CRITIQUE : THE EVIL WITHIN

7 novembre 2014 
CRITIQUE : THE EVIL WITHIN

Affirmer que Shinji Mikami est le créateur du «survival horror» est litigieux mais, au moins, il est évident que c'est bel et bien Resident Evil qui a largement imposé le genre ! Shinji Mikami, c'est donc celui a dirigé les premiers Resident Evil pour le compte de Capcom. Il deviendra même consultant sur l'adaptation cinématographique du jeu au début des années 2000. Le cinéma influence d'ailleurs nettement le concepteur de jeu vidéo. Et on retrouve ainsi des clins d'œil au sein de son dernier jeu, The Evil Within dont il est question ici. Par exemple, il est impossible de ne pas penser au SHINING de Stanley Kubrick lors d'une courte séquence dans un couloir balayé par une marée sanglante. Dans les décors du jeu, on peut aussi voir des parodies d'affiches de film aux titres évocateurs («White Fog», «Serbian Psycho» ou encore «Black Haired Curse»). Shinji Mikami connaît le genre et il s'en était déjà inspiré que ce soit au niveau des atmosphères, du rythme ou encore dans le design de ses jeux. The Evil Within commence ainsi un peu à la manière d'un film policier. L'inspecteur Sebastian Castellanos et ses collègues se rendent rapidement, toute sirène hurlante, vers un hôpital où se serait déroulés un massacre. A leur arrivée, ils découvrent des cadavres jonchant le sol. Il ne reste plus qu'à débusquer le coupable. Ce point de départ permet de présenter les personnages et le lieu avant de les propulser dans l'univers horrifique du jeu où ils seront confrontés à des morts-vivants, d'étranges et abominables créatures ainsi que Ruvik, le protagoniste maléfique qui tire les ficelles de The Evil Within...

Avec The Evil Within, il annonce son retour au «survival horror» après des escapades vers l'action à l'instar d'un Vanquish et sa jouabilité technique et frénétique. Mais, se faisant, Shinji Mikami se confronte directement à sa propre création, Resident Evil. Les jeux de la franchise de Capcom ont pris un tournant de plus en plus orienté vers l'action. Y compris le quatrième volet, le dernier dirigé par Shinji Mikami. L'ambition est donc de faire un volte face, de renouer avec des ambiances, de replonger le joueur dans un climat de tension et ainsi de lui instiller un sentiment de trouille. Soyons honnête, The Evil Within se plante largement dans ce domaine. En effet, ce retour en arrière n'annonce en rien une révolution, pas plus qu'une remise en question à même de le réinventer. Pour faire un parallèle avec le cinéma, The Evil Within, c'est un peu de la série B, voire un Bis un peu pompeux. On nous avait promis une horrible aventure à l'intérieur d'un esprit torturé. Au final, on a une histoire déjà vu et déjà jouée. Les ingrédients de The Evil Within, on les retrouve dans le passé du jeu vidéo mais pas forcément en mieux. Lorsque l'on est confronté à une créature dont la tête est enfermée dans un coffret fort, il est difficile de ne pas y voir la resucée d'un imposant adversaire de Silent Hill. Pire, le maléfique et omnipotent Ruvik n'est, à vrai dire, que l'écho de l'esprit d'Alma dans F.E.A.R. et ses suites. Les deux sont les fruits d'expériences, les deux sont dévorés par la haine, les deux influencent la perception du héros. Alors, bien sûr, les F.E.A.R. sont essentiellement tournés vers l'action mais ils offraient des ambiances réussies, des passages flippants qui venaient s'insérer naturellement au milieu des échauffourées. Malgré ses ambitions, The Evil Within n'a rien de naturel dans sa construction. Normal dans le sens où l'on évolue au milieu d'un univers fabriqué par le vilain de l'histoire. Mais cela s'avère souvent très artificiel, comme pour mieux justifier des changements de décors ou d'ambiance qui donnent surtout l'impression de traverser des bouts de niveaux plus qu'un univers construits. C'est d'autant plus flagrant à la fin du jeu, donnant une impression de bâcler les dernières heures à l'intérieur de The Evil Within. Passons sur le fait qu'il est impossible de survivre à certains pièges tant que vous n'êtes pas mort au moins une première fois, histoire de comprendre le mécanisme. Cela renforce d'ailleurs l'impression d'être pris en otage d'une narration linéaire où l'intelligence du joueur est mise au rencard. Mais lorsque vous tombez, tout à coup, sur un couloir avec des spots lumineux qu'il faut éviter pour ne pas revenir à votre point de départ. Un même couloir avec des fils déclenchant une mort certaine. Il n'est plus question ici d'une ambiance morbide ou d'une expérience sensorielle. On se retrouve tout à coup face à un concept vidéo ludique réduit à son minimum, n'apportant absolument rien au jeu et tranchant carrément avec une expérience purement immersive. Des détails de ce type, The Evil Within en contient tout du long. Et c'est assurément la raison pour laquelle le jeu s'effondre de lui-même au fur et à mesure que l'on avance dans cet univers inconsistant.

