'entre elles étant L'ENFER DES ZOMBIES de Lucio Fulci.

Après ZOMBIE, George A. Romero n'en reste pas là en matière de morts-vivants. Il offre un troisième volet à son cycle zombiesque avec LE JOUR DES MORTS-VIVANTS, de 1985. Mais l'accueil est moins enthousiaste, trahissant une lassitude du public Au début des années 2000, le mort-vivant revient à la mode, avec les succès de RESIDENT EVIL et de L'ARMÉE DES MORTS. Ce dernier étant justement le remake de ZOMBIE, le studio Universal, son producteur, donne en 2005 l'occasion à Romero de signer LAND OF THE DEAD, quatrième volet de son cycle - et nouvelle réussite. Puis le metteur en scène signe un cinquième volet en mode mineur avec DIARY OF THE DEAD de 2008, un Found Footage passable. Il clôt son cycle avec SURVIVAL OF THE DEAD, intéressant métrage offrant un nouveau point de vue sur l'existence après le retour des morts parmi les vivants.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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