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Critique du film
JULIA 2014

 

New York City, Julia (Ashley C. Williams) se rend à un rendez-vous galant mais se trouve prise au piège d'un ignoble viol collectif. Laissée pour morte, elle revient dans son appartement, murée dans son silence. Hagarde, elle erre entre son job et les bars. Elle y entend une conversation sur un médecin qui effectuerait des miracles concernant des cas extrêmes comme le sien. Elle initie alors une thérapie inédite aux conséquences sanglantes.

Inévitablement, JULIA se confrontera aux remarques concernant son sujet, ressemblant en diable à L'ANGE DE LA VENGEANCE et la myriade de films errant dans la catégorie «Rape and Revenge». Julia apparait comme fragile, renfermée, peu sûre d'elle même - ce qui la rapproche de la psychologie de Zoe Lund dans l'opus d'Abel Ferrara, qui se passait également à New York City. Ici, au diapason d'une file de fond new yorkaise tendance underground, un peu sale, en opposition avec les jeunes yuppies responsables de sa descente aux enfers. Pourtant, malgré ce canevas de base ressemblant à des dizaines d'autres, le réalisateur/scénariste/producteur Matthew A. Brown va s'employer à repenser ce sous-genre qui semble bénéficier d'une seconde vie. A noter que JULIA est son premier long, et que le sujet rappelle aussi son court métrage VICTIM.

Le «Rape and Revenge» survit aux années via notamment I SPIT ON YOUR GRAVE de Steven Monroe, remake du «classique» OEIL POUR OEIL. On sent toutefois dès le début que cela n'intéresse pas vraiment l'auteur, qui se dirige vers une autre voie. Un Scope impeccable adoubé d'une photographie aux teintes sombres. Se lovant dans des bars louches, en demi-lumière, aux tables nimbées d'un court filet de lumière. Une héroïne dévastée et un groupe de femmes décidées - et le récit embraye vers des éléments inédits. A savoir qu'un traitement miracle via un psychothérapeute interprété par Jack Noseworthy qui oblige la patiente à oublier la vengeance envers ses tortionnaires. Et à se reposer sur la confiance absolue envers son mentor pour suivre un chemin de rédemption.

Un film décidément ténébreux, se déroulant aux 3/4 de nuit dans un New York glauque, comme la traumatisante plongée aux enfers physique et psychologique de Julia. Et sa renaissance brutale, sa transformation physique d'un clone d'UGLY BETTY à celui d'une folle furieuse ivre de violence. Ses repères moraux nouvellement trouvés serviront d'ailleurs de quasi unique de point de vue récit. cette thérapie réparatrice provoquera - le but du métrage!- plus de dégâts de que véritable guérison. Une violente charge contre les charlatans se proclamant spécialistes-bobologues en tous genres, gourous manipulateurs ou politiciens réactionnaires. Faisant ici oeuvre de Frankenstein lâchant sa créature dans les rues - sans en comprendre la teneur ni l'impact sur un esprit torturé. La hasard et la violence, somme toute. Ceci via une mise en scène intelligente. Des traits stylistiques bienvenus, comme de ne jamais voir le psychothérapeute de face - seulement en fond d'écran, et toujours flouté. Comme si le mal larvé n'avait pas de visage.

Le scénario s'avère malin, croisant les thèmes de domination et de féminisme afin de mieux brouiller les cartes. Julia a toujours été dominée : au travail et de par son viol collectif, laissée pour morte, dominée sexuellement et physiquement par des hommes. Accueillie par une communauté de femmes à qui il est arrivé une épreuve similaire, elle entrevoit une délivrance. La première mise à mort transparait comme une solution de substitution. Un effort collectif particulièrement violent, sanglant jusque dans des détails intimes - mais finalement rassérénant. Un exutoire. Renier le passé afin de mieux embrasser le futur s'avère une négation de sa psyché.

Et là, JULIA bascule dans un bis arty-urbain dont la première heure avait soigneusement évité les pièges. Il faut oublier les saillies nauséeuses à la MANIAC COP ou, justement, à la Abel Ferrara quand il était encore bon. Les polars ultra-violents aux portraits psychotiques en phase avec un décorum urbain en voie de pourrissement. Rien de tel ici. Oscillant entre un portrait de femme en devenir de prendre un pouvoir par les armes, qui devra passer par une apocalypse sanglante. De ce fait, un final grand-guignolesque pointe le bout de sa hache. Les stéréotypes d'usage abondent, en collant une louche de lesbianisme par ci, des menottes par là… terrain connu. Particulièrement sanguinolent, doté d'une révélation absolument grotesque (et pas vraiment nécessaire), le dernier quart tient ses promesses en baquets d'hémoglobine. Mais le film ne sait pas vraiment choisir entre un ton limite parodique, une ambiance Pulp et un upgrade gothico-chic du genre «Rape and Revenge». Sabordant quelque peu la cohérence du sujet et de la mise en scène entretenue jusque là.

Le film réussit à ne pas prendre position quant au comportement de Julia. Aucun point de vue moral, juste une mise en abime de l'aspect cyclique de la vie d'une femme - le film s'ouvrant et se terminant sur un plan identique, juste une Julia transfigurée au final. Entre désir, manipulation et violence - un pouvoir nouvellement acquis, pleinement conscient, laissant supposer une paix intérieure malgré sa folie contenue - pour le moment. Une femme moderne? Un manifeste féministe ultime? Ou juste une oeuvrette d'exploitation dont le schéma a été mis à jour pour 2014? le film laisse le choix au spectateur, entre malaise et sourire en coin.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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