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Critique du film et du DVD Zone 2
DEMONLOVER 2001

 

Diane le Monx, cadre supérieure dans une compagnie financière française, supervise l'achat par celle-ci d'une société japonaise d'animation TokyoAnimé. Dès lors, deux puissantes firmes spécialisées dans le dessin animé pour adultes vont s'affronter pour obtenir les droits d'exploitations de ces oeuvres : Mangatronics et Demonlover...

Fils du scénariste Jacques Rémy (LES BIJOUTIERS DU CLAIR DE LUNE de Vadim, LE BOIS DES AMANTS de Claude Autant-Lara...), Olivier Assayas rentre chez "Les cahiers du cinéma" aux alentours de 1980, alors que la célèbre revue était en plein changement de formule et d'équipe. Après une période politiquement très engagée à gauche et artistiquement "intransigeante", le journal s'ouvre à des cinémas plus diversifiés. Le jeune critique se montre attentif au travail de personnes comme Carpenter ou Cronenberg. De même, en 1984, il participe à un numéro hors-série des "Cahiers" dédié au cinéma de Honk Kong. Après divers courts-métrages, notamment élaborés autour de membres de groupes rock comme les "Stinky toys" ou "Tuxedo moon", il réalise son premier long, DÉSORDRE, en 1986. C'est surtout au début des années 1990 qu'il acquiert la reconnaissance d'une partie de la critique, lorsqu'une nouvelle génération de cinéastes français, comme Despleschin ou Pascale Ferran, se complaisent, avec une réussite variable, dans des chroniques intimistes.

Assayas se fait alors remarquer avec PARIS S'ÉVEILLE, UNE NOUVELLE VIE, puis IRMA VEP, dans lequel il tente de timides appels du pied vers le cinéma "de genre". A la fin des années 1990, le vent tourne, et il change de registre avec LES DESTINEES SENTIMENTALES, une adaptation littéraire en costumes. En 2000, alors que triomphent auprès du public LES RIVIÈRES POURPRES et LE PACTE DES LOUPS, il se décide à écrire un ambitieux thriller, DEMONLOVER, qu'il tournera un an plus tard, entre le Japon, la France et le Mexique. Il réunit un casting international, regroupant des comédiens venant d'horizons variés. Outre le français Charles Berling, on trouve la danoise Connie Nielsen (MISSION TO MARS...), ainsi que les américaines Chloë Sevigny (BOYS DON'T CRY de Kimberly Peirce) et Gina Gershon (BOUND des frères Wachowski)...

Suite à l'étrange kidnapping d'une de ses collègues, Diane le Monx est chargée d'un dossier brûlant par les établissement financiers Volf, dont elle est salariée. Elle doit superviser l'acquisition des studios japonais TokyoAnimé, spécialisés dans les dessins animés pour adultes. Diane se rend à Tokyo, où l'affaire est conclue. Mais, à son retour, Volf est sollicité par les dirigeants de Demonlover, leader sur le marché de la pornographie sur Internet, qui veulent acquérir les droits de diffusion des oeuvres de TokyoAnimé. Ce contrat leur permettrait en effet d'écraser leur concurrent, Mangatronics. Mais il semble que Demonlover soit associé à des commerces illégaux, et notamment à la gestion de sites très violents...

DEMONLOVER se présente avant tout comme un thriller d'espionnage industriel. S'inscrivant dans les milieux d'affaire internationaux, l'action s'articule autour d'âpres négociations ayant pour enjeu le commerce et la circulation d'images à caractère pornographique, notamment sur internet. Des sommes d'argent colossales sont en jeu, et les acteurs de ces tractations, motivés par le seul appât du gain, changent facilement de camp.

Assayas décrit un monde des affaires d'une rare froideur, baignant dans un confort trompeur. Les rapports entre les individus sont complètement faussés par les intérêts financiers, et cet univers à part exige un tempérament de prédateur pour y survivre. Toute la première moitié du métrage se consacre à la description très noire, et non dénuée de clichés, de cet univers, dans lequel tout se ramène à la seule loi de l'offre et de la demande. Cela donne néanmoins lieu à un scénario original, habilement construit, bien que se traînant un peu.

D'autre part, DEMONLOVER s'intéresse à la circulation des images, à l'économie qu'elles génèrent et à l'imaginaire qu'elles véhiculent. Maintes références sont alors faites à VIDEODROME, dans lequel Max Renn (James Woods) cherchait des programmes de plus en plus violents afin d'assurer de bonnes audiences à la chaîne du câble qu'il dirigeait. Entre les dessins animés pornographiques, les jeux vidéos, les images de violence réelle ou fictive, Assayas se prête alors à un amalgame embarrassant, consistant à tout mettre dans un même panier, du snuff movie (de la pure légende urbaine, donc) aux comics américains.

Le film se permet même un dénouement ridicule, qu'Assayas explique, dans le commentaire audio, avec un argument condescendant, déjà trop entendu : les jeunes spectateurs (forcément idiots !) sont incapables de distinguer la réalité de la fiction... Trahissant ainsi un mépris souverain pour le grand public, il affiche en plus une méfiance prononcée pour toutes formes d'expression à destination populaire (auquel il se réfère pourtant, dans son cinéma, en citant souvent le feuilleton cinématographique LES VAMPIRES de Feuillade), apparemment vouées à transmettre le vice et la violence à travers le monde. Les thèmes abordés (internet, les jeux vidéos...), Assayas semble les survoler de loin, et les utiliser à la seule fin d'élaborer une morale simplette et globalisante. Le procédé se teinte, en plus, d'une hypocrisie déplaisante, quelques plans "X" extraits de vraies oeuvres érotiques ayant été insérés dans le métrage afin de lui donner une touche sulfureuse supplémentaire.

