Header Critique : NO REST FOR THE BRAVE (PAS DE REPOS POUR LES BRAVES)

Critique du film et du DVD Zone 0
NO REST FOR THE BRAVE 2003

PAS DE REPOS POUR LES BRAVES 

C'est comme une légende dont personne n'aurait entendu parler.

Alain Guiraudie, déjà auteur du très réussi moyen métrage CE VIEUX REVE QUI BOUGE, récidive avec son premier long-métrage à la croisée de plusieurs chemins, entre fable, thriller, documentaire social et film fantastique. Prenant le contre-pied d'une narration logique, il réussit le tour de force de renouveler des genres codifiés, ruant dans les brancards de par un positionnement violemment progressiste et louchant vers l'anarchie.

Basile (Thomas Suire, formidable) est une jeune homme fantasque obsédé par un rêve prémonitoire : celui de FaftaoLaoupo, annonciateur du dernier sommeil avant de mourir. Refusant de dormir, il tente alors de s'échapper de son village qui a, par ailleurs, été le théâtre du massacre de vingt habitants. Intrigué par le rêve de Basile, il est alors poursuivi par Johnny Goth (Laurent Soffiati) et Igor (Thomas Blanchard) qui font un lien avec le massacre. Basile est entre-temps devenu Hector, et vit avec Roger (Roger Guidone) à Village-Qui-Meurt. Il se rend régulièrement à Village-Qui-Vit pour y rencontrer ses amis… mais c'est là que Johnny Goth le repère. Commence alors une cavale à travers le monde, peuplée de rencontres hétéroclites et de trafics sur laquelle plane en plus l'ombre de FaftaoLaoupo et de la mort qui rode.

Un refus de l'ordre établi, de l'ordre des choses. Mais qui dit refus ne dit pas anarchie visuelle, bien au contraire. Un sélection de couleurs vives, de lumière quasi-aveuglante dans les scènes de nature, un vrai focus sur les couleurs et leur rapport au contraste social. La campagne et ses habitants sont bien vivants, loin de tout stéréotype habituel auxquels les media souhaitent nous habituer. Ensuite, le film poursuit la logique d'un rêve éveillé, en bordure d'une falaise effritée, marchant sur le fil du rasoir. Un soin tout particulier est apporté aux images. Qu'il s'agisse de la vague géante qui engloutit l'un des protagonistes où du visuel étrange de Village-Qui-Meurt, tout porte au travail de la matière. Ce refus d'Hector de mourir, d'accepter son destin. Cette volonté de rester éveillé, cette persuasion de tenir une vérité autre que celle acceptée par les masses panurgées.

Le travail de la référence, aussi. Un cinéma contestataire, qui retrouve une fibre militante, passionnée et passionnante. L'ombre de Dalton Trumbo et de JOHNNY GOT HIS GUN, avec ce personnage qui dit se nommer Johnny Goth tout en brandissant une carabine pour menacer Hector. On songe aussi à Bunuel, où l'absurde, la parabole sociale font irruption dans cette incroyable scène où le tenancier d'un bar, sous des lumières rougeoyantes, tente de posséder sa femme sur le billard tandis que les clients dansent autour de lui. Une ode à l'initiation de la vie, avec Alice/Hector passé de l'autre côté du miroir. La musique toujours trop forte où chacun est obligé de pousser la voix pour s'entendre. Chaque action est presque matière à code… Godard traverse aussi l'esprit à la vision du film, comme l'ouvrière qui bégaye comme dans PASSION, il faut comprendre que la parole ouvrière bégaye… aller au-delà du simple symbole porté à l'image. Ce n'est pas qu'une campagne qui meurt qui est montrée, mais une en train de renaître ?

Le visuel en vient aussi à une révolte de la notion de beau, de la représentation de ce qui doit être. Là où on attend un relais de l'époque où le film fut tourné, on ne voit que des modèles de voitures vieux de 25 ans (Renault 16, Citroen BS…), un avion des années 50, une musique rock-folk-punk tout droit sortie des années 70… Jusque dans la forme même du film, celui-ci continuant bien au-delà de la fin du générique. Sans oublier des indices disposés précautionneusement afin de faire comprendre que le cinéma peut (doit ?) être plus qu'un simple objet de divertissement.

Un réalisme social, cher à René Clair, teinté de référentiel ouvrier (relatif d'ailleurs à l'ambiance de son premier moyen métrage CE VIEUX REVE QUI BOUGE) est l'autre pan de ce métrage. Une infinie poésie des images magnifiées d'une campagne aride mais généreuse. L'amour unissant Hector et Roger est montré comme intégré à la société où ils évoluent. Leur différence d'âge ne sera jamais ni un obstacle ni démontré comme une problématique. Il est, simplement. Comme les autres personnages. Des images simples, une mise en scène précise, sans fioriture ni effets de caméra gratuits. Sans parti pris, ils installent une complicité, un calme. Mais pas de repos pour les braves, car Hector se trouve poursuivi. Pourquoi ? Peu importe. Quiconque cherche une raison ou une motivation se perdra en cours de route. Le film devient un vrai fantasme hyperbolique d'une réalité discursive, sous la forme d'une ballade existentialiste.

