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Critique du film et du DVD Zone 2
THE HIDEOUS SUN DEMON 1959

 

Dans l'avalanche de série B de Science-fiction qui s'est abattue sur le monde dans les années 50, chacun tenta plus ou moins de sortir du lot. Originalité du propos, scénarii délirants, monstres grotesques, mélange des genres, énormités scientifiques, inaptitude du metteur en scène... THE HIDEOUS SUN DEMON, c'est un peu tout cela à la fois, mais plus encore. La preuve par le sujet : après une exposition à des radiations, le savant atomiste Gilbert McKenna (Robert Clarke) devient une créature hideuse mi-homme mi-lézard au seul contact du soleil.

THE HIDEOUS SUN DEMON est co-écrit, co-réalisé, produit et joué par Robert Clarke. Les amateurs le connaissent bien car il à joué dans nombre de perles de la série «B» : THE MAN FROM PLANET X, un intéressant Edgar G. Ulmer, THE ASTOUNDING SHE-MONSTER, BEYOND THE TIME BARRIER (encore Ulmer), jusqu'au ridicule FRANKENSTEIN ISLAND de Jerry Warren, et terminant sa carrière dans ALIENATOR et HAUNTED FEAR. Tourné sur douze week-ends avec sa famille, entre autres, et à force de location de matériel, la majeure partie des 60.000 dollars de budget qu'il a rassemblé est allé dans l'élaboration du costume du monstre.

Au fur et à mesure de sa progression narrative, on décèle que le film tente maladroitement de combiner les grandes influences Bis de cette décade. Le scientifique qui joue avec le feu (mal), la transformation physique (ça fait mal), l'amour impossible car je me transforme en monstre (sentimental, ça fait mal). Avec une explication fumeuse de la régression génétique à l'état de lézard suite à une malencontreuse exposition à un isotope particulier (souvenez-vous : le nucléaire, c'est mal), le héros va donc... mal. Waow. Sérieux, ça. Du lourd. Du pesant. Mais aussi, quel con d'avoir manipulé des isotopes sans respecter les protocoles de sécurité. «Tiens, un isotope est tombé par terre, je l'ai ramassé car il traînait, ça faisait désordre.». Ca donne une idée de la solidité du sujet de base et du peu de sérieux à accorder à son traitement.

Et en regardant d'un peu plus près, on découvre une multitude d'influences. La transformation dramatique d'un homme pris dans un engrenage qu'il ne peut contrôler : c'est Larry Talbot dans LE LOUP GAROU, la progression dramatique du MONSTRE de Val Guest, voire même le destin tragique d'André Delambre dans LA MOUCHE NOIRE, sorti l'année précédente, ou encore la thématique de L'HOMME QUI RETRECIT. L'influence néfaste du soleil se rattache quelque peu au mythe du vampirisme et de la malédiction qui l'accompagne. L'amitié entre la petite fille et le héros traqué fait furieusement penser au FRANKENSTEIN de James Whale – la scène entre la créature et la petite maria au bord de l'eau. Il est aussi intéressant de voir ALLIGATOR PEOPLE sortie aussi en 1959, sur un sujet pas si éloigné. Et bien sûr, le look de ce «hideux démon du soleil» rappelle le Gill Man de L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR et ses suites. Un joyeux melting pot !

Le film de Robert Clarke n'échappe que très rarement à ses origines modestes. Des décors étriqués et vides, des dialogues bâclés et un jeu d'acteur parfois limite ne relèvent pas le niveau. Mais malgré le côté bricolage de l'entreprise, le charme fonctionne. Le côté malheureuse victime recluse déclenche l'empathie du spectateur et on sent que Clarke prend à cœur l'entreprise : il est ainsi le meilleur à l'écran, de très loin, et apporte un sceau de crédibilité.

Ces déchets empoisonnés de la technologie apportent le ressort nécessaire à un argument de base passablement ridicule. Et si le soleil, source de vie, devenait un élément mortifère ? Cette question ambitieuse et grave donne ainsi lieu à une bandelette tournée à l'arrache. Qui du côté technique tient la route de manière sporadique. Robert Clarke élabore des plans curieux, en plaçant des éléments devant la caméra afin de créer une certaine profondeur de champ. D'autre part, les scènes finales restent à ce titre les plus spectaculaires. Le découpage hardi, les plongées/contre-plongées vertigineuses et l'audace des plans donnent une ampleur inattendue au métrage. On imagine aisément la complexité du tournage et la mise en scène de la poursuite. Et la caméra sait aisément capter les avantages à tirer de l'architecture du lieu.

Ainsi, si THE HIDEOUS SUN DEMON épouse des thématiques propres aux années 50 et aligne les clichés inhérents au genre, il se dégage une sympathie attachante, même si on a l'impression d'assister à une version sérieuse de MANT !, tout du moins dans l'esprit des stéréotypes 50's. Le métrage possède une patine «B» à tous les étages de son élaboration. Et il n'a pas trop à rougir de la comparaison avec d'autres séries B sans-le-sou de l'époque.

