Header Critique : POLTERGEIST III

Critique du film et du Blu-ray Zone B
POLTERGEIST III 1988

 

POLTERGEIST fut un des succès surprises de 1982. Réalisé par Tobe Hooper, les fantômees frappeurs alimentèrent généreusement les caisses de la MGM. Qui bien sûr décida d'une suite nommée sobrement POLTERGEIST II: L'AUTRE COTE, reprenant le casting original mais avec Brian Gibson se chargeant de la mise en scène. Succès bien moindre mais un film qui se vendit néanmoins partout en 1986. De ce fait, MGM souhaite remettre le couvert mais en réduisant drastiquement les coûts de production. Arrive alors Gary Sherman, auteur de REINCARNATIONS et de VICE SQUAD qui propose une alternative aux couteux effets spéciaux visuels. Tout ou presque sera réalisé devant la caméra, sous formes d'effets optiques à base de miroirs. La production est emballée et le film se tourne à Chicago en 1987. Sherman cumule les jobs de producteur exécutif, co-scénariste, concepteur des effets spéciaux et réalisateur.

Chicago? Bien loin du site idyllique de Vista Verde. Il s'agira d'un des nombreux changements que Sherman et son équipe vont apporter à la saga POLTERGEIST. Si le squelette d'origine de la famille menacée par un mauvais esprit à la recherche de la « lumière » demeure, la chair montée autour change drastiquement. Craig T. Nelson et JoBeth Williams ne revenant pas, Carol Anne (Heather O'Rourke) est donc envoyée chez sa tante Pat (Nancy Allen, en pleine gloire post ROBOCOP), mariée à un veuf (Tom Skerritt). Père d'une fille (Lara Flynn Boyle, encore toute naturelle), il supervise un immeuble de Chicago qui ne va pas tarder à se dérégler. Pendant ce temps, Carol Anne se fait hypnotiser par un médecin (Richard Fire). Ceci provoque le retour du Révérend Kane (Nathan Davis) qui a enfin réussi à retrouver la trace de la jeune fille.

La structure familiale s'avère différente. Recomposée dans un premier temps : Skerritt plaisante même sur la notion de la « mauvaise belle-mère » vis-à-vis de sa femme, une thématique et un ressort dramatique récurrents dans le cinéma américain. Ensuite Carol Anne lâchée par sa famille et expédiée dans un autre environnement. Sherman souhaite clairement une approche plus urbaine : Chicago et ses températures hivernales font un parfait contrepoids. Une musique créant un inconfort pesant, raccord avec la géographie des lieux. D'ailleurs, l'aspect glacial se retrouve à tous les étages de narration du film. Et à bien y réfléchir, ces éléments composites ont indirectement conduit POLTERGEIST III au semi-échec public lors de sa sortie en été 1988. Mais en même temps, si le film ne génère pas autant de tension que le premier opus, Sherman a livré une oeuvre singulière, personnelle et bien plus riche qu'il n'y parait.

La grande idée de POLTERGEIST III reste la mise en images de l'idée du double maléfique via l'image réfléchie. Que se cache-t-il derrière un miroir? Toute surface réfléchissante renvoie un double qui donc ne serait pas ce qu'on croit. Partant de ce principe, toute la narration et l'élaboration des effets spéciaux vont s'en trouver impactés. Tout élément renvoyant une image apparait un vecteur pour Kane de jouer avec la perception de la réalité. Une vitre d'immeuble, une glace sans tain, une flaque d'eau, une piscine… deviennent une porte potentielle vers « l'autre côté » si bien nommé. Voir ainsi à la 58e minute, lorsque Tangina (Zelda Rubinstein) se penche sur la flaque d'eau réfléchissant son image - appelant Carol Anne « de l'autre côté ». Imperceptiblement, on décèle la réflection de Tangina prononçant les mots lancés par la petite fille. Gary Sherman a donc effectué le choix d'effets spéciaux au diapason de cette idée. Une double bonne idée : à la fois en gain budgétaire, mais aussi sur la netteté de l'image vis-à-vis des trucages. Certains effets visuels passant relativement mal le gué des années, l'avantage de ceux pensés par Sherman - ne requérant aucun effet visuel en post-production (ou de mattes voire de rétroprojections) est que l'image reste stable, et non dégradée lors de son passage sur un support HD. Et des effets spéciaux in situ qui bluffent toujours autant!