Hector tente fuir en avion, mais si l'avion démarre et commence sa course, c'est pour ne pas décoller. En bout de piste, un bar/restaurant d'aéroport. En poussant les portes, Hector tombe nez à nez avec des clients consommant… en plein champ. La porte n'est qu'une façade, les gens lui rient au nez. Sa fuite prend l'eau. Et si au lieu de fuir, il fallait se retourner contre son poursuivant ? Là aussi, cela semble être une piste de réflexion sur la nature du film. Sa culture propre, celle de combattre la mort de tout combat contre la nature de l'humain ?

Dans cet océan d'images et de logiques entrechoquées, ce qui peut intriguer par la suite est la forme de film policier teinté de thriller. Un obscur trafic de boules rouges mène Johnny Got à travers le monde : Le Liban, L'Ecosse, le Brésil … alors que la caméra ne montre que des routes de France profonde. Guiraudie s'amuse à travestir la réalité. Hector arrive dans la capitale du Brésil et la caméra montre un village de France avec le panneau «Buenauzères». Des panneaux de direction montrent "Glasgaud", "Oncongue" ou "Riaux de Jannerot". Peu importe, le pouvoir est à l'imagination, la réalité est différente de celle qu'il nous est donnée de voir. Voir plus loin que les yeux, c'est ce que semble vouloir dire Alain Guiraudie. Il n'empêche que cette forme de film de genre donnera à la deuxième partie du film son ton le plus brutal (les bastons sont étonnamment réalistes et les coups assez violents). Johnny Got écartelé et tabassé par deux caïds locaux se démenant pour contrôler le trafic de boules rouges et intrigués par ce personnage qui tente de les rouler de manière éhontée. Et donc de faire taire les trouble-fêtes.

Ces histoires apparemment sans lien spécifique trouveront leur propre logique au final. Mais à l'évidence, celles et ceux qui attendent un récit propre et lisse devront passer leurs chemins. PAS DE REPOS POUR LES BRAVES n'offre pas de recette prête à l'emploi. D'une structure propre à un certain rêve éveillé (qui bouge toujours, d'ailleurs), Guiraudie ne prend pas son spectateur pour un imbécile, la bouche ouverte prêt à être nourri de n'importe quelle image pré-machée, mais pour un animal doué de déraison. C'est ce qui lui donne aussi cette force inattendue et sa fraîcheur lorsque le cinéma actuel pêche de par sa tiédeur. Le film est à l'image du rêve raconté dans la séquence initiale. Des images faites de morceaux de mémoire, qui n'ont aucun sens à priori, mais qui, mises bout à bout, dopées par la musique, semble enfin révéler la finalité attendue.

Sorti dans une collection «International Film festival» commercialisée aux Etats-Unis par TLA Releasing, le DVD offre une édition au format et doté d'un transfert 16/9. Ce que l'acheteur voit, il aura. Rien de plus. L'édition est tout ce qu'il y a de plus correct, offrant de jolis contrastes dans les scènes nocturnes. (Notamment les scènes travaillées de Village-Qui-Meurt). Ce qu'il entend sera un mixage 5.1 de facture honnête, tirant surtout parti des voies avant. Des ambiances discrètes, quand bien même le film joue beaucoup sur la contradiction des images et des sons, ce n'est pas ce qui gênera la vision ni l'audition. Une piste stéréo (2.0) est aussi présente, moins riche, jouant moins sur les sons environnants, favorisant les dialogues mais pas l'émergence de la musique. On trouve aussi un chapitrage en 15 parties, sobre et non animé (avec au moins des images-vignettes du film comme repère). Edition américaine oblige, le spectateur peut choisir des sous-titres anglais. Le tout étant complété par une galerie de dix photos, d'un intérêt plus que limité et de bandes-annonces de films présents dans la même collection.

Le DVD Zone 2 français sorti par Antiprod se caractérise par des bonus plus riches (interview du réalisateur, courts-métrages divers), mais ne donnant qu'un mixage en stéréo.

Richesse thématique, invitation au voyage, refus des événements qui semblent aller de soi et du conservatisme. Un vrai vent de liberté d'expression traverse le film. Eclatement de la narration, du récit, de la réalité diégétique. Liberté de ton et d'amour, goût du combat. Pas de repos pour les braves, les vrais, ceux qui iront acheter illico ce morceau de vie fantastique.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
PAS DE REPOS POUR LES BRAVES DVD Zone 0 (USA)
Editeur
TLA
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h42
Image
1.85 (16/9)
Audio
Francais Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
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