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Critique du film
ALL ABOUT EVIL 2010

 

Deborah Tennis (Natasha Lyonne) tient le cinéma Victoria hérité de son père. De BLOOD FEAST à BLOOD ORGY, le cinéma se décrépit. Assassinant sa mère, elle se trouve couverte par le projectionniste et découvre que les caméras de surveillance retransmettent par hasard le meurtre dans la salle. Le public applaudit et l'idée germe : elle tuera pour de vrai, filmera des court et les projettera en avant-programme de ses films d'horreur.

ALL ABOUT EVIL est le fruit d'un dur labeur mais surtout d'un véritable amoureux du cinéma de genre : Peaches Christ, drag queen incontournable de la scène undergound californienne. A San Francisco, elle anime les Midnight Mass, des soirées avec projection et animations de films de mauvais gouts – donc le meilleur pour nous comme LES SEINS QUI TUENT, EVIL DEAD 2 ou encore l'ultra-culte MAMAN TRES CHERE avec Faye Dunaway... des références croisées et protéiformes qui ont fortement influencé son film présenté en ouverture du LUFF en 2011 : ALL ABOUT EVIL. Titre évocateur puisque jouant sur un jeu de mot à propos du film de Jospeh Manckiewicz (ALL ABOUT EVE) et sa folle course à la célébrité. Ce n'est pourtant pas gagner d'avance avec un concept radical, une mise en image cahin-caha et les vingt premières minutes du métrage qui ont du mal lancer la machine... Mais, une fois le premier meurtre mis en avant, ALL ABOUT EVIL trouve son rythme. A partir de là, les excès gore, l'humour noir et les exagérations en tous genres seront la dynamique du récit. Cela passe d'abord par l'interprétation folle furieuse de Natasha Lyonne qui décloisonne la paranoïa, le besoin de reconnaissance et la folie meurtrière pour lui donner ses lettres de noblesse post-modernes absolument réjouissantes. Qui plus est, ALL ABOUT EVIL s'intéresse au pouvoir de l'écran et repousse les idées de LA ROSE POURPRE DU CAIRE ou de DEMONS encore un peu plus loin. Ce n'est plus l'écran qui prend vie dans la réalité, mais la réalité qui prend possession de l'écran dans une série de poupées russes et de jeu de miroir où la toile du cinéma n'est qu'un vecteur pour agrandir une réalité hideusement déformée. Le meurtre est un art, et le cinéma décuple sa véracité. Tout en utilisant comme catalyseur la folie du désir de célébrité de son personnage principal.

Joshua Grannell (l'alter ego non drag de Peaches Christ) a réunit un casting là aussi en rapport direct avec le cinéma défendu. Cassandra Peterson (ELVIRA !) dans un rôle inattendu de mère de famille, Mink Stole -égérie de John Waters et du cinéma gay & undergound en général - en libraire célibataire qui se fait coudre la bouche, Thomas Dekker à peine sorti de KABOOM et du reboot de FREDDY... Ceci combiné à un scénario référentiel en diable, mais qui sait ne pas céder aux sirènes de la facilité. Si la scène d'ouverture fait irrémédiablement penser à QU'EST-IL ARRIVE A BABY JANE ?, c'est pour mieux pervertir la séquence en faisant uriner la jeune fille chanteuse sur le fil du micro pour qu'elle s'électrocute en le tenant ! Les cinéphiles les plus ardus reconnaitront nombre d'hommages et clins d'oeils, toujours respectueux du genre : le fait même de faire se dérouler l'action au coeur d'un cinéma projetant des films d'horreur est un signe qui ne trompe pas.

A l'écran, on pourra remarquer que l'image trahit un budget assez bas. Ensuite, le ton du film hésite entre comédie horrifique et film d'horreur comique. Le métrage ne sait d'ailleurs pas très bien s'accorder correctement dans sa première partie. Le drame familial demeure caricatural et peut être trop facile dans son approche. Passé cet écueil, Natasha Lyonne se lâche un peu plus pour le bonheur des spectateur et le rythme du film. D'autant plus que les effets spéciaux en très grande majorité mécaniques rappellent les grandes heures du meilleur cinéma horrifique des années 70 et 80. Jolie décapitation, bouche cousue en gros plan, machette, couteaux, seins en morceaux... une pulvérisation du bon gout. Et il ne faudra surtout pas manquer le générique de fin et ses affiches détournées, dont une superbe DIARY OF ANNE FRANKENSTEIN qui détourne honteusement LE JOURNAL D'ANNE FRANK. Il fallait oser !

Le décorum est à l'avenant, tous comme les costumes qui oscillent entre le délirant et l'hommage à un cinéma passé qui se refuse à mourir. ALL ABOUT EVIL est une perle bis, parfois bancale mais toujours en droite phase avec ce que le cinéma de genre peut offrir. Des débordements en tous genres, une reconnaissance du frisson, une ode à la déviance, le ridicule de la bienséance et des bien-pensants, un look pas toujours des plus polis. Mais une énergie et une spontanéité qui rafraichissent en ces temps de normalisation et de nivellement des gouts du public par le bas.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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