Header Critique : AMOURS CANNIBALES (CANIBAL)

Critique du film
AMOURS CANNIBALES 2013

CANIBAL 

A Grenade, Carlos œuvre en tant que tailleur, suivant les traditions de finesse et de qualité qui lui ont été transmises par son père. La vie solitaire de cet artisan est une longue routine un peu morne. A un détail près, Carlos a une manie. Celle d'enlever de jeunes femmes pour ensuite les manger...

Avant de devenir un film, AMOURS CANNIBALES est un tout petit ouvrage d'Humberto Arenal, un romancier, dramaturge et journaliste cubain qui s'était exilé aux Etats-Unis pour échapper à la dictature de Batista. En adaptant ce livre pour le cinéma, Manuel Martin Cuenca le délocalise totalement. Il n'est ainsi plus question de Cuba puisque l'histoire prend place à Grenade, une ville espagnole. Mais, à vrai dire, le cinéaste s'approprie entièrement l'histoire et apporte de nombreux changements ce qui en fait une adaptation très libre. La liberté, on la retrouve aussi, en quelque sorte, dans ce que l'on retiendra du film. En effet, la finalité de AMOURS CANNIBALES est laissé à l'appréciation de chacun. En tout cas, Manuel Martin Cuenca propose un film froid, à l'ambiance épurée, et ne donnant pas ouvertement les clefs de son intrigue.

Cassons tout de suite le fantasme d'un film gore, AMOURS CANNIBALES ne s'inscrit absolument pas dans le registre d'une boucherie sensationnelle. La mise en image du réalisateur se fera bien plus subtile. D'ailleurs, il n'y a, en réalité, qu'une seule séquence montrant le tueur découpant une victime et elle prend place dans la première partie du film. Cette scène pose les bases d'un homme froid et méticuleux, tout comme la mise en scène de AMOURS CANNIBALES. Ce qui aurait pu être un passage graphiquement choc passe par la suggestion. La caméra s'attarde sur une jambe ou un bras, secoué par les chocs des coups portés à la victime. Efficace et sobre ! Cette mise en bouche de AMOURS CANNIBALES se fait aussi sans dialogue pour mieux laisser parler les images. En quelques scènes, le film nous présente un ogre des temps modernes, oeuvrant dans son repaire perdu au milieu de magnifiques décors montagneux, très loin d'un quotidien étriqué. Mais passé ce préambule intrigant, le film va malheureusement s'enliser. AMOURS CANNIBALES tente alors de nous faire partager la routine de son personnage principal. Une routine dans laquelle s'insère des repas anti-spectaculaire où il se cuisine de manière anodine des steaks à la provenance très particulières. Répétitions des lieux et des situations, filmé de façon contemplative avec une grande froideur, AMOURS CANNIBALES a un peu de mal à créer de véritables émotions.

Petit à petit, malgré une belle réalisation épurée et évocatrice, cela finit par créer une distance malvenue. Renforcé par le choix de Manuel Martin Cuenca de ne pas clairement expliciter les actes de son tueur cannibale. Plus gênant encore, les dialogues laissent planer des sous-entendus non exploités. Le lien avec la religion restera assez floue particulièrement lorsque la figure paternelle du personnage principal est évoquée. A partir de là, on peut choisir de voir dans le film seulement l'histoire d'un homme solitaire qui chasse les femmes pour les manger. Autant dire qu'il rejoint la longue liste des tueurs en série et autres psycho-killer du cinéma qui évolue incognito au milieu de notre société. Néanmoins, il apparaît peut être plus intéressant de l'aborder sous un prisme différent et, peut être, involontaire de la part de l'auteur. AMOURS CANNIBALES nous donne une curieuse métaphore de l'amour et du sexe. Le désir mène le personnage à consommer littéralement de jeunes femmes. Un peu comme s'il s'agissait d'une conquête d'un soir permettant d'assouvir un besoin qui n'aura plus lieu d'être le lendemain. Ce type de consommation purement sexuelle étant alors dénué d'un sentiment amoureux. En abordant le film de cette façon, on peut dès lors mieux replacer le contexte religieux et surtout l'épilogue de l'histoire. Alors, forcément, en associant les relations sexuelles à une simple consommation de chair fraîche dans une garçonnière perdue dans les montagnes, AMOURS CANNIBALES donne un peu l'impression de nous faire la morale. Ce serait certainement moins gênant si le film ne donnait pas, au final, l'impression de servir un sujet plutôt maigre en étirant de façon peu raisonnable le fil de son intrigue, près de deux heures tout de même.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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