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Critique du film
EDGAR ALLAN POE'S LIGEIA 2008

 

Wes Bentley suit une carrière bien risquée. Après une interprétation catastrophique dans le médiocrissime P2, il verse dans le catatonique avec énième adaptation du Ligeia d'Edgar Allan Poe. Curieuse production bicéphale ukraino-américaine qui titille le fantasticophile de par son sujet et le souvenir ému de, entre autres, la version filmée par Roger Corman au milieu des années 60.

Le film fait illusion le temps des cinq premières minutes. Un magnifique plan aérien où une camera virevoltante se focalise, depuis la mer, sur une jeune femme à cheval au bord d‘une falaise désolée, le tout baignée d'une photographie sépia du plus bel effet. Dès l'arrivée au château, le spectateur impuissant assiste à un éclair numérique zébrant le ciel pixellisé. Transparence hideuse, effet raté : bienvenue au royaume du «El Cheapo», magie des effets très spéciaux qui ont l'art de tout mettre par terre.

Wes Bentley joue, donc, le rôle de Jonathan Merrick, un professeur de littérature. Il est envoûté par la mystérieuse Ligeia Romanova (Sofya Skya) avec qui il se marie et s'envole pour l'Ukraine. Dans son château, la jeune femme effectue des expériences sur l'immortalité de l'âme.

LIGEIA, c'est tout d'abord la beauté des décors de telenovela exigus qui ressemblent à une fête de l‘ambassadeur à qui on aurait volé des Ferrero Roche d'Or. Puis des costumes gothiques (le noir égale le mal, au cas où le spectateur serait un idiot en phase terminale). Mais c'est, également, une boîte aux laser-shows dignes d'un concours Eurovision organisé en Estonie du sud où on fait la fêêêêêêête parmi les dix danseurs sur la piste aux étoiles ! Dans cette adaptation aux goûts du jour et du producteur, tout concourt à décrédibiliser la vision du réalisateur, s'il en a jamais possédé une. Le monde de LIGEIA donne surtout dans l'artificiel, le facile, le bling bling, le strass râpeux, le clinquant, le factice... Une coquille vide à l'image du film.

Comme le récit de Poe se pare d'un romantisme fantastique désespéré, on se prend à espérer que celui-ci fasse son apparition au milieu du métrage. Poe de zob, aurait dit Edgar Allan qui pour le coup vient de refaire une quadruple boucle piquée dans son cercueil à la simple connaissance de ce nouveau rejeton celluloïdal.

Faute à l'absence de sincérité vis-à-vis du matériau d'origine dans un scénario piteux qui tente maladroitement de jouer à la fois dans le registre du gothique tout en essayant de répondre au cahier des charges de la co-production. Ce LIGEIA-là ressemble plus à un clip à la gloire de la donzelle locale de l'étape, Sofya Skya, au jeu d'actrice limité et qui tente de compenser par son physique. Mais faute aussi à un manque d'ampleur de la réalisation qui ne sait pas tirer parti de son format Scope. Mais aussi qui peine à masquer une direction d'acteurs indigente, doublée d'une écriture aléatoire nous offrant un scénario erratique qui aligne au petit bonheur la chance des rebondissements et personnages inutiles.

Manque de Poe (ou pas de Boll, au choix) le casting semble en partie responsable. Non à cause du jeu des acteurs qui font ce qu'ils peuvent, mais en raison du choix des comédiens très has-been/will-never-be qui ne servent en rien le récit. La présence «prestigieuse» d'Eric Roberts (ou Michael Madsen heureusement sans serpillière sur la tête, le commentaire vaut aussi pour lui) est symptomatique de ce type d'entreprises. Si cet acteur parfois charismatique offre des prestations honorables, son nom au générique d'obscurs produits Z (RAPTOR !) signifie paiement d'impôts. LIGEIA n'échappe pas à la «Règle Roberts», tant son rôle ne sert à rien dans la narration. Il suit ainsi la règle du «nom» au générique, le second rôle sur qui on peut compter, le «ah oui, je me souviens de lui… c'était dans quel film ?», qui permet à une affiche de faire plus riche. Riche est un bien grand mot. A ce jeu, un shaker peut aussi bien sortir Michael Ironside ou Lance Henricksen. Le scénario aurait pu également jeter aux orties le rôle de la fiancée de Merrick, Kaitlin Doubleday, faisant office de blonde pneumatique de service (gentille, donc) et qui, là aussi, sert à remplir les 90 minutes obligatoires. Il est même impossible de la qualifier de ressort ou d'enjeu dramatique tant son rôle demeure translucide.

En fait, on a beau chercher quelque chose d'intéressant, rien ne transpire. Ce n'est pas que Narta ait été inutiles aux héroïnes, qui se trémoussent beaucoup à l'écran, mais il existe un manque cruel d'Axe pour les héros dont la qualité de jeu zoome sur le néant. Et on se retrouve dans la salle de projection à attendre le passage du temps, à espérer une sursaut du récit, une idée… Tiens, en voilà une. La seringue plantée dans le cou des décédés dont Ligeia retire l'âme : durée quinze secondes de métrage. L'attente se prolonge, rude. Wes Bentley traverse une pièce, hagard. Arrive la fille d'Eric Roberts, possédée. Poe, céder ? Au grand jamais ! Mais encore eut-il fallu que les scénaristes l'eussent véritablement lu…

Comme aucune idée ne survient, il est donc temps de lancer un nouvel éclair numérique, un nouveau plan foireux, un nouveau désintérêt. Mais comme on fait son LIGEIA on se couche, dit l'adage populaire, car jamais une aussi belle literie n'aura fait autant de bien à un corps malmené par un esprit qui a du assister à un spectacle aussi inintéressant et dont la vacuité n'a d'égale que l'ambition au raz du décolleté de l'héroïne.
Ah oui, au fait : pour faire bien et culturel, Wes Bentley récite le poème The Conqueror Worm pendant que défile (enfin) le générique final. On ne le voit plus, c'est toujours ça de pris. Puis Sofya Skya revient en deuxième semaine et pousse la chansonnette pour «la» chanson du film. Ceci avec la force du parasite sonore qui s'ingénie à revenir même lorsqu'on le chasse de son esprit. A propos de chasse, il est temps de la tirer.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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