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Critique du film
DEAD SHADOWS 2012

 

Le film de genre français est moribond en 2012. Marqué par des échecs publics et critiques répétés lors des sorties salles sur notre territoire, il semblerait que seule la voie des ventes à l'étranger et le DTV soit la planche de salut. Les mauvais résultats des récents LIVIDE, LA MEUTE ou encore de LADY BLOOD à l'autre côté du spectre démontrent une désaffection générale du public. La vague de la «french horror» est passée sans que le grand public y ait vraiment prêté attention. Mais de voir un projet comme DEAD SHADOWS surgir hors des circuits de production traditionnels étonne quelque peu.

Les parents du jeune Chris meurent brutalement suite au passage de la Comète de Halley. Onze ans plus tard, une nouvelle comète passe près de la Terre. Chris (Fabian Wolfrom) comprend que tout le monde autour de lui commence à se comporter de manière bizarre, voire violente. Le chaos s'installe tout au long de la nuit dans Paris.

Tourné en langue française, avec une caméra Red (format 2.10 :1) et pour un budget de 150.000 euros, la copie visionnée lors du Marché du Film de Cannes 2012 n'était toutefois pas la version définitive. Le son 5.1 n'étant pas terminé, tout comme certains effets spéciaux. Le mixage sonore doit être refait par Alan Howarth, célèbre ingénieur du son, collaborateur régulier de John Carpenter et compositeur, entre autres, des HALLOWEEN 4, HALLOWEEN 5 et HALLOWEEN 6 à ses heures. Une belle référence. Il est également noter au générique la présence de César Ducasse et Mathieu Peteul en qualité de monteurs : ils sont les auteurs du métrage norvégien horrifique (et sympathique) DARK SOULS.

Ce qui surprend de prime abord, c'est l'aspect très professionnel de l'ensemble du métrage. L'insuffisance budgétaire demeure un handicap visible de manière régulière sur le film. Mais ce que le budget restreint, la narration le compense par l'inventivité et l'obtention d'un vrai ton à part. L'ambition de décrire une invasion extra-terrestre pour une telle somme ne prend pas le spectateur pour un benêt pour autant. Mêlées aux influences assumées des années 80, on pourra même y déceler une réplique 4x4/Fusil à pompe du final de DEMONS de Lamberto Bava, le métrage va nous proposer une ambiance apocalyptique graduelle, comète, créatures et chairs pantelantes à l'appui.

Pour ce faire, DEAD SHADOWS décide de suivre la trajectoire du héros, jeune geek travaillant pour une hotline informatique. Malade, il a un besoin vital de lumière qu'il laisse en permanence dans son appartement. Sa fixette sur sa voisine de palier sera en outre le catalyseur de l'histoire. La fête de l'apocalypse prévue en face de leur immeuble se vivra comme une ultime mise en attente du genre humain. Et Chris d'espérer une attention de la part de sa voisine extravertie. Lui, étant renfermé, timide et ambigu. A ce stade, il devient évident que la crédibilité de cette aventure repose sur les frêles épaules de l'acteur principal, Fabian Wolfrom. Un choix judicieux et une direction d'acteur qui tape dans le mille : sa fragilité devient la force de DEAD SHADOWS. Il est juste parfait pour le rôle.

Curieusement la meilleure partie du film, dans la copie présentée, demeure l'aspect dramatique de l'histoire et l'évolution du jeune héros. Le développement des thématiques des ombres et de la lumière (sa maladie, entre autres), l'opposition de caractère avec sa voisine et sa passivité quant aux événements se déroulant autour de lui. La structure du récit centrée volontairement sur Chris et son rapport au réel plutôt que de l'action pure pose calmement ses jalons pour la deuxième partie. A savoir l'errance parisienne, les détails décalés croisés ça et là au gré des rues puis la lente dégradation des humains, désincarnés, ensanglantés. Une fuite en avant mâtinée de quelques retournements qui pointeront sur un final ébouriffant.

Ceci n'oblitérera cependant pas les défauts de ce premier film. Après un générique positivement spectaculaire et impressionnant quant aux effets spéciaux, une musique planante et digne des meilleures productions de science-fiction, on arrive sur une scène renversante. On pense de suite à l'ouverture de L'INVASION VIENT DE MARS version Tobe Hooper pour l'ambiance. Par contre, les deux acteurs jouant les parents ont des scènes d'un pathétique qui fait tout tomber par terre. Dialogues affreux, jeu amateur et une manière de déclamer qui renvoient aux pires AB productions. Cela reste toutefois le seul gros bémol du film. Certaines scènes paraissent parfois déplacés (l'interview télé, le tenancier de l'épicerie...) mais cela reste dérisoire par rapport à la richesse de la matière développée.

On pourra pointer quelques insuffisances techniques, voire de mise en image, par exemple les militaires en fin de métrage, dont le nombre d'intervenants positionnent le tout du niveau d'intervention des Ile Feroe. Ou certains éléments scénaristiques incongrus, comme l'intervention des lascars de bas d'immeuble, un peu comme un cheveu sur la soupe – même si Rurik Sallé y excelle dans son numéro de petite frappe violente. Mais s'attarder sur ces points fera manquer l'aspect principal du film. Adhérer à un point de vue, ressentir l'émotion du héros, enraciner l'impensable dans une réalité en pleine déliquescence. L'idée de la fête où l'apocalypse est célébrée dans toute sa splendeur est une des autres bonnes idées du film. Elle y apparaît crédible, sensée et sa métamorphose en désastre humain au bout du compte reflète un flair visuel pour l'esthétique du ravage.

L'un des points forts du films : les effets spéciaux. Un générique qui marque et un équilibre entre les effets mécaniques et numériques qui se tient le long du film. Même si l'on sent que certaines scènes inutiles à la narration ne reposent que sur les effets, comme le retour à la fête, par exemple. A noter au passage un superbe travail sur les maquillages par David Scherrer pour l'occasion. Et là aussi, la créativité de chacun apporte des moments autres, comme la scène avec la femme-araignée, probablement la plus belle du film. Un mélange de doux cauchemar, entre Bunuel et Lovecraft. Une tendresse infinie règne à ce moment précis. Faisant suite à un curieux érotisme bestial laissant transparaître des influences puisées dans LEGEND OF THE OVERFIEND et ses tentacules pénétrantes. L'alliage effets numériques et effets mécaniques fonctionne bien et les créatures donnent le frisson attendu, parfois fascinatoire dans les décombres provoqués.

Enfin, le film a le mérite d'être court : 75 minutes au compteur. Avec un montage assez serré, il ressort une qualité que beaucoup ne possédaient pas cette année au Marché du Film de Cannes 2012 : on ne s'y ennuie pas. Le spectateur en a pour son compte d'ambiance étouffante, de transformations, de gore et d'action extra-terrestre et assiste à une vraie bonne série B qui ne désarme pas. Clairement, le film semble avoir coûté dix fois plus à l'écran. Des effets professionnels, soignés qui font plaisir à voir. Et surtout une tentative de se démarquer, dans la narration et la mise en images, des schémas répétitifs dans lesquels le film de genre français a pu s'enfermer ces dernières années. DEAD SHADOWS compense ainsi son manque d'argent et d'expérience avec l'énergie, l'audace et la sincérité du propos.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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