Robert Clarke inocule au récit d'authentiques moments autres. Une certaine intensité, aujourd'hui révolue, dans les scènes se déroulant dans la cave (35ème minute) qui confient à l'épouvante. Où encore lorsque la créature dévore un rat, voire la violence du meurtre du policier (66ème minute). L'amitié qui se noue entre McKenna et la petite Suzy (Xandra Conkling), au creux d'une vieille bâtisse nichée dans un champ d'exploitation pétrolifère. McKenna tombant amoureux d'une chanteuse de cabaret entamant une (superbe) ballade jazzy nommée «Strange Pursuit» – qui devait être le titre original du film ! Dommage que la beauté de la chanson ait été ravagée par la comédienne au playback épouvantable et au jeu d'actrice frisant le studio Justin Bridou de l'excellence théâtrale – Nan Peterson pour la nommer, qui possède néanmoins un attrait érotique 50's pas désagréable, dans son rôle de énième avatar de Marilyn Monroe.

Un point à part : la référence au darwinisme. Un fait assez rare dans la science-fiction et le fantastique de cette époque, plus enclin à invoquer le châtiment de Dieu pour quiconque a voulu se prendre pour lui ou défier/transgresser les lois de la nature et s'en trouve justement puni. Aucune référence de ce type ici, mais un rapport à la théorie de l'évolution dont McKenna indique que Darwin «n'avait même pas encore gratté la surface».

Pour la petite histoire, le film bénéficia d'une nouvelle version en 1983 nommée REVENGE OF THE SUN DEMON (ou encore WHAT'S UP, HIDEOUS SUN DEMON ?). Avec l'accord et l'aide de Robert Clarke, Craig Mitchell remonta et doubla le film de manière parodique. A la manière du WHAT'S UP TIGER LILLY que Woody Allen détourna en 1965, la bande-son fut entièrement refaite au profit d'un scénario du monstre victime d'une crème solaire qui fonctionne à l'intérieur du corps. Le fils de Clarke y fait une des voix... et même Jay Leno.

THE HIDEOUS SUN DEMON est malgré tout très fun. Oui, le costume fera probablement plus rire que peur vus nos standards actuels (voir les traces de sueur laissées sur les cuisses à la fin !). Oui, Nan Peterson NE SAIT PAS jouer du piano et c'est pathétique à voir. Oui, le film mange à tous les râteliers. Mais... l'énergie déployée assume un spectacle jamais ennuyeux. C'est tout ce qu'on demande !

Artus Films a sorti le film en France pour la première fois dans un luxueux coffret nommé arbitrairement LES MONSTRES VIENNENT DE L'ESPACE. Sauf qu'ici, la bébête de THE HIDEOUS SUN DEMON vient du fond des âges, mais ce n'est pas grave. Il se trouve sur la même galette que NOT OF THIS EARTH de Roger Corman. Le second DVD du coffret offre aux yeux ébahis des spectateurs THE COSMIC MAN et l'excellent KRONOS de Kurt Neumann. Comme pour les autres coffrets de l'éditeur, un livret de 12 pages égrène sympathiquement (et trop brièvement) une décennie d'attaques extra-terrestres et monstrueuses dans le cinéma américain, entre 1950 et 1960. S'y joignent une série de reproductions format cartes postales des films présents dans le coffret. Du beau boulot.

Pour la copie, on trouve le film en noir et blanc d'origine, au format 1.33:1 et pour une durée exacte de 71 minutes et 36 secondes. A noter que le film est sorti en DVD aux Etats-Unis il y a 12 ans chez Image Entertainment, puis ressorti en double programme avec REVENGE OF THE SUN DEMON en 2003, au même format.

Techniquement, la galette reste d'un niveau médiocre, probablement eu égard au matériau initial. Quelques rayures éparses (à partir de la 68ème minute, scène de bagarre entre le, policier et la créature, par exemple), des griffures d'époque, une compression visible et une définition pas toujours avantageuse, loin s'en faut... mais on suppose qu'hormis un film émanant d'un grand studio genre Universal, les copies de ces productions «maison» sont aussi bonnes qu'il puisse espérer de les voir aujourd'hui. Idem pour la piste sonore en anglais 2.0 mono. On sent le souffle mais cela ne gêne ni n'altère la vision. Là aussi, les dialogues demeurent largement audibles, tout comme les effets sonores. Des sous-titres français amovibles complètent le tout.

Pour les bonus, si l'on passe le livret et les cartes postales, on pourra y découvrir les quatre films annonce originaux des films composant le coffret, ainsi que sur cette galette, un diaporama d'une minute sur les affiches et lobby cards de THE HIDEOUS SUN DEMON, puis de NOT OF THIS EARTH.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
THE HIDEOUS SUN DEMON DVD Zone 2 (France)
Editeur
Artus
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h11
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • THE HIDEOUS SUN DEMON
    • NOT OF THIS EARTH (1957)
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