CINEMA : FRONTIERE(S)

27 janvier 2008 
CINEMA : FRONTIERE(S)

Xavier Gens n'a pas eu de chance avec son premier long métrage. Terminé depuis plus d'un an, le film a vu sa date de sortie sans cesse repoussée. Son deuxième film, HITMAN, est donc sorti dans l'hexagone avant son premier et FRONTIERE(S) ne reçoit qu'un nombre limité de salles (quatre seulement sur la capitale)… Déjà réalisateur de clips vidéo et de courts métrages, Gens s'est fait connaître aux fans du genre avec sa participation à la sympathique série, SABLE NOIR. Son segment, Fotografix, fait partie des plus réussis et témoignait déjà d'une réelle passion cinéphile doublée d'une énergie à toute épreuve, deux qualités que l'on retrouve multipliées par cent dans FRONTIERE(S).

Inspiré par le passage du FN au deuxième tour des élections présidentielles 2002, Gens a concocté une histoire qui met en scène cinq jeunes de banlieue perdus au milieu des manifestations et des affrontements violents avec les forces de l'ordre durant le soir des résultats du premier tour. L'un des jeunes se prend une balle et décèdera aux urgences tandis que ses camarades se séparent et prennent la fuite dans deux voitures différentes dans le but de passer la frontière allemande et avoir une chance de vivre une vie meilleure. Fatigués après quelques heures de route, Farid (Chems Dahmani) et Tom (David Saracino) se réfugient dans un petit hôtel, tout près de la frontière, tenu par des locaux pour le moins particuliers, adeptes d'une race pure et supérieure et fins gourmets de la chair humaine…

Sur fond de commentaire social, FRONTIERE(S) débute de façon assez quelconque en nous présentant des images de violence vues et revues et des personnages qui sonnent plus comme des clichés qu'autre chose. Mais petit à petit, en s'éloignant des tours grises de la capitale et de sa banlieue pour arriver dans la solitude de la campagne, les personnages commencent à se démarquer les uns des autres permettant de s'y attacher en dépit de nos premières impressions. En cela, FRONTIERE(S) n'est rien d'autre que le reflet de la vie où les préjugés règnent en maître sur nous tous, que l'on veuille bien l'admettre ou pas, et cela se vérifie jusque dans les actes des antagonistes. Portés à l'extrême sans tomber dans le piège de la caricature, la famille de tarés à défaut d'un autre terme, ne vit que par la destruction morale et physique de ce qui les offense. Dans le rôle du patriarche, on trouve Von Geisler, campé par un Jean-Pierre Jorris aux faux-airs de Jean-Marie Le Pen et aux méthodes particulièrement tordues. C'est lui qui décide qui se marie avec qui pour assurer la meilleure descendance possible. En voyant Yasmine (excellente Karina Testa), il se dit qu'un peu de sang neuf ferait du bien à la famille. Son influence est telle que les personnages se comportent différemment selon qu'ils soient en sa présence ou pas. Quand Farid et Tom arrivent les premiers à l'hôtel, ils sont accueillis par une Gilberte (Estelle Lefébure) aussi inquiétante qu'allumeuse, sa sœur Klaudia (Amélie Daure) limite autiste et puis Goetz, le grand frère, un homme dont le manque d'intelligence est directement proportionnel à la taille de ses muscles. Incarné par Samuel LeBihan, le personnage existe peut-être sur le papier mais à l'image, c'est un tout autre problème. Erreur de casting ou mauvaise direction d'acteurs, on ne peut que constater que ça ne va pas du tout et, en particulier, quand le personnage a des dialogues qui rappellent furieusement la pauvreté de langage des jeunes de banlieue dépeints. Il convient également de saluer la prestation des autres comédiens comme Alex (méconnaissable Aurélien Wiik), l'ex de Yasmine et père de son enfant à naître, ou Carl (Patrick Ligardes), le frère de Goetz et accessoirement fils préféré de son père ce qui ne manquera pas d'occasionner quelques moments de tension.

Le réalisateur ne cache pas son admiration pour MASSACRE A LA TRONCONNEUSE ou autres jolis fleurons récents du genre comme CALVAIRE, THE DESCENT ou les métrages de Rob Zombie, LA MAISON AUX 1000 MORTS et THE DEVIL'S REJECTS. D'ailleurs, ce serait impossible tant les références restent visibles mais le film n'est pas que clins d'œil sympathiques, il possède une identité propre qui en fait justement un digne successeur à MASSACRE A LA TRONCONNEUSE auquel il rend intelligemment hommage. D'une brutalité rarement vue à l'écran, Gens ne recule devant aucune atrocité commise sur les quatre jeunes qui se voient infliger des tortures plus inhumaines les unes que les autres. Par ailleurs, le film ne baigne pas constamment dans le sang comme le laisse supposer l'affiche. Il règne surtout une ambiance poisseuse et glauque à souhait et à l'instar de THE DEVIL'S REJECTS cité plus haut, l'aspect réaliste du métrage renforce les passages gore et leur confère plus d'impact qu'ils n'en ont vraiment. En cela, il est un peu dommage d'avoir versé dans le grand guignol pour la fin où le film flirte dangereusement avec le ridicule. Ce qui précède est tellement éprouvant qu'il n'était pas besoin d'en rajouter sur les scènes choc.

Bien que FRONTIERE(S) ne soit pas exempt de défauts, on imagine sans peine l'investissement personnel et créatif que lui a insufflé son équipe. L'image crasseuse comme il se doit, les décors qui atteignent des sommets dans la saleté et une superbe bande originale de Jean-Pierre Taieb assurent un moment de cinéma qui ne laissera certainement pas indifférent.

Marija Nielsen

Sortie cinéma le 23 janvier
Site officiel : http://www.frontieres-lefilm.com

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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