Ce que le film gagne en ingéniosité et en originalité visuelle, il le perd en bénéfice de visuel en profondeur. Exit le format Scope (un choix discutable que la MGM opérera aussi pour LA MUTANTE II par rapport au premier épisode de la saga), adieu les plans larges et généreux. On se trouve en creux d'une série B débrouillarde mais qui perd du lustre de ses aînés. La musique de Jerry Goldsmith apportait une ampleur sans précédent. Ici, les tripatouillages de Joe Renzetti font peine à entendre, accompagnant vaguement les scènes plutôt que de les porter.

Malgré ces éléments inventifs et hors norme, POLTERGEIST III fonce droit dans le décor. Plusieurs raisons à cela qui, rétrospectivement parlant, expliquent quelque peu les problèmes insurmontables auxquels le film fit face. Sans parler de critiques positivement désastreuses et d'un bouche à oreille public catastrophique. L'écriture même du scénario et des situations : des dialogues parfois risibles couplés à des répétitions ad nauseam des prénoms des personnages (Carol Anne en tête) ne portent pas vraiment le film au-delà de ses ambitions. Pire encore, certaines situations directement empruntées à des formules du genre VENDREDI 13 avec ses adolescents brisant les interdits afin de s'amuser. On ne parle pas de drogue sexe ou autres joyeusetés, donc exit les débordements attendus/espérés. On sent quelque part une influence du MPAA qui a sabré à la base toute forme de gore trop expressif au sein des productions des majors américaines depuis le milieu des années 80. les scènes délirantes du 1 voire du 2 sont absentes ici, mis à part une tête sobrement coupée et un visage d'où émerge une main.

La direction d'acteurs ne semble pas le fort de Gary Sherman et la côté relationnel intrafamilial fortement tissé dans le premier opus, voire dans une moindre mesure dans la séquelle, apparait singulièrement abscons ici. La notion d'amour maternel qui transcende tout ne pointe le bout de son nez qu'en toute fin de métrage. Si bien que Nancy Allen, pas forcément à son aise, apparait plutôt comme une snob branchouillarde arty peu engageante qu'autre chose. Zelda Rubinstein n'a pas grand chose à faire de singer ses premières prestations pour le peu qui lui est donné… rien à voir avec son apparition bizarro-inquiétante du 1e épisode. Et ses dialogues déclamés avec grandiloquence au final n'arrangent en rien sa crédibilité.

Ensuite, la décision de la MGM de faire une séquelle au rabais. Même si Jerry Goldsmith a exprimé une relative déception quant à POLTERGEIST II, il était hors de question que MGM mette la main au portefeuille pour faire revenir le maître. Idem pour les coupes budgétaires initiales quI ont forcément rétréci les chances de développer une certaine grandeur dans le spectre de l'action. Un script réécrit plusieurs fois, et un premier tournage bouclé en juin 1987. Insatisfaction générale et donc la fin originale pourtant écrite en janvier 1987 passée à la trappe pour cause de couts trop élevés, ou deux jumelles maléfiques se mettaient à décimer Chicago. Une nouvelle fin doit être tournée mais le tournage est hélas endeuillé par la mort subite d'Heather O'Rourke - à qui d'ailleurs le film est dédié. Et qui va renforcer le caractère soi-disant « maudit » de la saga, chaque POLTERGEIST ayant été entaché de la mort d'un de ses protagonistes. Sur POLTERGEIST II, John Beck était déjà malade lorsqu'il joua le Révérend Kane et mourra peu de temps après. Nathan Davis fit le doublage voix, et reprit le rôle de Kane pour le film suivant.

L'héroïne décédée en mars 1988, Sherman va devoir recourir à certains subterfuges pour filmer la nouvelle fin. Bien mal lui en prend, car cette fin laisse à peu près sur la carreau toutes les espoirs initiaux. Sans parler de la même erreur finale du 2 qui voit l'un de ses héros absent du final. Dans POLTERGEIST II, Taylor (Will Sampson) disparait purement et simplement du plan final. Pour POLTERGEIST III, le personnage de Scott (Kip Wentz), qu'on voit éjecté de la piscine gelée, reste inexplicablement hors écran. Plusieurs raisons selon les points de vue : Gary Sherman indique que l'acteur était indisponible au moment du nouveau tournage car à NYC. Ce que l'artiste concerné conteste, étant à l'université de UCLA à ce moment précis, et donc potentiellement présent. Sauf que personne ne l'a appelé. Autre explication par Tom Skerritt, argent du fait que chacun fut bouleversé par la mort d'Heather O'Rourke et que certaines décisions furent prises à l'emporte pièce. Lors des diverses interviews données, Zelda Rubinstein répond délibérément à côté de la plaque sur les événements qui se sont passés après cette disparition tragique. Nul doute que nous ne saurons jamais… Et ceci ne change pas le fait de l'incohérence générale. Car une troisième fin se verra rapidement tournée, gardée pour l'exploitation du film sorti en juin 1988 aux USA. Avec un acteur maquillé par John Caglione afin de remplacer la version maléfique de Carol Anne, malgré le décès de l'actrice. Mais au final, plus personne chez MGM ne sembla intéressé par s'occuper véritablement du film du fait de l'enchainement de problèmes et du décès ternissant l'oeuvre.

