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Critique du film
THE MIST 2007

 

Un violent orage ébranle dans la nuit une petite ville du Maine. Au petit matin, ses habitants se retrouvent en masse à la superette du centre ville pour faire le plein de produits de première nécessité. C'est alors qu'un épais brouillard envahit la ville, dissimulant dans sa brume des créatures belliqueuses. Reclus dans le magasin, les habitants vont tenter de survivre aux attaques des monstres, mais surtout à l'hystérie et à la peur engendrées par le groupe lui-même.

Si jadis le nom de Stephen King était garant d'adaptations cinématographiques de qualités et débitées à un rythme soutenu, les années 2000 auront vu la superbe du célèbre auteur s'effriter face à l'odieux ratage DREAMCATCHER de Lawrence Kasdan ou encore les peu mémorables FENETRES SECRETES de David Koepp ou récemment CHAMBRE 1048 de Mikael Hafstrom. Alors que l'on pensait les écrits de King condamnés à être (ré)adaptés au petit écran pour alimenter les fins de soirées (voir les nouvelles versions de CARRIE, DEAD ZONE ou encore SALEM), THE MIST vient nous réconcilier avec l'inspiration du roi (déchu ?) de l'épouvante. Une réussite que l'on doit à Frank Darabont, réalisateur et scénariste déjà responsable de deux des meilleures adaptations de King au cinéma (LES EVADES en 1994 et LA LIGNE VERTE en 1999).

THE MIST se base sur la nouvelle Brume, publiée chez nous en 1985 dans un recueil éponyme compilant d'autres histoires courtes de l'auteur. Si l'argument «visuel» de l'histoire fait penser à FOG de John Carpenter, ce récit de survie à l'intérieur d'un lieu commun (ici une superette) transposé dans un univers incompréhensible fait davantage penser à la bande dessinée japonaise L'Ecole Emportée de Kazuo Umezu. Entre temps, le brouillard est devenu un personnage phare de l'univers horrifique grâce à la série vidéo ludique des Silent Hill (porté à l'écran en 2006 par Christophe Gans), série qui ne cache pas s'être laissée influencer par la nouvelle originale. On pourrait ainsi croire que THE MIST arrive après la bataille, misant sur une histoire vieillotte d'un auteur quelque peu éculé. Ce serait faire l'impasse sur le talent scénaristique de Darabont, qui va parvenir sans mal à transcender le texte d'origine pour nous servir un film fantastique adulte de haute tenue, à mille lieux de la mode «boucherie charcuterie» qui mine le genre depuis quelques années.

Si THE MIST est un film de monstres inspiré de l'univers de Lovecraft, c'est avant tout le récit d'une communauté. Une communauté loin d'être soudée dans la peur et la détresse provoquées par cette invasion brumeuse. Le film exploite la moindre tension entre les personnages, faisant se mettre à dos ancien citadin reclus à la campagne (le héros est un illustrateur travaillant pour Hollywood, un autre personnage est un avocat de couleur) et ploucs rétrogrades n'ayant jamais franchit la frontière de la petite ville. Le danger est parfois plus important à l'intérieur même du lieu de survie quand une fanatique religieuse parvient à rallier une importante faction du groupe sous ses élucubrations christiques. Cette peinture extrêmement noire des relations humaines rattache ainsi THE MIST (film à première vue d'inspiration «classique») à la vague bien plus contemporaine des films post-11 septembre, qui s'attache à décrire la société américaine comme une façade cachant très mal sa déliquescence sous l'effet d'une agression extérieure. La mise en image de Darabont, d'ordinaire propre et soignée, se déstabilise pour l'occasion, captant l'action dans un style inspiré du documentaire entre recadrages sauvages et reprises de focale. Un parti pris particulièrement emprunté, mais qui s'inscrit dans le filmage de l'histoire avec une certaine efficacité.

Les rebondissements au sein des survivants feraient presque oublier les attaques des monstres, rares mais intenses. Que ces derniers pénètrent dans la superette ou que nos héros décident de monter une expédition dans la pharmacie d'à côté pour trouver des médicaments, THE MIST gère son suspense à l'ancienne malgré les effets numériques, donnant à certaines scènes un cachet véritablement intemporel (dans le bon sens du terme). THE MIST, futur classique des adaptations de Stephen King ? On est prêt à prendre les paris à la sortie de ce spectacle classieux et maîtrisé, arrivant à nous surprendre tout en respectant humblement les codes du genre, et au final estomaquant de noirceur. La nouvelle de King se terminant dans le flou (on n'ose pas dire le brouillard), Darabont ose une fin inédite que l'on n'aurait jamais cru possible d'un cinéaste regardant d'ordinaire du côté lumineux de l'auteur.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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