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Critique du film
THE ROVER 2014

 

Récit post-apocalyptique aux accents d'un MAD MAX sans les effets du genre, THE ROVER adopte une vision épurée, simple, réaliste presque sociale, avec énormément de poussière, comme un nouveau genre de Western. Marqué par la crise, par la pauvreté extrême, THE ROVER s'inscrit dans un esprit terriblement contemporain.

THE ROVER est le second long métrage d'un jeune réalisateur australien prometteur. David Michôd avait auparavant signé ANIMAL KINGDOM, une saga familiale violente et rude. Il persévère donc avec un récit d'apocalypse en plein outback australien marchant sur les trace de George Miller. Mais son film conserve les mêmes racines d'un cinéma social que l'on avait vu éclore avec son premier film. Excessivement conscient de l'héritage cinématographique dans lequel il s'inscrit, le film rappelle autant un WAKE IN FRIGHT que MAD MAX. Toutefois, David Michôd évoque autant l'arrière pays australien poussiéreux que la crise financière. Car au centre du récit de THE ROVER, le cinéaste dresse une critique du fonctionnement économique. Ainsi, la crise qui secoue actuellement nos sociétés craintives, THE ROVER nous expose, avec un brin de cynisme, notre possible avenir. La crise aurait donc finit par faire imploser un système déjà en bout de course mais le film va néanmoins plus loin. Il dépasse l'aspect social de la question et s'inscrit dans l'intime, dans l'humanité et dans la profondeur abyssale de nos âmes perdues au milieu d'un monde qui sombre vers une mort certaine. Le réalisateur ne nous exposera d'ailleurs pas vraiment ce qui a provoqué cette apocalypse. On apprend d'emblée que le système est foutu, qu'il a déraillé en nous laissant sur le bord de la route et l'on constate qu'il n'y a plus de police. Les militaires semblent gérer comme ils le peuvent une situation qui dépasse tout le monde. Les gens survivent, comme ils le peuvent, en se passant de l'argent que ce soit par débrouillardise ou par la violence, car les dollars américains si recherchés ne sont au fond que des bouts de papiers ne possédant guère plus de signification dans un monde où la seule justice possible est celle qu'on s'applique, à soi-même, et aux autres.

Tout le long de ce récit nihiliste, on suit Guy Pearce incarnant un anti-héros solitaire, taciturne, renfermé, un être qui semble avoir déjà trop vécu, éprouvé, gommé par une vie rude dont on ignore les faibles. On ne sait rien de ce qui a pu lui arriver, on n'en voit que les conséquences, les traces, les fissures, les fêlures. Il navigue tel un fantôme, il ressemble au héros de la trilogie de Sergio Leone, sans nom, sans passé et sans véritable histoire. Et pourtant, on la sent palpiter, en dessous, à travers ses paroles rongées par l'acide, son ton dur, son regard absent, ses traits qui soudainement s'agite, ce rictus et cette déferlante d'une colère glaciale, contenue, toute la misère du monde s'y presse, se congestionne à l'intérieur. Il avance, obstinément, dans une direction semblant absurde, embarquant avec lui un Robert Pattinson étonnant dans un rôle de composition à l'opposé de tout ce qu'il a pu jouer par le passé. Complètement bouleversant en simplet abandonné par son frère et sa bande de truand, le jeune comédien s'affirme là en bon acteur, autre bonne surprise du film. Un bref instant, notre esprit nous joue un tour, et dans ce couple improbable on croit reconnaître un Walter White et un Jesse Pickman. Illusion due à la poussière. Le drame est ici tout autre. On en vient à comprendre son système : le anti-héros solitaire est un boulet de canon fonçant dans sa propre direction, entraînant dans son sillage un simple d'esprit encore empli d'une humanité en voie de disparition, mais qui ne peut le comprendre ni l'aider.

Pour autant, le couple improbable nous touche, nous illumine, il y a là une tendresse insolite, une émotion rare parce qu'elle est distillée au compte goutte. Chaque révélation sur le personnage solitaire semble être un électrochoc, alors que chaque trait de génie chez le simplet nous évoque un instant d'or, précieux, rare, moment de grâce qui ne saurait durer. Pendant un bref instant, ces deux âmes que tout oppose se croise, s'entrechoque, et on espère qu'il va provoquer un autre état, comme si on était dans un laboratoire de chimie. Quelque part c'est cela THE ROVER, mais c'est aussi nous, spectateur qui doucement ouvrons les yeux, et quand la poussière soulevée retombe on ne peut que constater que ce film est une de ces pépites, encrassée par la poussière, à l'apparence trompeuse, très éloigné au final de ses aînés dont il n'a fait que nous donner l'illusion de s'en être inspiré alors que David Michôd était en train de construire sa propre mythologie.

Rédacteur : Sophie Schweitzer
Photo Sophie Schweitzer
Passionnée de cinéma et littérature de genre, elle a fait des études de cinéma et travaille désormais comme cadreuse. A côté de son travail, elle écrit des nouvelles fantastiques et horrifiques.
36 ans
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