PIFFF 2013 : COURTS-METRAGES FRANCAIS

27 novembre 2013 
PIFFF 2013 : COURTS-METRAGES FRANCAIS

L'année dernière, le PIFFF proposait deux compétitions de courts-métrages, l'une française et l'autre internationale. En 2012, les deux projections laissait apparaître une évidente supériorité des courts en provenance de l'étranger. Un an plus tard, curieusement, la donne est inversée. Il faut croire que les courts, c'est un peu comme le vin, la qualité varie d'année en année...

Le samedi 23 novembre, nous avons donc assisté à une projection de sept courts-métrages hexagonaux diffusés les uns après les autres. Cela débutait avec PANDEMIE de Mathieu Naert. Le cinéaste utilise le «Fantastique» de manière nous présenter une métaphore surprenante mais aussi très inquiétante des résultats de la crise. Il ne s'agit pas ici de montrer la prolifération d'une maladie mais plutôt de la multiplication des chômeurs, menant vers une inéluctable déchéance. Le concept des pancartes est plutôt bien vu de façon à différencier l'état du héros mais aussi des personnes qu'il est amené à croiser tout en illustrant parfaitement le fardeau social d'une telle condition. Dans un premier temps amusant, PANDEMIE prête déjà bien moins à sourire au fur et à mesure qu'il avance jusqu'à une belle image finale.

JIMINY de Arthur Môlard a conquis le Jury de la compétition ainsi que celui de Ciné+ Frisson mais aussi le public du festival. En effet, le film part d'une excellente idée de science-fiction remettant en cause notre propre liberté de pensée par l'intrusion de nouvelles technologies. Et, à force de se complaire dans la facilité, on en vient à ne plus être capable d'assumer ses propres choix et d'accomplir diverses tâches pourtant élémentaires. Mais JIMINY se perd un peu en intégrant deux personnages qui parasitent un peu la fluidité de l'ensemble. Surtout que dans les deux cas, un autiste et un désaxé, cela donne un peu l'impression que les vrais problèmes vont survenir dans ce type de cas. Difficile de comprendre aussi l'allusion au cricket, si ce n'est de faire le lien avec le fameux personnage qui incarne la conscience de Pinocchio dans le classique de Walt Disney. Enfin, l'interprétation des comédiens n'est pas vraiment le fort de JIMINY. Cela reste évidemment un essai intéressant et ambitieux…

Par contre, l'interprétation dans MECS MEUFS est parfaite ! Pour être exact, ce fut notre coup de cœur lors de la projection des courts-métrages français. Et pour cause, le film réussit à allier le fond et la forme d'une excellente manière. L'écriture est maîtrisée de bout en bout, propose une réelle réflexion et ne s'égare pas en chemin ! Pourtant, ce film s'inscrit dans un registre largement plus commun dans le paysage audiovisuel français. Il démarre ainsi dans un bar où quelques amis parlent des relations homme / femme. A priori, rien de palpitant ! Mais le naturel des acteurs ainsi que les dialogues nous offrent un pur moment de comédie, dans le sens noble du terme. L'histoire propose ensuite un renversement qui finit par sombrer dans une situation sordide. Liam Engle réussit donc parfaitement à jouer avec les émotions et à provoquer une véritable bascule qui sort le film de son simple statut de blague. Le plus intéressant est certainement le fait que ce court nous montre qu'il est possible de s'approprier le «Fantastique» pour le placer dans un contexte contemporain et dans un cadre francophone, sans que l'on ne se demande à aucun moment s'il s'agit d'un film français ou en provenance d'un autre pays.

Du coup, la vision de ROSE OR THE MUTE LIARS devient surréaliste puisque ce court-métrage français de Gregory Monro est en langue... anglaise ! Un choix surprenant puisque d'un point de vue narratif, cela n'a pas de véritable pertinence. Peut être que l'auteur a voulu profiter de la musicalité de la langue qui sied peut être plus, pour lui, à des récits inquiétants. Techniquement, la mise en image est soignée mais nous sommes ici confrontés à un long monologue d'une femme, la caméra se focalisant essentiellement sur elle en dehors de quelques images éparses. Il faudra attendre l'épilogue pour que ce court nous gratifie d'une violente révélation. Autant dire que si vous n'êtes pas directement emporté par le conteur de l'histoire, cela s'avère un peu longuet et ce même si le film ne s'écoule que durant une dizaine de minutes !

JE NE SUIS PAS SAMUEL KROHM est certainement le plus curieux des courts-métrages de la sélection française. Curieux dans le sens où le film de Sébastien Chantal fait le pari osé de mélanger un propos socio-environnemental avec l'univers de H.P. Lovecraft, le tout intégré directement dans le terroir français. Quelque part, on navigue dans les eaux des RAISINS DE LA MORT mais en adoptant un ton tirant vers l'humour décalé et donnant au film un côté fort sympathique. Ce mélange contre nature fonctionne au final particulièrement bien. Mais à l'instar de JIMINY, le court aurait mérité d'être un peu plus resserré sur l'essentiel. Néanmoins, il y a une réelle volonté de présenter un fantastique purement français tout en proposant un véritable discours. Car s'il est impossible de ne pas voir l'analogie entre l'entreprise Santoflor du film et la bien réelle Monsanto, ce court-métrage développe réellement cette idée sans rester dans le purement anecdotique, particulièrement dans son épilogue faisant preuve d'une grande ironie !

Le court-métrage avec des morts-vivants de la sélection, c'était DIEU RECONNAITRA LES SIENS de Cédric Le Men. Une seule idée et rien d'autre, nous proposer une version inversée de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. C'est bien fait, c'est joliment mis en image mais, au final, c'est surtout assez creux ! Alors, évidemment, il sera possible de disserter sur l'éventualité de vouloir dénoncer l'intolérance en plaçant les humains à la place des morts-vivants et inversement. Le problème, c'est qu'en dehors de son aspect purement technique, de l'hommage au film de George Romero et de l'envie de donner au film un côté nostalgique en le plaçant quelques décennies en arrière, DIEU RECONNAITRA LES SIENS ne raconte au final pas grand chose et va pas plus loin que son unique idée principale.

Mais dans le genre démo technique, ON/OFF nous propose, lui aussi, un vide narratif. Cela tombe bien, ce court-métrage de Thierry Lorenzi se déroule en apesanteur et dans l'espace. Impossible de ne pas louer l'ambition du projet. En particulier en le découvrant quelques mois après la sortie de GRAVITY dans les salles obscures. Les moyens mis en œuvre n'ont certainement pas le même niveau et, pourtant, ce film s'en sort plutôt bien en plaçant sa caméra à l'intérieur mais aussi à l'extérieur d'une station spatiale en orbite de la Terre. Le point commun avec GRAVITY s'arrêtera là puisque ce court-métrage n'est pas un film catastrophe et nous propose de suivre durant quelques minutes une femme astronaute qui est perturbé par son statut particulier lors d'une sortie spatiale. Si la finalité n'est pas exactement la même, il est impossible de ne pas faire le lien avec MOON, ce qui donne au final un aspect bien moins malin et intéressant à la très maigre narration de ce film. On ne pourra donc se reposer que sur les images, certaines touchant du doigt l'état de grâce comme ce passage avec des particules de glaces…

Si tous les courts-métrages français n'étaient pas forcément tous axés sur une narration exemplaire, on a pu constater le lendemain, dimanche 24 novembre, que le versant international se reposait en grande partie sur un savoir-faire technique dénué d'un fond réellement fouillé à l'exception du métrage primé, THE MAN WHO COULD NOT DREAM !

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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