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Critique du film
REALITE 2014

 

REALITE raconte les histoires croisées et absurdes de Reality une petite fille qui découvre une VHS dans les entrailles que vide son père d'un sanglier et se frotte au refus de croire en son histoire de ses parents, d'un présentateur d'émission culinaire persuadé d'avoir de l'eczéma sur tout le corps que lui seul peut voir, d'un directeur d'école, celle de Reality, qui pense se travestir en femme quand il rêve mais n'est plus très sûr que ça ne soit qu'en rêve après que Reality lui dise l'avoir vu, et puis il y a Jason incarné par un génial Alain Chabat qui se voit en cinéaste de série bis, gentils et patibulaire caméraman qui semble être le seul conscient du lent et inexorable dérapage de la réalité dans le rêve, et de l'absurdité du monde dans lequel il est.

Tous ces personnages se croisent, y compris un producteur à moitié fou qui tire au sniper sur d'innocent surfer avec un plaisir non dissimulé, et démontre un système, de réalité dans le rêve, de cauchemar dans la réalité, de répétition, de mécanisme, d'absurdité et de poésie qui forme un tout assez unique évoquant tout à la fois LOST HIGHTWAY de David Lynch comme un film de Luis Buñuel dans sa manière de manipuler l'onirisme comme l'absurde, mais il y a aussi le rêve dans ROSEMARY'S BABY de Roman Polanski, cette manière de ne jamais conclure, de ne pas dire exactement où est la fin ou le début du rêve si bien qu'il s'entremêle inlassablement avec ce qu'on croit être la réalité donnant au spectateur cette sensation unique qu'on a lorsqu'on s'éveille après un rêve particulièrement puissant et alors qu'il fait encore écho en nous et qu'on sent son empreinte comme si on était encore dedans on réalise qu'on est réveillé en même temps ce qui créer une sensation étrange en nous d'autant que si on essaie de se souvenir du rêve celui-ci nous échappe.

Rêverie onirique, REALITE est aussi un jeu d'absurdité où le producteur de film demande à Alain Chabat de fumer une cigarette en expliquant que c'est plus convivial ainsi mais lorsque Alain Chabat ne sachant fumer tient n'importe comment sa cigarette il la lui arrache des mains en proposant de sortir parce que ça pue la cigarette. Les séquences absurdes s'enchaînes, se lient les unes aux autres, guidées par une musique lancinante et hypnotisante qui finit par nous détacher de toute recherche de réalité dans cette composition poétique où la folie semble prédominer. Le mécanisme du film fonctionne ainsi, par le rire, la juxtaposition de séquences semblant déconnectée les unes des autres mais toutes traversées par le même sentiment d'irréalité, de manque de consistance des personnages qui sont creux, le père disant à la petite Reality que l'intérieur ne sert à rien alors qu'il vide mécaniquement l'animal. Mais plus encore le mélange entre le rêve et la réalité, le cinéma et la vraie vie, tout se retrouve mélangé ensemble, comme un cauchemar tournant en boucle.

Embarqué dedans, on se laisse emporté à condition d'adhéré d'emblée à l'idée qu'il n'y a pas de narration construite comme on l'entend au cinéma. Libéré des diktats, le scenario de REALITE n'offre aucune justification, aucune explication, il s'agit là d'absurdité totale. Il nous demande de laisser nos habitudes au placard et de le suivre dans ce monde déconnecté, à la fois froid et vide et en même temps poétique, drôle et touchant. Ce qui apporte au fond l'émotion tendre c'est la petite fille REALITE, sa manière de rire ou de déclamer la réalité quand tout le monde nie, mais aussi Jason le personnage de Alain Chabat, qui au moment sans doute le plus drôle du film décide tout bonnement de se rendre à l'asile le plus proche comprenant que ça ne va plus trop bien après qu'il se soit vu lui-même.

Dédoublement, vision miroir, répétition d'une séquence, à la fin tout s'emballe devenant de moins en moins compréhensible, de plus en plus fou. Critique du cinéma et de son mécanisme ou au contraire déclaration de sa croyance en lui, qu'importe, REALITE raconte quelque chose il est certain, mais son message est plus universel, il parle d'un sentiment, d'une émotion, d'un grain de folie qu'on touche parfois en rêve quand l'inconscient vient nous parler, malheureusement on se réveille toujours au moment où ça devient intéressant. REALITE nous donne exactement la même sensation. Quand le film s'achève et que la lumière se rallume on a l'impression qu'on allait toucher quelque chose d'important. Rêve du début à la fin, REALITE n'est rien de plus que ça, peut-être une mise au point pour Quentin Dupieux avec lui-même aussi, mais pour nous c'est davantage un moment inédit, un voyage excessivement rare au cinéma, une expérience onirique.

Rédacteur : Sophie Schweitzer
Photo Sophie Schweitzer
Passionnée de cinéma et littérature de genre, elle a fait des études de cinéma et travaille désormais comme cadreuse. A côté de son travail, elle écrit des nouvelles fantastiques et horrifiques.
36 ans
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