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Critique du film
LAST CARESS 2010

 

Cinq amis se réunissent dans un manoir pour passer un week-end de détente. Les malheureux devront faire face à un mystérieux tueur en quête d'un tableau caché dans les entrailles de la maison.

Nous avions découvert le duo de réalisateurs François Gaillard et Christophe Robin avec BLACKARIA, un long-métrage autoproduit réalisé en vidéo DV. Un tout petit film en terme de moyen, mais qui se montrait diablement inventif et inspiré malgré une interprétation parfois maladroite. C'est donc avec impatience que nous attendions LAST CARESS, nouveau long des duettistes, tourné cette fois en HD et avec une production en soutien (l'éditeur DVD Le Chat qui Fume, déjà responsable de l'excellente édition DVD de BLACKARIA). Bien que ce film marque un pas important dans le chemin des réalisateurs, il reste quand bien même une production extraordinairement spartiate rapporté aux autres films de «genre à la française» : budget du niveau d'un court-métrage, durée de tournage (20 jours) extrêmement tendue et équipe technique et artistique constituée de fidèles déjà à l'œuvre sur BLACKARIA. LAST CARESS est un film vraiment indépendant, bricolé à la sueur du front par des fans et pour les fans. Un parti pris qui rend le film immédiatement sympathique malgré les scories qui nous attendent à la vision du métrage.

Crevons l'abcès et commençons par les défauts du film. Le scénario du film est conçu comme un gigantesque prétexte à enfiler les scènes fortes de meurtres ou de sévices (dont une «sorcière» fouettée à coup de ronces par une horde de nonnes enragées). Si l'idée se défend dans le contexte d'un petit budget tourné dans les conditions du cinéma d'exploitation des années 70/80, le résultat à l'écran est parfois contre performant. Les scènes de «jeu» paraissent bâclées et le spectateur aura tôt fait de se déconnecter de cette histoire sans queue ni tête faisant intervenir un tableau mystérieux, une sorcière torturée en flashback, nos jeunes héros antipathiques et un tueur aux motivations aussi obscures que belliqueuses. Le désintérêt narratif est renforcé qui plus est par une interprétation amateur particulièrement dissonante. Les comédiens occupent très bien l'image mais se montrent médiocres dès lors qu'il s'agit d'ouvrir la bouche, ces derniers étant il est vrai peu servis par des dialogues lourdauds. Ces problèmes d'écriture et de jeu étaient déjà présent dans BLACKARIA, mais le film n'hésitait pas à s'engouffrer dans des strates expérimentales et oniriques masquant avec malice ses limites narratives. Avec sa construction très linéaire, LAST CARESS ne fait malheureusement pas illusion à ce niveau et donne même l'impression d'une régression.

Heureusement, LAST CARESS a une autre ambition : celle de nous faire passer un moment vintage et divertissant en se rattachant corps et âme aux chef-d'œuvres impurs qui ont traumatisé la génération vidéo-club. A ce niveau, la mission est amplement réussie. LAST CARESS cite LA BAIE SANGLANTE et SIX FEMMES POUR L'ASSASSIN de Mario Bava, LA MORT CARESSE A MINUIT de Luciano Ercoli (avec son tueur armé d'un gant médiéval à pointes), TORSO de Sergio Martino, LE COUVENT DE LA BETE SACREE de Norifumi Suzuki ou encore L'AU-DELA de Lucio Fulci. Des références utilisées par les réalisateurs comme des béquilles tant ces derniers sont capables de les intégrer à leur propre savoir faire, faisant de LAST CARESS une œuvre qui n'appartient finalement qu'à eux. Le film est un monstre d'efficacité dans les scènes violentes où imagination photographique, effets gores impeccables (toujours signé David Scherer) et montage percutant sont à l'unisson de moments de cinéma totalement décalés et outrancièrement réjouissants. Visage défoncé à coups de gant clouté, machette fendant le crâne, jeune femme pendue à un crochet de boucher par la gorge, LAST CARESS n'y va pas avec le dos de la cuillère tout en évitant le glauque au profit du décontracté. La formidable musique du groupe Double Dragon est pour beaucoup dans le punch jubilatoire de ces moments forts en mixant avec talent electro moderne et disco délicieusement décalée. Cette excellente BO, à la personnalité incontestable, est assurément la star du film.

Derrière son cocktail «Glam Gore» fait de violence et d'érotisme (les jeunes comédiennes ne sont pas farouches), LAST CARESS est en réalité un touchant essai dédié aux nostalgiques d'un cinéma déluré et hirsute dont il est à n'en point douter l'héritier. Son manque de rigueur narrative cantonnera malheureusement le film à une niche de spécialistes mais le bagou désarmant de LAST CARESS ravira quand bien même tous les curieux d'un cinéma existant hors des sentiers battus, bien loin de la très inégale et très officielle «French nouvelle vague» du cinéma de genre français. Si François Gaillard et Christophe Robin n'ont pas encore atteint la totale maîtrise de leur talent, s'ils n'ont pas encore totalement rompu avec leur passé de cinéastes autoproduits brûlant les étapes, les duettistes ont un talent évident pour le fantastique généreux et populaire (dans le bon sens du terme). Armés d'un bon scénario et de comédiens expérimentés, nul doute que le duo ira loin, très loin.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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