Header Critique : ROYAUME INTERDIT, LE (THE FORBIDDEN KINGDOM)

Critique du film
LE ROYAUME INTERDIT 2008

THE FORBIDDEN KINGDOM 

Fan de cinéma asiatique, Jason squatte la boutique d'un vieux chinois où il achète des DVD en version originale et dénuée de sous-titrage. Embringué par quelques voyous dans un sale coup, il va entrer «fortuitement» en possession d'un bâton magique. Bien vite, cet étrange objet va le transporter dans la Chine médièvale…

Sur le papier, LE ROYAUME INTERDIT a tout du métrage inquiétant et casse-gueule. La réunion des deux plus grandes vedettes des arts martiaux encore en activité, fantasme de fan, ne pourrait bien mener qu'à une vilaine déception. Surtout que ce film n'a rien d'une production chinoise et est en réalité financé par les Américains. Ceux-ci ont de surcroit décidé de confier la mise en scène à Rob Minkoff, cinéaste ayant œuvré sur des œuvres aussi impérissables que STUART LITTLE et LE MANOIR HANTE... La pantalonnade commerciale ne demande donc plus qu'à s'étaler mollement sur les écrans. Attendez cependant avant de vous enfuir en agitant les bras et hurlant au sacrilège ! Car LE ROYAUME INTERDIT est, contre toute attente, une bonne surprise que l'on attendait pas vraiment…

A l'origine du film, John Fusco invente une histoire qu'il raconte, en épisode, à son jeune fils. Passionné par les arts martiaux qu'il pratique, il trouve là un moyen de véhiculer auprès de son enfant les divers aspects d'une culture qui lui est, à la base, étrangère. Mais ce n'est pas une première pour ce scénariste qui s'est beaucoup intéressé aux légendes et à la spiritualité des Amérindiens. A ce propos, il signera les scripts de THUNDERHEAD, thriller policier se déroulant dans une réserve indienne, mais aussi le surprenant DREAMKEEPER, un téléfilm en deux parties dévoilant une petite partie de la richesse du folklore des premiers habitants de l'Amérique du Nord. Sans avoir jamais pensé à l'origine en faire un film, il évoque ce conte imaginaire à base de kung fu à un producteur qui est séduit par l'idée. Il n'en faut pas plus pour réunir les deux acteurs qui incarnent à eux seuls le cinéma des arts martiaux des années 80 et 90 : Jackie Chan et Jet Li. Cela tombe bien, les deux artistes ont envie de travailler ensemble et ils sont sur le marché hollywoodien depuis quelques années déjà. Le scénario sera réécrit en fonction des deux grandes stars et le tournage sera délocalisé en Chine. Décor naturel, acteurs et techniciens sont donc majoritairement asiatiques. L'inévitable Yuen Woo Ping assure au passage les chorégraphies martiales pour deux acteurs avec qui il a déjà travaillé à plusieurs reprises sur des productions de Hong Kong (IL ETAIT UNE FOIS EN CHINE, LE MAITRE CHINOIS, BLACK MASK, LE CHINOIS SE DECHAINE, etc…). La production américaine ne laisse donc rien au hasard ! De magnifiques décors et costumes viennent donner encore un peu plus de cachet à une production qui se veut relativement respectueuse dans sa démarche. Visuellement, le spectacle est le plus souvent de toute beauté. Si la mise en scène des affrontements martiaux ainsi que le design sont très réussis, il existe encore pas mal de pièges dans lesquels un film comme LE ROYAUME INTERDIT pourrait tomber. A ce niveau, il est d'ailleurs intéressant de prendre un autre film comme point de comparaison. Lorsque Ronny Yu débarque aux Etats-Unis, il emballe MAGIC WARRIORS. Ce film à destination des enfants partage en effet des similitudes concernant son scénario. Dans les deux films, un jeune héros brimé se voit transporter dans un autre monde où il va suivre une initiation le menant à contrecarrer de puissant despote. Là où Ronny Yu se plantait un peu avec son film, Rob Minkoff, pourtant Américain, évite la plupart des peaux de bananes jonchant le sol d'un tel projet.

Le scénario, plutôt simpliste, de John Fusco narre une nouvelle histoire d'initiation aux arts martiaux comme on en trouve des centaines (voire des milliers) dans le cinéma d'action. Il n'y a, pour être franc, que bien peu d'originalité dans LE ROYAUME INTERDIT. Mais John Fusco n'est pas là pour révolutionner le genre. Le scénariste va surtout exprimer son amour pour les arts martiaux et les films du genre. Les clins d'œil sont parfois grossiers mais la bonne humeur générale du film emporte l'adhésion. Ainsi, pèle mêle sont évoqués de façon plus ou moins clairs LES GRIFFES DE JADE, LE MAITRE CHINOIS, THE BRIDE WITH WHITE HAIR ou bien L'HIRONDELLE D'OR. L'histoire s'amuse à télescoper récits, personnages et situations héritées de tout un pan du cinéma des arts martiaux asiatiques. A ce propos, le générique qui ouvre le film est un pur régal puisqu'il détourne de façon très réussie des affiches pour la plupart issues des studios Shaw Brothers de la grande époque. Le spectacle débute ainsi de la plus belle des manières en explicitant dès le départ son humble entreprise. Car LE ROYAUME INTERDIT n'est pas un film ultra référentiel à la Tarantino où le cinéaste vampirise plus qu'il ne rend véritablement hommage. Modeste et simple, le film s'ouvre à tous les publics en adoptant un ton aventureux et naïf. Il devient, ce qui est pour le moins étrange, une bonne façon d'initier petits et grands à un cinéma virevoltant très éloigné des métrages ennuyeux et constipés à la TIGRE ET DRAGON. Evoluant complètement dans les eaux de l'action et souvent de la comédie. Certains traits d'humour semblent d'ailleurs sortir tout droit d'un véritable film chinois. Une occasion aussi de confronter les personnalités très différentes de Jackie Chan et Jet Li, deux maîtres qui ne manquent pas de se prendre le nez. La rencontre entre les deux géants est tout de même un poil décevante, même si elle est bien orchestrée, en raison de l'utilisation d'effets qui viennent aider les deux hommes à se montrer bien plus souples et agiles qu'ils ne le sont réellement aujourd'hui !

En invoquant nombre de figures du cinéma et des légendes asiatiques, LE ROYAUME INTERDIT intègre ouvertement le fantastique avec l'un de ses représentants les plus célèbres. Le film met ainsi en scène le facétieux roi singe incarné de nombreuses fois sur les écrans. Les plus observateurs pourront d'ailleurs entrevoir quelques images de l'un des films produit par la Shaw Brothers sur ce sujet. Armes magiques et pouvoirs exceptionnels finissent de donner au ROYAUME INTERDIT un parfum de conte mythologique des plus agréables. Mais le film n'a pas que des qualités, il a aussi un défaut de taille. Sa musique écrase assez souvent et de manière très envahissante les actions spectaculaires qui se déroulent à l'écran. Le compositeur, David Buckley, oscille ici entre le Hans Zimmer balourd et des accents à la Morricone qui ne marient pas franchement bien avec les images. Une faute de goût qui s'ajoutera à quelques rares passages du film moins réussis à l'instar des séquences se déroulant aux Etats-Unis. Finalement, c'est bien peu face à un film divertissant qui donnera le sourire au petit frère comme au grand-père.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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