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Critique du film
THE BURROWERS 2008

 

Le Western horrifique fait partie de ces curieux croisements que le cinéma a engendré. Et l'inspiration guide les auteurs depuis plusieurs décades, car cela donne des œuvres aussi singulières que DANS LES GRIFFES DU VAMPIRE ou un JESSE JAMES MEETS FRANKENSTEIN'S DAUGHTER de douloureuse mémoire. Ou plus récemment GHOST RIDERS, VORACE, ANGEL OF DEATH de James Conant ou LEFT FOR DEAD d'Albert Pyun, tout en attendant GALLOWWALKER d'Andrew Goth courant 2009.

THE BURROWERS (littéralement : «Ceux qui enterrent») est la nouvelle livraison du genre, cette fois-ci sortie par Lions Gate Films. Même s'il s'agit d'un film clairement tourné pour le grand écran (Image en Scope, mixage Dolby Digital et DTS), force est de constater qu'il semble voué à échouer directement sur le marché de la vidéo et c'est bien dommage. Aucune date de sortie cinéma ou DVD et Blu-ray n'étant prévue à ce jour, il faut espérer que les nouveaux tenanciers de Lions Gate ne feront pas subir à THE BURROWERS une sortie sabotée comme pour MIDNIGHT MEAT TRAIN en 2008.

1878. Une famille du Dakota est violemment attaquée et une jeune fille enlevée. Un groupe mené par un militaire raciste (Doug Hutchinson) suit la piste de qu'il croit être des indiens, jusqu'à capturer et torturer un indien Ute (Tatanka Means) pour l'occasion. Mais le petit ami de la disparue (Karl Geary) comme le reste des hommes, dont un Clancy Brown en grande forme, sont attaqués par autre chose que des indiens.

Bien plus qu'un film de genre, THE BURROWERS offre une lecture orientée sur les personnages et leurs interactions plutôt que sur les créatures qui motivent le récit. J.T. Petty (MIMIC 3) écrit et réalise THE BURROWERS : il possède une certaine ambition non dénuée de talent par rapport aux produits actuels. THE BURROWERS ne souhaite pas offrir aux spectateurs un simple film de monstre aux codes éculés et respectés à la lettre. On prend un peu peur dès le début du film d'assister à une nouvelle variation de TREMORS sauce western pour se rendre compte peu à peu que Petty s'éloigne de ces prémices pour se diriger vers autre chose. On songe également aux DISPARUES mais cette fois-ci avec la mollesse en moins et les rebondissements en plus !

Nouvelle mythologie du monstre, avec une somme de macabre dans leurs habitudes alimentaires qui poussent un peu plus loin la simple nourriture sur cadavre auxquelles nous sommes habitués dans les films d'horreurs actuels. Une touche écologique pare le récit : la nature de l'homme propre à détruire son environnement – et donc responsable de sa propre perte. Ces concepts refont surface petit à petit dans le film de genre, et on note avec ce film précis deux autres métrages présents au Festival de Gérardmer 2009 qui font écho à ces tourments écolos : soit GRACE et LONG WEEKEND. Car le réalisateur semble vouloir donner au cinéma une nouvelle race de monstre (une magnifique création de Robert Hall): parti pris d'originalité assez rude tant le bestiaire fantastique est déjà chargé d'exemples radicaux. Ici, les origines demeurent séculaires, enfouis dans la nuit des temps, à mi-chemin entre la mythologie indienne et l'horreur contemporaine. Pas de désir d'accumuler un nombre de meurtres au kilomètre comme n'importe quel slasher ou film d'horreur d'exploitation de base, mais de créer un nouveau mythe.

L'approche de la mise scène passe par une photographie quelque peu désaturée et atmosphérique de Phil Parmet (THE DEVIL'S REJECTS, HALLOWEEN) et qui fait place à la beauté des paysages sauvages. De splendides plans larges, un cadre ample qui capture de manière parfois remarquable la profonde solitude d'hommes au milieu d'une nature mystérieuse. Et ici dangereuse. D'où ces plans de cette bande de cow boys vus de loin, parcourant l'horizon, un peu comme si Terrence Malick avait pris possession de la caméra l'espace d'un instant. Le rythme choisi (d)étonne : peu de métrages ont le courage de la construction de l'atmosphère, de la patience de la composition de plans, de la direction d'acteurs précise, aux jeux des regards, au peu de dialogues – réalistes, par ailleurs : voir les indiens Ute- pour laisser plutôt parler le langage des images. Oubliez le montage épileptique, la caméra parkinsonnienne, les grossiers effets sonores, les clins d'œil appuyés. Cette quête désespérée de la disparue sonne comme un écho fantastique à LA PRISONNIERE DU DESERT, tout en revêtant un aspect horrifique et social sur le danger de la civilisation à outrance d'une nature que l'humain a toujours voulu dompter.

Tout en construisant la montée dramatique, J.T. Petty sait s'y prendre pour générer des moments de tension et de frissons. Classiques attaques larvées de créatures tapies dans l'ombre, mais efficaces. D'autant plus que le réalisateur a l'intelligence de présenter les créatures de manière furtive et de respecter la règle Cormanienne de ne les révéler qu'en fin de métrage. Leur look original, tout comme leurs habitudes alimentaires, demeurent assez fascinantes, tant il provoque répulsion et curiosité sur leurs fonctionnalités, leur mode de déplacement souterrain et leur modus operandi d'attaque. Mais si les scènes de suspense et d'horreur pure garnissent l'écran, Petty n'oublie pas de raconter une histoire et de greffer des thèmes là aussi séculaires sur la propension de l'humain à générer ses propres monstres.

Quelques scories empêchent l'adhésion complète au film. Si les personnages apparaissent bien dessinés et la progression dramatique maîtrisée, le scénario ne gagne pas en originalité au fur et à mesure du métrage, ne serait-ce que par son fondement. Certains traits caricaturaux collent assez mal au ton général : voir par exemple le personnage primaire et raciste du chef de cavalerie. Cela casse les efforts de subtilité des rapports qui tentent de s'établir. D'autre part, si l'époque traitée nous fait grâce de la sempiternelle scène du téléphone portable qui ne capte pas, on n'échappe pas à celle du piège à loup qui se referme sur une jambe bien amochée.

Mais avec ces tribulations d'anti-héros au final peu éloignés des meilleurs personnages de Western américain, Randolph Scott n'est pas très loin au pays des abominables créatures souterraines qui dévorent des êtres humains. Abominables ? Oui, de par leur statut nocturne et prédateur. Mais au fond, sont-elles aussi terribles que le genre humain ? La fin laisse entrevoir une conclusion autre, désenchantée vis-à-vis de la colonisation de l'Ouest américain. C'est en quelque sorte la belle conclusion d'un film imparfait mais au visuel largement supérieur à la grande majorité des films de genre. Et qui saura plaire aux spectateurs attendant un spectacle sortant des sentiers battus.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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