Pourtant, DEMONLOVER n'est pas un film qui suscite complètement le rejet. Certes, son déroulement est parfois inégal et longuet. Dans sa dernière demi-heure, il part même totalement en vrille, dans des séquences assez gratuites. La réalisation, se limitant à coller les personnages à l'aide d'une caméra constamment mobile, devient rapidement lassante. Ce procédé présente l'inconvénient de donner un caractère brouillon à certains passages (la bagarre dans l'hôtel), mais il permet aussi d'atteindre par moments un chaos désespéré, en parfaite harmonie avec le personnage principal, Diane, lorsque celle-ci est en pleine chute libre.

Assayas a le mérite de ne pas chercher à imiter un modèle américain, comme le faisait, par exemple, Kassovitz pour LES RIVIÈRES POURPRES. Il préfère proposer une oeuvre personnelle, aussi bien dans la forme que dans le fond. Alternant réussites plastiques et longueurs, moments de poésie mélancolique et réflexions brouillonnes, DEMONLOVER irrite, mais intrigue aussi. En compétition dans la sélection officielle du festival de Cannes, il y reçoit un accueil mitigé. Avant sa sortie en salles, Assayas décide de faire quelques changements dans le montage. Les critiques françaises seront plutôt positives, mais le public ne sera pas au rendez-vous.

Ce DVD français propose l'image dans son format 2.35 d'origine. L'essentiel du métrage a été tourné en Super 35, mais d'autres standards ont été utilisés comme la DV (les snuff movies) ou le super 16 (la fuite au Mexique), recadrés en 2.35. Le film ayant été étalonné en numérique, les éléments argentiques (super 35 et super 16) ont été scannés, sans passer, pour le second format, par un gonflage en 35 mm. Or l'étalonnage numérique n'est pas totalement maîtrisé pour le moment. Tout cela pour dire qu'il est difficile, pour un tel film, de faire la part des choses entre les inconvénients de cette technique et les défauts inhérents à ce DVD.

Quoi qu'il en soit, l'image de ce DVD est globalement très correcte, bien qu'on signale quelques problèmes, notamment des noirs ayant tendance à virer à une bouillie verdâtre fourmillante, et des petites limites dans la définition. Le rendu du grain dans les plans de nuit ou en 16 mm manque de naturel, tout comme certaines couleurs vives. Néanmoins l'ensemble est de qualité correcte, même si on pouvait s'attendre à un peu mieux pour un film aussi récent.

Le son est proposé dans sa version originale française (incluant des passages en anglais sous-titrés en français) en Dolby Digital 5.1 ou 2.0 surround, au choix.

La section Bonus est généreuse. On y trouve d'abord un commentaire audio d'Olivier Assayas, qui est TRÈS bavard ! C'est bien simple, il n'arrête quasiment pas de parler durant les deux heures du métrage. Pendant la première heure et demie, une grande part de son commentaire va consister à détailler ce qui se passe à l'écran, ce qui engendre parfois une impression de paraphrase, mais aide aussi, par moment, à attirer l'attention sur certains détails qui peuvent passer inaperçus. Lorsque le récit tend à partir en sucette (dernière demi-heure), Assayas émet des considérations plus générales sur les idées véhiculées par son film ; il sombre alors parfois dans une certaine confusion prétentieuse, abusant de tournures pédantes et de phrases interminables, dans lesquelles lui-même semble se perdre !

Un long "Making of" est proposé. Il s'agit essentiellement de montrer l'équipe au travail au cours du tournage de plusieurs scènes du film, avec quelques rares extraits d'interviews. Soigné, cherchant visiblement à tourner le dos au travail très carré des habituels "Making of", ce vrai film souffre toutefois d'être un peu redondant sur la longueur. Un autre film nous montre le groupe "Sonic Youth" et Jim O'Rourke travailler à l'élaboration de la bande originale de DEMONLOVER ; là encore, on apprécie un travail soigné et original, mais on regrette un aspect répétitif et, en fin de compte, longuet.

Dans un style plus traditionnel, on peut visionner de courtes interviews d'Assayas, Connie Nielsen, Chloë Sevigny et Charles Berling. On trouve encore deux bande-annonces et une version du contenu du site "Hellfire club" un peu plus longue que dans le film. Enfin, un bonus caché propose une courte interview de Connie Nielsen.

DEMONLOVER est un film qui partage. Longuet, inégal, lassant, se livrant à une réflexion très primaire sur les images, il frappe aussi par sa noirceur, sa forte personnalité et l'intensité de son interprétation. Le DVD propose une édition globalement très correcte, avec des bonus, qui, même s'ils ne sont pas parfaits, ont le mérite de rompre avec le train-train des cadeaux purement promotionnels habituellement proposés.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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Un film inégal et lassant
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L'édition vidéo
DEMONLOVER DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h56
Image
2.35 (16/9)
Audio
English/Francais Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Commentaire audio d'Olivier Assayas
    • Making Of (56mn30)
    • SY NYC 12/12/01 : The Demonlover sessions (30mn06)
      • Interviews
      • Connie Nielsen (4mn27)
      • Charles Berling (3mn06)
      • Chloe Sevigny (5mn14)
      • Olivier Assayas (4mn34)
    • Hellfire Club (4mn)
      • Bandes-annonces
        • Demonlover
        • Teaser
        • Trailer
      • Gangs of New York
      • The Extremists
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