Tout n'est pas mauvais dans The Evil Within. Shinji Mikami insère quelques rares idées. La plus évidente, c'est l'utilisation d'allumette de façon à brûler rapidement le corps des morts-vivants que vous pourriez être amené à rencontrer. Vous pouvez aussi vous cacher dans une armoire ou sous un lit, laissant passer une menace trop imposante. Des abris de fortune qui vous placent dans une situation de vulnérabilité extrême surtout que la visibilité est alors très limitée. Cela vous rend d'autant plus vulnérable au moment où vous essaierez de continuer puisque vous ne serez pas forcément certain que la menace s'est réellement éloignée. La tension et la peur, on la retrouve donc un peu dans The Evil Within. Enfin, le jeu appuie sur la pédale du gore et de l'univers torturé. Dans le jeu, ça saigne énormément, les arrachages de têtes et empalements sont légions. Rien de véritablement choquant pour autant, les amateurs de films d'horreur ont vu bien pire sur un écran de cinéma. Et puis ce n'est pas vraiment le premier jeu à oser un tel carnage mais cela donne au moins à The Evil Within un petit côté extrême. Enfin, l'idée de l'étrange institut psychiatrique où le personnage revient de manière incontournable fonctionne plutôt bien. Outre le fait que cela apporte, au moins au début, un sentiment d'étrangetés, il dévoile des morceaux de l'intrigue tout en servant réellement d'axe dans les rouages du jeu puisqu'il est l'endroit où l'on peut sauvegarder mais aussi améliorer son personnage. Avec cet asile, on en vient peu à peu à se demander s'il ne faudra pas remettre en question la santé mentale du personnage que l'on dirige. D'autres jeux avaient osé l'impensable, celui de confronter le héros (et donc le joueur) à de véritables traumatismes et aux conséquences de ses actes comme dans Spec Ops : The Line, jeu qui de prime abord ne semble pas s'y prêter. Hélas, dans The Evil Within, ce type de révélation n'a pas vraiment court. L'épilogue ne viendra pas remettre grand chose en question sur le statut du héros, malgré son passif très cliché, et par extension celui du joueur.

The Evil Within est bien un retour en arrière vers les fondamentaux du «survival horror». Pas sûr que cela s'imposait réellement compte tenu de l'expérience de jeu délivrée par The Evil WithinShinji Mikami ne se montre pas des plus inspiré. Le jeu n'est pas une catastrophe, heureusement, mais à moins de n'avoir jamais joué à ce type de jeu ou bien si vous êtes un accro du genre, The Evil Within ne tient pas vraiment ses promesses !

Antoine Rigaud

Plateforme : PC, Xbox 360, Xbox One, PS3 & PS4
Développeur : Tango Game Works
Editeur : Bethesda Site officiel : theevilwithin.com

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
54 ans
10298 news
569 critiques Film & Vidéo
4 critiques Livres
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire