Header Critique : CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE (GATTI ROSSI IN UN LABIRINTO DI VETRO)

Critique du film et du Blu-ray Zone B
CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE 1975

GATTI ROSSI IN UN LABIRINTO DI VETRO 

Une série de meurtres sauvages, à base de femmes énuclées, se déroule au gré d'un voyage touristique à travers Barcelone. Le meurtrier semble provenir d'un groupe de touristes se déplaçant dans un bus.

GATTI ROSSI IN UN LABIRINTO DI VETRO (donc CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE) restait inédit en France jusqu'à cette édition DVD/Blu Ray du Chat qui Fume. Réalisé en 1975 dans une période excessivement prolifique de son auteur Umberto Lenzi. Entre le faux giallo SPASMO, LA RANCON DE LA PEUR et BRACELETS DE SANG, Lenzi s'était transformé en véritable Homme à la Caméra. Même si son oeuvre reste très très éloignée de Dziga Vertov !

Véritable touche-à-tout du cinéma de genre transalpin, Lenzi s'était essayé avec un grand succès (populaire et formel) au sexy-Giallo avec UNE FOLLE ENVIE D'AIMER et PARANOIA. Raccrochant au wagon post-Argento, il verse ici dans un Giallo appartenant à la vague tardive du genre. Et comparé à une oeuvre aussi séminale que LES FRISSONS DE L'ANGOISSE sorti la même année, CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE apparaît qualitativement comme plusieurs étages en dessous, fatalement. En même temps, sur une échelle de Richter du genre, il reste infiniment supérieur aux I VIZI MORBOSI DI UNA GOVERNANTE et autre IL VIZIO HA LE CALZE NERE (encore un titre qu'il faudrait sortir en HD!) sortis quasiment en même temps pour ce dernier. Lenzi film une oeuvre assez peu impliquante mais grâce à une iconographie soigneusement élaborée et un visuel soigné, transcende à minima un scénario éminemment médiocre.

Lenzi reprend un style visuel déjà efficace dans ses Gialli passés - sans verser dans l'exploitation crasse qu'il peaufinera avec certains de ses polizieschi tendance extrême-droite ou ses bandelettes cannibales. Un jeu sur les couleurs, avec une forte tendance sur le rouge. Logique, compte tenu du titre - mais également sur l'ensemble des décors et l'environnement des personnages. Qu'il s'agisse des chambres d'hôtel et des costumes, Lenzi trouve un moyen de rappeler la violence sous-jacente au spectateur. La chambre du prêtre (Georges Rigaud, toujours impassible à l'instar des RENDEZ-VOUS DE SATAN), avec toujours le contrepoint vert attendu - comme dans PARANOIA, ou des couvertures, le sang sur le couteau, le vernis à ongles, les tentures, tapis, nappes de la séquence du flamenco... allant même jusqu'au détail des bretelles ! Lenzi ne laisse rien au hasard pour son étude de représentation artistique multi-support.

Le film reprend à son compte un élément clé du film noir : l'anxiété. Comme moteur du mobile du tueur, entre autres. Mais Lenzi reste un vieux roublard. Des composantes déjà largement présentes dans L'IGUANA DALLA LINGUA DI FUOCO de Riccardo Freda, dont il s'inspire outrageusement ici - une infirmité étant également à la base du trauma qui provoque la vague de crimes. Maintenant, il reste assez peu probable que Lenzi se soit laissé aller à paraphraser le film noir sur la notion de femme fatale (et le film en contient plusieurs) et ses implications socioculturelles. Mais il surfe sur un genre, ce qui en fait son succès (érotisme, violence, homosexualité féminine, armes blanches, alibi exotique...), tout en en modifiant à la marge quelques éléments. A l'instar de Giuliano Carnimeo dans LES RENDEZ-VOUS DE SATAN, le tueur n'est pas ganté de cuir noir mais rouge pour Lenzi - comme dans LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS par ailleurs... Comme pour beaucoup de ses pairs, on reste dans un état de recyclage permanent et d'adaptation au style propre de son auteur. La scène du Luna Park provient du MANOIR AUX FILLES... Comme il saisit au vol la notion d'oeil comme témoin du passé, reprenant à son compte la thématique chère à Argento : le témoin involontaire qui voit mais ne se rappelle pas / n'a pas conscience de l'acte (L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL, LES FRISSONS DE L'ANGOISSE), ou celui qui est conscient mais ne voit pas (LE CHAT A NEUF QUEUES). Tout en repêchant au passage le thème du photographe développant ses photos avec la prise d'un détail fatal - à nouveau un pompage à peine voilé du CHAT A NEUF QUEUES, de manière ridicule par ailleurs dans la manière qu'a Mirta Miller de s'y prendre pour son travail de développement : en nuisette et en pleine lumière !

Et le pendant de la femme fatale qui prédomine dans le récit : l'homme en pleine crise de masculinité. La volcanique Susan Scott de LA MORT CARESSE A MINUIT, ou encore l'altière Anita Strindberg dans LA QUEUE DU SCORPION ou LE VENIN DE LA PEUR, pavent le chemin des futures héroïnes - qui prennent le pas sur leurs pairs masculins. Pour CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE, une évidence de voir le récit éviscéré de toute domination masculine. Et pas seulement par le fait que les victimes soient toutes des femmes, mais qu'elles apparaissent comme pivotales au récit. Les hommes sont réduits à la portion congrue de faire-valoir, John Richardson en tête - qui livre une performance morne, sans passion, manquant totalement d'alchimie avec une Martine Brochard combative. Un final relativement inattendu, et surtout surprenant avec un rôle plus charnu concernant Ines Pellegrini, le sempiternel alibi de femme de couleur du cinéma de genre transalpin des 70's. Généralement de passage, dénudée, elle devient ici plus qu'une présence : partie prenante de la narration. Cumulant deux des fonctions narratives du Giallo (lesbienne et noire), elle réussit non seulement à survivre - fait rarissime - mais également à posséder un personnage prônant la liberté de l'individu, sans rétribution meurtrière. Etonnant pour cette actrice, muse de Pasolini, étoile filante du cinéma de genre, réduite comme ses congénères Carla Brait ou Beryl Cunningham à des seconds rôles stéréotypés. Et retirée du cinéma depuis 1981, après une collaboration avec Alberto Sordi. Mais aujourd'hui indiquant dans une récente interview avoir trouvé plus de sens en travaillant comme volontaire pour les sans-abris à Los Angeles.

Passés ces éléments sociologiques et visuels, il faut composer avec un scénario excessivement banal, bourré d'incohérences, de facilités parfois déconcertantes. Il tente bien de multiplier les fausses pistes, pièges, coupables idéaux. mais de manière erratique, incongrue, et au final, terriblement banale. L'histoire se suit sans grand déplaisir, mais sans grand plaisir non plus ; Lenzi dirige mal ses attaques, hormis celle entremêlée de plans brefs de cochons en furie. En panne au bout des deux tiers du film, le scénario piétine pour arriver aux 90mn réglementaires. Le réalisateur sauve la mise, encore une fois, via une maestria visuelle qui compense des errements d'écriture. Le tout pour terminer sur la glorification du couple en crise au bord du divorce : à bas l'adultère, vive le couple recomposé !

Le Chat Qui Fume propose donc CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE dans une édition combinée Blu Ray (50 GB, région B) et DVD (DVD 9 - région 2). Dans le fourreau habituel s'ouvrant en triptyque, agrémenté de diverses photos du film et posters étrangers. Toujours luxueux à l'oeil. La galette HD est en 1080p, codec AVC-MPEG 4. Un très beau menu animé, pratique à la navigation, et une interactivité ingénieuse des sous-menus, à la fois pendant la vision du film mais également pendant celle des suppléments.

Durée complète de 92mn31, mais avec une sympathique présentation par Martine Brochard. Si bien que le long métrage reste doté d'une durée de 92mn07 - et au format 2.35:1 respecté (TechniScope), sur un BD 50 GB au débit régulier. Le film était déjà sorti chez le concurrent britannique 88 Films et force est de constater que l'avantage tourne à l'éditeur français. Un bien meilleur rendu visuel attend le spectateur. Des couleurs plus vibrantes, plus naturelles. On note justement des rouges flamboyants, des détails saisissants (contours des visages, chevelures, habits...) et surtout sans cette bizarre teinte rosée qui orne la version 88 Films qu'on peut aisément laisser de côté. Bref, un très bon point de la part du Chat qui Fume, opérant un de ses plus beaux travaux HD. Concernant le DVD, il est au même format Scope respecté et offre une durée de 88mn26,

Une seule piste audio italienne en DTS HD MA 2.0 mono, avec sous-titres français optionnels. Aucun accès via le menu, puisque seul le lancement du film reste possible : les sous-titres peuvent être uniquement désactivés depuis votre télécommande ou commande ordinateur. Rien à dire ici, hormis une version dépourvue de bruit de fond et autres fourmillements sonores. Très agréable, surtout aussi pour écouter la partition de Bruno Nicolai, bien mise en évidence. Pour la version DVD, une piste Dolby Digital italienne 2.0 mono là aussi de très bonne qualité audiophile, avec sous-titres français optionnels.

Un grand merci au Chat qui fume d'avoir donné la parole à la très douce et étonnante Martine Brochard, une actrice pas assez célébrée. Son interview la révèle humble, passionnée et rappelle avec beaucoup de finesse sa trajectoire. Ainsi que sa participation au film présent. Beaucoup de précisions sur son travail d'actrice, sa bonne relation avec le réalisateur. Indispensable. Par contre, très dommage qu'aucun avertissement ne fut fait sur la révélation de plusieurs éléments cruciaux du film pendant ce segment, dont sa résolution. Une erreur qui par contre n'est pas du tout commise sur le supplément suivant, qui contient bien un avertissement en la matière.

On poursuit donc avec un entretien avec feu Umberto Lenzi qui revient sur l'élaboration du film. Bon, on a un peu de mal à croire le bonhomme indiquant qu'il voulait faire le film gratuitement pour un pote en difficulté financière... tout comme ses propos sur le fait d'avoir évité les pièges du film à serial-killer ! Mais Lenzi est ce qu'on appelle « un bon client ». Généreux en anecdotes, volubile, il sait aussi - et on comprend qu'il était loin d'un manche - parler technique, avec un comparatif appuyé avec un autre Giallo réalisé peu de temps auparavant, IL COLTELLO DI GHIACCIO, ou encore SPASMO. Intéressant point de vue d'un cinéaste très actif. Qui finit aussi par expliquer l'origine (capillotractée) du titre animalier.

Enfin, dans la série initiée par l'éditeur sur «3 Gialli par...» : après Olivier Père et Fathi Beddiar, il s'agit de votre serviteur qui vous fait part de ses 3 Gialli préférés - vus sous l'angle du plaisir. Avec LE CHAT A NEUF QUEUES, LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS et LA QUEUE DU SCORPION.

Le Chat qui Fume complète par l'habituel rituel des films annonces de films de son catalogue et celui du film présent.

Au final CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE représente un Giallo de facture moyenne, sauvé par un flair visuel et quelques transgressions de règles du genre. Les amateurs apprécieront sans aucun doute. Mais il s'agit surtout du soin apporté à la très belle copie HD et des suppléments qui en font une édition tout à fait recommandée.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
On aime
Une très belle copie HD
Des bonus éclairants sur les méthodes de travail utilisées
Martine Brochard, lumineuse
On n'aime pas
Un Giallo banal
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L'édition vidéo
GATTI ROSSI IN UN LABIRINTO DI VETRO Blu-ray Zone B (France)
Editeur
Le Chat qui Fume
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
France (Zone B)
Date de Sortie
Durée
1h32
Image
2.35 (16/9)
Audio
Italian DTS Master Audio Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Blu-ray & DVD du film
    • Les yeux du Giallo - Entretien avec Umberto Lenzi (VIstf HD 23mn24)
    • Dans le Labyrinthe - Entretien avec Martine Brochard (VF HD 17mn23)
    • 3 Gialli par Francis Barbier (VF HD 13mn57)
      • Films annonces
      • CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE (version italienne - 2mn39)
      • LA ROSE ECORCHEE (VF - 2mn54)
      • LA SAIGNEE (Version anglaise - 2mn)
      • AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (version italienne - 2mn30)
      • COMME DES CHIENS ENRAGES (version italienne - HD - 3mn50)
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