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Critique du film et du Blu-ray Zone B
LE JOURNAL INTIME D'UNE NYMPHOMANE, LE 1973

 

Une rêverie érotique d'une promeneuse solitaire - entre la vie et la mort. Puisqu'il s'agit d'une morte nommé Linda (Monserrat Prous) qui va raconter sa déchéance à travers son journal intimes lu par ses proches - et elle-même. Une construction scénaristique éprouvée (yes, CITIZEN KANE passa par là) et qu'on peut retrouver encore aujourd'hui dans le plus récent (et excellent ) POUPOUPIDOU, entre autres exemples.

Ce JOURNAL INTIME D'UNE NYMPHOMANE est sorti en juin 1973 en France, puis ressorti avec des inserts hard en 1977 sous le titre LES INASSOUVIES. Il a déjà été édité en DVD par le passé outre-atlantique sous le titre de SINNER, mais il s'agit d'une première dans l'hexagone pour le trouver en format Blu Ray et dvd par le biais du Chat qui Fume. Produit par Robert de Nesle, dans la période LES POSSEDEES DU DIABLE ou encore LA FILLE DE DRACULA, ce film de Jess Franco sortira sous son pseudo de «Clifford Brown» - en hommage à un trompettiste de Jazz - jazz qui parsème par ailleurs ce long métrage.

Avec un titre aussi exploitatif, il fallait plus ou moins s'attendre à une explosion de sexe et de stupre made in Franco. Curieusement, si l'ensemble est parcouru de frissons salaces, on tient un objet plus que ce simple titre qui titille les sens: un des tous meilleurs Franco de la période Robert de Nesle. Franco prend quelques risques narratifs en choisissant une structure moins linéaire et transformer l'ensemble en une sorte d'à la recherche de la beauté souillée (et perdue). On retrouve un catalogue d'obsessions de M. Jess / «j'essaye de me renouveler mais je n'y arrive pas». Donc scène de strip tease, show lesbien, plans foufounes? mais avec ce petit plus ici qui le sort du lot.

Tout d'abord une utilisation radicale de la bande sonore, ou Franco tente de retrouver l'osmose opérée entre image et son de VAMPYROS LESBOS. Rock psyché progressif à fond dans la scène boîte de nuit, musique éthérée des scènes de coucheries, parsemé de fusion jazz pour les scènes de cabaret/bar. Ça fonctionne - dommage que les flash-backs ralentissent quelque peu la fluidité du récit. On retrouve quelques éléments musicaux des EXPERIENCES EROTIQUES DU DOCTEUR FRANKENSTEIN - la séquence de rêve dans la clinique du docteur - un Howard Vernon fugace mais énigmatique. L'ensemble serait incomplet sans mentionner aussi le jeu sonore sur la musique du film et les effets de foire pour donner le tournis à la fois visuel et auditif dans la scène de viol du manège. Franco use et abuse des bonnes choses et fait durer inlassablement le moment - au milieu d'une cité en friche, comme il affectionnait cette modernité affectant la vie jusqu'à la dénaturer - une thématique déjà bien présente dans LA FILLE DE DRACULA par exemple. Avec malgré tout ce choix immodéré d'intérieurs moches à la décoration 70's plus que douteuse!

Franco se lance aussi dans des élans de roman populaire, de presque-Dame aux Camélias moderne. Forts accents sociaux, qui dénote une ambition renouvelée. Des dialogues crus, avec une franchise quasi sadienne - des infortunes de la vertu à la philosophie de boudoir cheap mais immanquablement relié à l'époque du film. Sexe libérateur? Sexe comme une drogue de perdition? Morale ou moralisateur? Probablement un peu des deux mais, Franco dresse son récit d'élégance psychologique. Avec des portraits masculins peu ragoûtants. L'homme y est une bête. Simplement. Et une homosexualité (féminine, bien sûr - on est chez Franco) théorisée et normalisée. Même si les dialogues ampoulés se déclament maladroitement. D'autres éléments carrément risibles comme l'arrivé des policiers des stupéfiants après une fumette party. Franco power, quoi.

Beaucoup de soin apporté à l'ambiance, l'image. Franco cède assez peu à ses envies de zooms intempestifs (quasi absents ici), de plans flous. Une certaine sagesse inhabituelle, mais qui se double de la réflexion du point de vue de l'oeil témoin. - qui ont les voyeurs? Les spectateurs du spectacle du strip tease ou... nous-même? Si l'héroïne s'appelle encore une fois Linda, le goût du sexe est ailleurs. Moins de gros plans hard comme pour LES POSSEDEES DU DIABLE mais plus de lascivité, de désir et tentative de symbiose sexuelle. Une image de l'origine du monde, Courbetienne. Un Franco plus mature et adulte dans sa démarche créatrice.

