CINEMA : CLOVERFIELD

10 février 2008 
CINEMA : CLOVERFIELD

Il y a quelques mois apparaissaient de drôles de teasers sur Internet à propos d'un film qui s'intitulait CLOVERFIELD. Personne ne savait de quoi il en retournait et les rumeurs allèrent bon train. Un film de monstre ? Un film d'extraterrestres ? Ou carrément autre chose, comme la propagation d'un virus aussi mortel que foudroyant ? Petit à petit, d'autres informations vinrent compléter les premières images fugitives mettant les spectateurs d'accord sur un point : un monstre inédit s'attaquerait à New York. Et voici enfin la bête.

Contrairement aux apparences, J.J. Abrams n'est pas le réalisateur du film mais uniquement son producteur. Le monsieur a, entre autre, écrit ARMAGEDDON et réalisé MISSION IMPOSSIBLE 3 mais surtout officié en tant que producteur sur de nombreuses séries télé, dont ALIAS et LOST pour lesquelles il a également mis en boîte quelques épisodes. Pour l'écriture du scénario et la réalisation du film, Abrams a fait appel à respectivement Drew Goddard et Matt Reeves, deux participants fidèles aux séries qu'il produit. Le trio s'est donc attaqué à un projet d'envergure - le film catastrophe à base de monstre géant - mais avec un budget limité qui les a obligé à être davantage créatifs. Au lieu d'une mise en scène classique, Reeves a opté pour la vue subjective à travers une caméra vidéo tenue par des survivants qui essaient de se mettre à l'abri. Ce procédé a déjà été utilisé auparavant, comme dans le méconnu THE LAST BROADCAST ou, bien sûr, LE PROJET BLAIR WITCH et surtout CANNIBAL HOLOCAUST où il était amplement justifié. Mais à suivre les personnages de trop près, on encourt le risque de devoir délaisser une grande partie de l'histoire en réduisant la vision globale de la catastrophe qui se veut ici apocalyptique. Ainsi, contrairement à LA GUERRE DES MONDES de Spielberg, pour prendre un exemple récent, Reeves peine à retranscrire la menace sourde qui pèse sur ses personnages ainsi que ceux qui se trouvent pris dans la tourmente. A la place, on nous invite plutôt à visiter une zone de "guerre" où le plus grand des périls semble plus à craindre du côté des humains que d'une attaque monstrueuse.

En soi, c'était une bonne idée de filmer du point de vue d'un petit groupe de personnes paniquées. En effet, cela a l'avantage de ne pas téléphoner les moments de surprise en raison d'un montage et d'une bande sonore par trop classiques. Le spectateur est ainsi plongé dans les événements ce qui apporte une totale confusion. Mais à chaque avantage son inconvénient. Et le risque majeur d'un tel choix est de perdre le spectateur d'entrée de jeu parce qu'il faut bien le dire, la caméra est secouée dans tous les sens et de nombreuses séquences restent totalement illisibles. Plus on avance dans le film et plus le procédé perd en crédibilité dans le sens où l'on en vient à se demander si l'on continuerait à filmer au lieu de prendre ses jambes à son cou pour se mettre à l'abri. Le caméraman justifie son acte par le fait qu'il veut apporter un témoignage sur ce qui s'est déroulé. Argument pertinent où, à notre époque, chaque minute de vidéo peut être diffusée ou commercialisée mais au vu de ce qui est enregistré, le résultat n'a rien de probant pour un éventuel passage à la postérité. L'artifice vidéo a l'avantage de garder largement évasive la créature ce qui est plutôt positif gardant le spectateur dans l'attente d'en découvrir plus tout en générant une certaine forme de peur face à ce que l'on pourrait découvrir. Mais, au final, lorsque la créature est dévoilée dans toute sa splendeur, étrange et vaguement humanoïde, elle évoque plus la tristesse que la terreur. On ne saura jamais d'où elle vient ni ce qu'elle est. Black-out aussi concernant les créatures arachnides qui l'accompagnent. Le tout reste donc à l'état de supposition puisque les espèces d'araignées tombent du ciel comme une pluie monstrueuse pour s'attaquer aux infortunés passants. Les morsures de ces dernières semblent causer l'explosion soudaine de la victime mais, là encore, il faudra encore une fois laissé vagabonder l'imagination du spectateur. Le point de vue des survivants armés d'une caméra ne leur donne pas le droit à plus d'informations, même si l'armée semble au courant, et donc le spectateur restera sur sa faim !

L'oeil de la caméra vidéo restreint logiquement le nombre de personnages. Au début du film, nous assistons à la fête de départ de Rob (Michael Stahl-David) qui doit partir au Japon pour devenir vice-président d'une compagnie anonyme. Mais, très rapidement, le nombre de fêtards va se limité au nombre de quatre. Si on avait déjà du mal à s'identifier à une bande de jeunes yuppies beaux et riches, cela devient encore plus difficile par la suite tant ils sont inexistants et interchangeables. Rob est amoureux de Beth (Odette Yustman) qui agonise dans son appartement au 39ème étage d'un immeuble à moitié écroulé. Il décide donc de braver le danger pour aller la secourir. Pour cela, il entraîne alors Lily (Jessica Lucas) qui parcourt les décombres et les tunnels de métro en talons aiguilles, Marlena (Lizzy Caplan) qui ne devait même pas être là et Hud qui a été élu caméraman de la soirée pour enregistrer les messages d'au revoir des amis de Rob. Une belle équipe de personnages unidimensionnels qui ne sont pas le seul défaut du film. En effet, CLOVERFIELD se pare aussi de nombreuses incohérences : un Manhattan où ne vit pas un seul vieillard ou enfant et évacué en deux petites minutes, des soldats qui se découvrent soudain un cœur gros comme ça et permettent à des adolescents de repartir sans être ennuyé alors que la ville est sous la menace d'une annihilation militaire imminente et, surtout, une créature mal exploitée. Certes, ce n'est pas le GODZILLA de Roland Emmerich mais un point de vue plus général ainsi que des informations supplémentaires auraient été les bienvenues.

Sans être déçu à la sortie de la salle, il n'y a pas de quoi pour autant se sentir chamboulé non plus par ce CLOVERFIELD qui frôle par bien des aspects la médiocrité, à commencer par un scénario rachitique. Le meilleur de CLOVERFIELD, ce fut surtout le secret autour d'un film dont la promotion finement exécutée à créer une attente trop disproportionnée par rapport à ce qui se trouve à l'écran !.

Marija Nielsen

Sortie cinéma le 6 février
Site officiel : http://www.cloverfield.fr

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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