POLTERGEIST III reste curieusement absent du territoire américain en format Blu ray - C'est vers le vieux continent qu'il faut se tourner pour bénéficier de la HD. Le disque britannique sorti chez 20t Century Fox possède une durée complète de 97mn34 et au format 1.78:1. Il est compatible zones A, B et C. L'accès s'effectue via un menu animé d'une laideur remarquable, avec accès chapitré à minima. On remarque la présence d'une version française et de sous-titres français: un achat est donc envisageable afin de voir le film sur nos lecteurs! Comme il s'agit d'une édition prévue pour l'international, il existe une pléthore de doublages et de sous-titres amovibles (voir la liste complète dans la fiche technique sur la gauche de l'écran). Le seul hic étant que seule la piste anglaise dispose d'un mixage non compressé en DTS HD MA 5.1. La piste française reste en des 5.1, comme la majorité des autres langues.

La copie présentée s'avère propre, sans aucune griffure de notable ni de poussières. Le niveau de grain original demeure, si bien que l'ensemble ne souffre pas d'abus de réduction de bruit. Le niveau de détail reste très agréable : voir la scène où le double maléfique de Carol Anne surgit de la porte de sa chambre. Aussi bien la porte en voie d'exploser que le mur contigu ou le visage, tout se distingue remarquablement. Idem dans les détails des vêtements (comme à 58mn30, avec les tenues de Tangina et du Dr Seaton), allié au naturel des teintes de peau et de précision des contours. Les scènes en pénombre tout comme en sous-sol, bien éclairées, génèrent des contrastes plus qu'honorables.

Côté piste sonore, la piste DTS HD MA 5.1, bien que tout à fait audible, n'offre pas un palette très large. Les dialogues se détachent correctement et les effets sonores, bruitages réussissent à envelopper le spectateur de l'ensemble des canaux. Les dialogues son surtout appuyés en central (un reste des mises sonores originales? Le film fut en effet mixé en Dolby Stereo). L'ensemble ne parait pas artificiel. On sent néanmoins qu'il manque une ampleur générale afin de faire vraiment décoller le film. La piste française en DTS 5.1 apparait en deçà, fonctionnelle et surtout enregistrée bien plus bas.

Comme il s'agit d'un titre du catalogue MGM, il y aurait donc matière à ce qu'un éditeur US comme Shout! Factory puisse en tirer une édition collector affinée comprendre ce qui s'est réellement passé sur ce tournage. Et ce qui a fait qu'une franchise dotée d'autant de potentiel ait pu se voir réduite à peau de chagrin. Mais à ce jour, il faut se contenter d'un Blu Ray au contenu anémique pour les suppléments. Ici un misérable teaser (non sous-titré), doté d'un plan aérien sur Chicago par ailleurs absent du film.

Un Blu ray forcément décevant du fait de son contenu très limité. Pour un film qui s'apparente à un ratage plus intéressant que son accueil polaire reçu à sa sortie. Une curiosité qui pose plus de question sur la manière dont il a été conçu et sorti que de réponses claires. POLTERGEIST III mérite une seconde chance du fait de la patte quelque peu mortifère et les jeux de miroir de l'âme élaborés par Sherman, mais rien guère plus. Un film-testament pour Heather O'Rourke, dont la carrière achevée tragiquement aurait du bénéficier d'un traitement plus noble.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
POLTERGEIST III Blu-ray Zone B (Angleterre)
Editeur
Support
Blu-Ray (Simple couche)
Origine
Angleterre (Zone B)
Date de Sortie
Durée
1h37
Image
1.78 (16/9)
Audio
English DTS Master Audio 5.1
Francais DTS 5.1
German DTS 5.1
Italian DTS 5.1
Japanese DTS 5.1
Spanish DTS 5.1
Portuguese DTS 5.1
Thai Dolby Digital Stéréo
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