Dans un bel emballage 3 volets, et un recto d'une absolue beauté, on retrouve à la fois une galette Blu ray et DVD du film. En 1080p, encodage AVC sur un BD50, JOURNAL INTIME D'UNE NYMPHOMANE arrive au format 1.66:1 respecté et d'une durée complète de 86mn43. Menu animé du plus bel effet, agrémenté d'un morceau pop psyché provenant de la musique du film. Accès aux langues, bonus, remerciements d'usages? mais aucune trace d'accès chapitré, comme d'habitude. On passera la poussière blanche en début de générique, les brûlures de cigarettes, témoins de changements de bobine (donc devant provenir d'une copie 35mm?). Idem vers la 28e minute - partie droite de l'écran clignote de lueurs rouges. Probablement dû au matériel initial, occasionnant une légère gêne. La restauration s'avère cependant propre, avec le grain filmique respecté. Un très joli travail. Teintes des peaux naturelles, un certain sens du détail (les chevelures ne sont pas toujours au point, entre autres) mais de très jolis contrastes. Les gros plans précis contrastent avec les plans américains ou large plus diffus. Les scènes éclaboussées de lumière rouge sont par contre saisissantes. Avec ces éléments, le film n'a cependant jamais été aussi beau à voir!

Une piste DTS HD MA 2.0 française très brute. Avec quelques griffures sonores mais de bonne tenue. Les basses ont tendances à prendre le pas sur les aigus - sensation très perceptible dans les morceaux musicaux. Un peu de souffle notable, des dialogues largement audibles. Il existe des sous-titres anglais optionnels, pratique pour l'export, avec également la version anglaise en DTS HD MA 2.0, également. Il faut noter que les éléments musicaux sont nettement meilleurs en qualité audio que sa contrepartie française. Moins de saturation des basses et des aigus qui se détachent bien en avant : bien plus précis que le mixage français, y compris au niveau des dialogues.

Un journal intime chargé de suppléments, comme l'éditeur en a fait sa marque de fabrique. Un premier segment avec le spécialiste de Jess Franco, Alain Petit, qui s'étend assez largement sur la période du tournage (un peu comme il le fit déjà dans son entretien pour LES POSSEDEES DU DIABLE) et un petit tour d'horizon sur le mode d'écriture du metteur en scène/scénariste, et les protagonistes.

Si justement vous avez acheté LES POSSEDEES DU DIABLE, vous retrouvez avec plaisir Jacqueline Laurent en interview caméra... malheureusement, il s'agit exactement du même supplément repris ici. (se reporter à la critique du Blu ray pour le contenu)

Enfin, c'est le monteur/réalisateur Gérard Kikoïne pendant presque une heure. (avec une petite faute d'orthographe sur le menu du disque qui l'appelle Kikoini!) Un supplément assez curieux sur la forme adoptée, inhabituelle pour cet éditeur. On pense à un supplément plus ancien que ceux effectués ci-dessus. Laissant des interventions curieuses (comme les klaxons en pleine rue et Kikoïne qui se lâche là-dessus) donc pas de montage - ce qui pour un sujet sur un monteur peut paraitre antinomique! Ce côté brut de décoffrage peut désarçonner. Il faudra donc se concentrer sur le fond : une conversation roue libre émaillée d'anecdotes croustillantes à la fois sur le travail effectué, les personnages rencontrés (Robert de Nesle, Howard Vernon...)... et l'ambiance débridée qui régnait en ce début des années 70, entre bricolage familial et énergie créative. Donc passionnant à entendre!

Les bonus se complètent des habituelles et bienvenues bandes annonces des prochaines sorties de l'éditeur.

Pour le film comme pour l'édition on ne peut que recommander l'achat de JOURNAL INTIME D'UNE NYMPHOMANE, un des Jess Franco parmi ses plus ambitieux - si le spectateur veut bien se donner la peine d'aller au-delà du titre.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
LE JOURNAL INTIME D'UNE NYMPHOMANE Blu-ray Zone B (France)
Editeur
Le Chat qui Fume
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
France (Zone B)
Date de Sortie
Durée
1h27
Image
1.66 (16/9)
Audio
Francais DTS Master Audio Stéréo
English DTS Master Audio Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Jesus et moi - Entretien avec Jacqueline Laurent ( 25mn27 - VF - HD)
    • Journal intime de Franco - Entretien avec Alain Petit (47mn12 - VF - HD)
    • Interview de Gérard Kikoïne (47mn24 - VF - SD)
    • Film annonce CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE (2mn39 - VO)
    • Film annonce LA SAIGNEE/THE CONTRACT (3mn20 - VO)
    • Film annonce LA ROSE ECORCHEE (2mn54 VF)
    • Film annonce COMME DES CHENS ENRAGES (3mn50 - VO)
    • Film annonce AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (2mn30 - VO)
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