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Critique du film
MIRRORS 2008

 

Ben Carson a tout perdu, ou presque. Démis de ses fonctions de policier suite à une bavure dans laquelle son collègue fut tué, il est séparé de sa femme et occupe de façon temporaire le canapé de sa sœur. Il trouve alors du travail comme gardien de nuit dans le Mayflower, une ancienne galerie marchande ravagée par un incendie ayant tué de nombreuses personnes. Lors de sa première ronde, il remarque d'étranges traces de mains sur les innombrables miroirs qui recouvrent littéralement les murs. Emporté par sa curiosité, il décide de mener une investigation personnelle sans savoir que sa présence dans les lieux a déjà réveillé les habitants des surfaces réfléchissantes eux-mêmes en quête d'un certain Esseker…

Pour son deuxième long-métrage de l'autre côté de l'Atlantique, Alexandre Aja s'est attelé à un nouveau remake bien que celui-ci diffère nettement plus de l'original que ne le faisait son précédent effort, LA COLLINE A DES YEUX. Inspiré par le film coréen INTO THE MIRROR (de Kim Seong-Ho, 2003), Aja a encore une fois co-écrit le scénario avec son comparse Grégory Levasseur pour un résultat dépassant – et de loin – l'œuvre originale. Pour ceux qui l'ont vu et s'en souviennent, INTO THE MIRROR ne présentait pas un intérêt phénoménal. De nombreuses longueurs et un suspense somme toute relatif en faisaient un métrage tout juste moyen. Mais depuis que les exécutifs Hollywoodiens ont décrété que tout film asiatique méritait sa version occidentale, tout y passe ou presque (encore heureux !). Ayant accepté le projet dans le but d'en faire un film plus personnel, Aja a surtout gardé l'idée de départ concernant ce qui pourrait se cacher dans le reflet d'un miroir et y a ajouté une sombre histoire d'expériences psychologiques douteuses.

Certains trembleront d'effroi en se remmémorant l'excellent HAUTE TENSION du même réalisateur. Mais là où une psychologie de comptoir venait gâcher l'un des meilleurs survivals en existence, la leçon a de toute évidence été apprise par le duo de scénaristes qui a potassé son sujet un peu plus en profondeur. En se basant sur le dédoublement de personnalité, ils ont concocté un matériel solide pour expliquer les hantises du Mayflower. Avant d'être un grand magasin, le bâtiment abritait un hôpital psychiatrique dont les stigmates sont encore visibles au sous-sol. Encore fallait-il les trouver mais une judicieuse fuite d'eau montre le chemin à un Ben Carson plutôt débrouillard. Interprété par Kiefer Sutherland, l'acteur incarne son personnage dépressif et ex-alcoolique avec beaucoup de justesse et de crédibilité. Certains y verront une sorte de reprise de son rôle de Jack Bauer de la série télé 24 HEURES CHRONO mais ce serait faire preuve d'une certaine mauvaise foi que de réduire le travail du comédie à de la fainéantise. Son interprétation mémorable du Docteur Schreber dans l'incroyable DARK CITY est encore bien présent dans nos mémoires et bien que Ben Carson ne lui ressemble en rien, Kiefer Sutherland fils se débrouille très bien et il en va de même pour ses collègues. Sa femme Amy est jouée par Paula Patton dont la filmographie ne comporte qu'une petite dizaine de rôles dans des films de facture plus classique tels que HITCH ou DÉJÀ VU. Tout aussi convaincante que son "mari" à l'écran, le personnage s'avère plus profond qu'il n'y paraît de prime abord. On a l'impression qu'elle manque de force personnelle pour s‘imposer face à son répondant masculin mais on se rend vite compte qu'il y a trop d'amour entre ces deux là pour qu'ils puissent se détacher l'un de l'autre. Du fait de leurs métiers respectifs - lui était policier et elle est médecin légiste - on devine qu'ils se sont rencontrés «au travail». Ces activités professionnelles très particulières en plus de leur couple mixte ont soudé des liens quasi indestructibles entre eux. Leurs relations sont en ce sens particulièrement bien développées et les moments d'exposition qui alourdissent souvent un métrage se révèlent ici aussi touchants que bien écrits. Quant à la sœur de Ben, elle existe sous les traits d'Amy Smart (L'EFFET PAPILLON) et bien que son rôle soit réduit à tout juste une apparition, elle effectuera une sortie qui en laissera plus d'un bouche bée…

Si la mise en scène ne réserve aucune surprise particulière sans s'affubler de tics stylistiques aussi gratuits qu'inutiles, Alexandre Aja fait néanmoins preuve d'une grande maîtrise professionnelle. Autant à l'aise dans les moments gore et violents (la baignoire ou encore le final… explosif), le réalisateur sait tout aussi bien gérer les moments de pure ambiance afin de faire frissonner le spectateur. En témoignent les scènes se déroulant dans le Mayflower, sublime décor réel trouvé en Roumanie, où il réussit à nous déstabiliser à un tel point que l'on ne sait plus si l'action se déroule dans les miroirs ou dans la réalité. Cette étrange impression conduit à une totale immersion du spectateur et bien que certains moments chocs soient prévisibles, ils n'en demeurent pas moins drôlement efficaces. Une autre séquence clé du métrage démontre les mêmes qualités mais se déroule cette fois dans la maison d'Amy tourmentée par les reflets de son fils. Le seule reproche que l'on puisse faire au film, ce serait un curieux choix de montage où certaines coupes sont trop abruptes voire incompréhensibles. Mais c'est bien peu de choses face aux plaisir ressenti.

La véritable force du film réside dans son sujet principal, les miroirs - ou plutôt, ce qui pourrait se trouver à l'intérieur. Inutile d'évoquer l'histoire bien connue de la petite Alice, les miroirs ont toujours exercé une fascination certaine sur l'imaginaire et nul besoin d'être artiste pour en éprouver de l'attirance. Les enfants en bas âge sont fascinés par leur propre reflet, les ados s'admirent devant et une fois adulte, le miroir devient soit un repoussoir soit un objet indispensable. Que voit-on dedans ? La réalité ou une déformation exercée par notre esprit ? Les malades souffrant de schizophrénie ne supportent pas de se voir dans un miroir durant un épisode de délire car ils ne s'y reconnaissent pas. A la différence d'une personne souffrant de dédoublement de personnalité, les schizophrènes restent lucides et conscients de leur état mais ont l'impression de ne plus avoir le contrôle d'eux-mêmes. A ce sujet, la trouvaille concernant l'expérience psychologique conduite dans les tréfonds de la précédente incarnation du Mayflower est particulièrement bien trouvée car elle entre complètement dans la logique du dédoublement de la personnalité. Dans le contexte du film, cette expérience se révèle on ne peut plus cruelle et ses répercussions aussi destructrices qu'impressionnantes lors d'un final d'une violence surprenante.

A l'heure où sont rédigées ces lignes, Alexandre Aja et son complice, Grégory Levasseur, sont pleinement occupés sur un nouveau remake, celui de PIRANHAS. Aux dires des intéressés, le scénario ne fait que s'inspirer de l'histoire originale, à l'instar de MIRRORS, donc. Certains voient déjà d'un mauvais œil le fait que le réalisateur français se soit installé aux Etats-Unis pour faire des films produits par un grand studio. C'est aller un peu vite en besogne car il est évident au vu du résultat qu'Alexandre Aja jouit de la confiance de ses producteurs et les résultats obtenus jusque là continuent de confirmer son talent.

Rédacteur : Marija Nielsen
54 ans
98 critiques Film & Vidéo
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